Critique. Opéra. Chorégies d’Orange 2025. Théâtre Antique, le 20 juillet 2025. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Forza del destino. Version mise en espace. Lumières : Vincent Cussey. Marquis de Caltrava/Padre Guardiano : Michele Pertusi ; Leonora di Vargas : Anna Pirozzi ; Don Carlos di Vargas : Ariun Ganbaatar ; Don Alvaro : Russel Thomas ; Preziosilla : Maria Barakova ; Fra Melitone : Ambrogio Maestri ; Cura : Julie Pastureaud ; Un alcade/un Chirurgo : Louis Morvan ; Maestro Trabuco : Rodolphe Briand ; Orchestre de l’Opéra de Lyon ; Chœurs de l’Opéra de Lyon (chef de chœur, Benedict Kearns) ; Chef de Chant: Sylvaine Cartier. Direction Musicale : Daniele Rustioni.
Belle Forza del destino à Orange, le destin fait des siennes.
La force du Destin de Verdi est un opéra très aimé du public mais rarement offert tant il est exigeant. L’action incohérente rend les choses difficiles pour un metteur en scène. La partition exige un grand chef et de nombreux premiers rôles. Ce soir à Orange la mise en espace efficace avec de belles projections permet aux chanteurs de donner le meilleur d’eux même. Le chef Daniele Rustioni est un champion de cet ouvrage. Sa direction est admirable. Nous le savons depuis la production de l’Opéra de Lyon ce printemps. Le chef italien est incroyablement à l’aise avec cette partition disparate. Sa lecture assez rapide et énergique fait avancer le drame à toute vitesse. Les nuances sont creusées les phrasés admirablement ciselés et les couleurs de l’orchestre ont été magnifiques tout du long. La sublime clarinette lors de l’air d’Alvaro a été un moment rare, quelles couleurs, quelles nuances !

Daniele RUSTiONI
Côté voix cela a été une fête verdienne très réussie. Michele Pertusi, voix qui défie les ans, campe un Marquis de Calatrava inflexible et sonore. Puis en Padre Guardiano il nuance davantage et demeure très impressionnant.
La Léonore d’Anna Pirozzi est d’une solidité incroyable. Cette artiste que le monde réclame en Abigail et en Turandot a la voix idéale pour Leonora. Voix très large, homogène et puissante. La technique de bel canto lui permet de filer les sons et de nuancer ses phrasés. C’est une très belle Leonora au chant irréprochable.

Anna Pirozzi

Anna Pirozzi et Russel Thomas
Son amoureux Don Alvaro est sur le même sommet. Le ténor américain, Russel Thomas a une voix ronde et très homogène. Il nuance moins que sa partenaire mais ses efforts sont louables. Vocalement le couple est tout à fait assorti. La mélancolie de son grand air est palpable et ailleurs la bravoure d’une solidité parfaite. Son chant piano un peu détimbré est touchant. Les duos avec Carlo sont très réussis. Russel Thomas qui a remplacé au pied levé Brian Jadge a fait plus que sauver la production.

Ariun Ganbatar et Russel Thomas
Le Don Carlo du baryton Ariun Ganbaatar est très intéressant. Voix solide également il arrive à donner du brillant à son personnage. La violence de sa vengeance mortifère est terrifiante. Voix puissante et aigus dardés il va pouvoir incarner bien des rôles verdiens. Il chante toutefois un Italien un peu baroque, parfois très raide au niveau des consonnes.
La Preziosilla de Maria Barakova est tout à fait remarquable. Belle voix sonore et agile, la jeune femme est excellente actrice. Sans effet de poitrinage et sans lourdeur, elle arrive par son énergie magnifique à rendre ce personnage sympathique et élégant ce qui n’est pas habituel. Bravo.

Maria Barakova et le choeur de Lyon
Le Fra Melitone d’Ambrogio Maestri est truculant et bien chantant.
Rodolphe Briand en Trabuco campe un personnage original, sa voix de demi-caractère y fait merveille. Louis Morvan et Julie Pasturaud ont été impliqués et efficaces dans leurs interventions.

Ambrogio Maestri , Louis Morvan, Ariun Bantaar, Maria Barakova
Le Chœur de l’Opéra de Lyon a été admirable de présence vocale et scénique. Avec ses nombreuses pages chorales cet opéra demande des chœurs riches et variés , nous avons été comblés.
Cette soirée semblait ravir les spectateurs et promettait une fin très émouvante. Le sort en a décidé autrement. Ce soir le destin a évité la mort à Carlo et Leonora car la pluie orageuse a sonné la fin de la représentation. Il n’y a pas eu la fin de l’acte trois, juste avant le Rataplan très attendu et pas le quatrième acte si terrible qui promettait beaucoup. C’est bien dommage mais d’un autre coté le drame a été évité. Après tout le destin est le maître… Et le public s’est disséminé sans rancœur.

le moment fatal ou l’orchestre et le public plient bagages sous la pluie naissante … photo: H.S
Hubert Stoecklin
Toutes les photos sauf la dernière Photo : C. Gromelle