Ingénieur de formation et violoniste professionnel, Laurent Bernadac a su allier ses deux passions pour concevoir un instrument qu’un luthier traditionnel ne pourrait fabriquer : le 3Dvarius, un violon électrique imprimé en trois dimensions, intégralement en résine époxy. Léger, esthétique et performant, il séduit depuis plusieurs années de grands noms de la musique. À la tête de l’entreprise éponyme fondée en 2016, il développe aujourd’hui une gamme complète d’instruments hybrides alliant technologie et musicalité. Dans cet entretien exclusif, il revient sur l’origine du projet, les défis techniques rencontrés, sa carrière artistique et ses ambitions pour l’avenir.

Laurent Bernadac © Les images de Tom
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’imprimer un violon en 3D ?
« Ingénieur en génie mécanique et énergétique de formation mais avant tout violoniste depuis mes 5 ans, avec 10 ans de classique dans les pattes ainsi que des années de jazz et de rock en tant que violoniste professionnel, il me fallait rallier mes deux passions pour n’en faire qu’une. Une hybridité qui m’a poussé à créer le 3Dvarius, un violon électrique à la hauteur d’un instrument professionnel, entièrement imprimé en 3D. Il m’a fallu quelques essais, quelques années de travail, peut-être 3 ans, pour arriver à un résultat satisfaisant ou en tout cas commerçable. Puis lorsque cela a daigné fonctionner, on a commencé avec des collègues à vendre nos premières unités, et de fil en aiguille, on a créé notre société qui porte le nom du violon, 3Dvarius. Ainsi, depuis 2016, date de la création de cette entreprise, celle-ci propose différentes gammes de produits. L’objectif était pourtant, à la base, de me créer un instrument personnel, qui m’est propre et unique. »
À qui s’adressent vos créations, des musiciens ? Enseignants ? Amateurs ?
« Au départ c’était donc pour moi, puis la commercialisation entraînée, le 3Dvarius a touché les artistes professionnels comme Catherine Lara et Renaud Capuçon, deux violonistes français. Ou encore, à l’international, quelques autres grands noms. Quelques amateurs m’en commandent, plutôt en tant qu’objets d’art ou pour en jouer occasionnellement. Mais quoi qu’il en soit, ce violon n’est pas destiné au grand public, tout le monde ne peut pas se le payer, étant donné qu’il peut coûter jusqu’à 8000 euros l’unité, en fonction des options. C’est pour cela que nous avons développé une gamme entière, qui va de 1300 euros, en bois, en passant par les Équinoxes qui mêlent bois et impression 3D, à 2700 euros. Ou encore la gamme Prism, violon à 1800 euros, au corps en bois, avec des LED réactives au son à l’intérieur. Certain font exactement le même poids qu’un violon traditionnel. Également, nous vendons des violons qui vont jusqu’à 7 cordes, pour proposer un instrument à la fois violon, qui puisse aussi pousser jusqu’au violoncelle. Cela permet de créer un son plus grave. »

Laurent Bernadac © Les images de Tom
Physiquement, le 3Dvarius ressemble-t-il à un violon traditionnel ?
« Disons premièrement, que le 3Dvarius ne fait pas le même poids qu’un violon traditionnel. La différence de poids réside dans le choix du matériau utilisé lors de la conception. Ma création pèse un peu plus de 500 grammes, car en résine époxy, un matériau dense qui va laisser passer les hautes fréquences. Tandis qu’un violon classique, en bois, qui laisse d’ailleurs passer un son plus doux, pèse plutôt aux alentours des 450 grammes. Une différence notable, qui ne se voit pas forcément à l’œil nu, mais qui se ressent sur l’épaule et à l’oreille. Pour ce qui est de la forme en elle-même, quelques différences sont à noter. Lors de la modélisation, j’ai réfléchi à quelles parties étaient absolument utiles en vue d’un violon électrique, et quelles parties pouvaient être supprimées. Alors j’ai gardé le manche, la mentonnière, le bas du violon et quelques autres pièces qui permettent de jouer juste. Ensuite, j’ai enlevé toutes les autres pièces et je me suis retrouvé avec ma selection, que j’ai rassemblées, pour former le 3Dvarius. Le corps du violon est pour autant en une pièce. Voilà pourquoi cela ressemble à un violon, sans en être un. »
Quels défis avez-vous rencontrés au cours du processus de fabrication ou de conception ?
« L’impression 3D est en train de se démocratiser depuis quelques années, mais on reste quand même avec des machines, en tout cas celles qu’on utilise nous, en location, à plus de 200 000, voire 300 000 euros. Ces machines sont primordiales pour la fabrication de mes violons et leur transparence. On en dénombre cependant peu en France. La réelle difficulté, c’est de contacter ces entreprises et de trouver les fonds nécessaires pour y imprimer les différents instrument, notamment les prototypes au début, à coup de 20 000 euros d’investissement pour ces premières impressions, sans compter l’électronique. Toutefois, techniquement, j’ai pu rencontrer des problèmes, sans pour autant que cela m’arrête. Après tout, c’est mon métier de trouver des solutions. Des amis ingénieurs m’ont également aidé. »

Violon © 3Dvarius
Jouez-vous encore sur scène, et qui plus est avec vos instruments ?
« À une époque, j’étais à près de 70 concerts par an, un rythme que je ne peux plus tenir compte tenu du développement de mon entreprise, alors je suis plutôt à 30 concerts par an maintenant. Ce qui me permet de les choisir. J’ai joué à Los Angeles il y a peu, en Chine, en Norvège, en Italie… je voyage. Des concerts durant lesquels je joue de mon instrument. Des concerts durant lesquels je laisse une place importante à l’improvisation notamment. Ce n’est pour autant pas chose facile à maîtriser, il m’a fallu une bonne quinzaine d’années pour me risquer à cette pratique sur scène, sans encombre. »
Vos projets pour l’avenir ? Vous faites de la guitare également, pourquoi pas imprimer une guitare ?
« Nous imprimons des modèles de violons et de violoncelles, d’ores et déjà. Il faudra attendre un peu avant la concrétisation d’un projet guitare en impression 3D, car avant toute chose, j’aimerais compléter la famille des quatuors à cordes, avec l’alto et la contrebasse. Mais la guitare est un projet, j’aimerais beaucoup travailler sur la conception de cet instrument, en partie bois, en partie impression 3D, pour des questions de solidité, diminuée avec l’époxy pour des objets plus grands que les violons, d’après mes expériences. »
Informations pratiques :
Pour plus de renseignement : le site officiel
Boutique : achat
Contact : formulaire