Avant un retour de ses dates de concert, dont le samedi 29 novembre 2025 à 20h au Zénith de Toulouse, Julien Doré a enchanté le public de ce dernier. Accompagné de quelques musiciens talentueux et drapé d’une scénographie cinématographique aspirante, celui qui se sied d’un humour fédérateur ose et ça fait du bien.

Julien Doré, sur la scène du Zénith de Toulouse le samedi 24 mai 2025
Assurément né pour être performer sur scène, Julien Doré est doté d’une telle présence scénique pour son public qu’elle le garde en feu du début jusqu’à la fin de son live.
Sa Nouvelle Tournée des Zéniths, « le plus beau spectacle auquel j’ai goûté », affirme-t-il, est l’occasion pour l’artiste montpelliérain de revisiter les classiques de la chanson française, issus de son sixième album Imposteur, sorti en 2024, et ses propres classiques à lui, déjà mythiques de dix-huit années de succès.
Une entrée en matière magique
Le samedi 24 mai dernier, comme il le fera le samedi 29 novembre, Julien Doré chante beaucoup de son répertoire, un peu de celui des autres sciemment bien repris.
Après une première partie qui met dans le bain, les jumeaux Jules & Caroline du duo pop urbaine teintée de reggae-fusion et d’acoustique intimes et engageantes Kosma, Julien Doré donne une entrée en matière « magique », comme il aime à le dire et à l’imaginer pour son public. C’est magique, avec l’embrasement de son premier numéro 1 en solo Le Lac (son premier numéro 1 étant sa meilleure chanson Pour Un Infidèle, en duo avec Cœur de Pirate). Celui qui surgit du bas par un saut de trois mètres, à la manière d’un Michael Jackson – période Dangerous, sur la scène signe un début électrisant d’un concert de deux heures qui alterne énergie unique et introspection poétique et mélancolique chère au chanteur.
Un roi des reprises et de son art
La suite du concert navigue avec fluidité entre les époques. De ses débuts en 2007 jusqu’à aujourd’hui, Julien Doré reconstitue son répertoire tel un artisan du son. Ses premiers succès comme Les Limites ou Kiss Me Forever, s’offrent une seconde jeunesse, plus pop-rock pour le premier, plus solaire encore pour le second. Chaque morceau est réinterprété, parfois avec des touches de disco-funk ou arena pop (si l’on peut dire) cadrées par une part musicale éloignée des carcans de la variété française. Chou Wasabi, dont il chante les deux parties (aussi celle de la chanteuse Micky Green), enchante toutes les personnes présentes au concert, étant un de ses plus grands tubes.

Accompagnée d’une photo de lui avec sa mère, le chanteur montpelliérain performe sa reprise de « Les Yeux de la Mama’ de Kendji Girac, issu de son album « Imposteur » (2024)
Mais Julien Doré est aussi un faiseur d’échos : il réécrit ce qui est à d’autres, et le sublime sans silence aucun. Parmi les grands moments du concert, ses reprises sont de véritables bijoux d’interprétation, loin de la ringardise habituelle de ce genre musical. Mourir sur scène écrite pour la diva tourmentée Dalida devient une introspection fragile sur l’artiste qu’il est, magnifiquement mélancolique. Les yeux de la Mama est chantée sous le regard d’une photo projetée de sa mère et lui lorsqu’il était enfant, renforçant l’émotion de Kendji Girac par une pudeur visuelle saisissante. Ce concert, ayant eu lieu la veille de la Fête des Mères, dévoile une âme encore plus chaleureuse de l’amour que Doré fait révéler à nos mères chéries. Plus légères, mais toujours réarrangées avec finesse, Sous les sunlights des tropiques de Gilbert Montagné, la comptine Ah Les Crocodiles ou Femme Like U, signée K Maro, sont des clins d’œil ironiques et brillamment détournés. En somme, du Julien Doré tout craché, un roi des reprises en France et un des artistes-compositeurs-interprètes français les plus dignes d’intérêt depuis deux décennies.
Une voix qui a vécu
La voix de Julien Doré est un instrument à part entière. Tantôt grave, tantôt puissante de poitrine, elle tremble de sensibilité par moments, elle est saccadée aussi renforçant la valeur émotionnelle des mots chantés. C’est une voix qu’on sent vécue, qui porte ses textes avec un lyrisme discret mais porteur. L’interprétation de son hit Sublime Et Silence en est l’illustration parfaite, tout comme celle d’un de ses tubes récents Nous, sublimée par la présence visuelle et toujours un grain de folie comme les drones-baleine flottant au-dessus de la scène — un instant de grâce qui émerveille. La grâce aérienne, qu’il convient de ne pas spoiler ici, est atteinte lors du plus grand moment du show : sa performance musicale, vocale presque trippante de Porto Vecchio.
Cette densité vocale (à bien trois octaves) renforcée par des arrangements live d’une grande richesse, contraste avec son humour. Doré s’adresse au public avec une légèreté révélant une palette vaste artistiquement parlant, lui qui est aussi acteur. Dans sa présence médiatique et scénique, ce jeu constant entre sérieux musical et dérision maîtrisée révèle une direction artistique fidèle et bien ficelée.

Dédoublé sur image, Julien Doré ne se dédouble pas face à son répertoire ou celui des autres. il reste authentique à lui-même.
La mise en scène d’un performeur
La mise en scène est immersive et inventive, sans être cheap. Les images vidéo projetées de paysages parcourus à moto par Julien Doré, et les jeux de lumière psychédéliques ou inspirés du néo-classique, enveloppent chaque chanson d’un écrin visuel cohérent. On ne regarde pas un concert, on traverse un univers dans lequel Julien Doré n’est pas simplement un chanteur. Le performeur occupe l’espace : il saute, court, danse, sans jamais perdre en justesse, ce qui prouve sa maîtrise vocale. À la fin de son tour de chant, il dégaine même le ukulélé qui l’avait rendu célèbre à ses débuts. Une manière de boucler la boucle. Celui qui l’utilisait de manière figée à la télé en 2007 s’est mué en performeur affirmé dont l’essence reste la même.
La voix d’un enfant – probablement le fils du père chanteur – ouvre et clôt le spectacle. Elle rappelle l’humain, sous le spectacle bien rôdé, d’un artiste qui chante parce qu’il ressent et a quelque chose à dire. Lors d’un intermède, il admet : « j’ai l’immense chance de ne pas me sentir seul grâce à vous ! ». Sa musique permet cela.
Julien Doré, ce soir-là à Toulouse et le samedi 29 novembre à la même salle du Zénith de Toulouse à 20h, ne donne pas seulement un concert : il offre un moment de partage suspendu et intense.