Le chef bien sûr, c’est Tarmo Peltokoski et la brigade, les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tous les fourneaux sont sollicités pour les réjouissances en lien avec le choix des plats, à savoir finlandais, ou français. Les chefs de brigade seront Kaija Saariaho et Esa-Pekka Salonen qui s’intercalent avec Olivier Messiaen et Claude Debussy. Les plats, respectivement, Ciel d’hiver et Helix puis Le Tombeau resplendissant et La Mer. Ce dernier est le seul que les voûtes de la Halle ont pu déjà abriter, je pense. Au fait, c’est pour le samedi 24 mai 2025. 18h

Tarmo Peltokoski © Romain Alcaraz / OnCT
On ne se livrera pas juste à quelques lignes pour vous informer sur le premier quart de siècle vécu par le directeur musical désigné de l’ONCT. Pas un seul membre du public de la Halle ne peut ignorer qu’une pépite est bien sur l’estrade et communie de tout son corps avec la musique, et avec vous. Deux jours avant ce concert, il aura informé, avec Jean-Baptiste Fra, de la nouvelle saison qui attend les musiciens et le public.
On se contentera donc de donner quelques infos sur les plats au menu et, bizarrement sur le plus consistant, venant en dernier, comme un dessert, à savoir :
La Mer, trois esquisses symphoniques de
Claude Debussy [Saint-Germain-en-Laye, 22 août 1862 – Paris, 26 mars 1918]
« Quand l’inspiration, née des éléments marins, s’estompe progressivement, comme les suggestions d’un tableau impressionniste faisant entendre autant les bruits que les couleurs, on aurait presque le goût du sel …dans les oreilles ».
I. De l’aube à midi sur la mer
II. Jeux de vagues
III. Dialogue du vent et de la mer durée ~ 21 mn
Effectif orchestral : Trois flûtes, trois hautbois, deux clarinettes, trois bassons ; quatre cors, trompettes et trombones par trois, un tuba ; trois timbales et batterie ; deux harpes ; les pupitres de cordes.
C’est une mer vue du rivage dont on trouverait la signification symbolique dans la vague japonaise d’Hokusai qui devait illustrer la partition originale. La Mer est tout à la fois, une œuvre impressionniste, une symphonie en trois mouvements qui cache bien son nom, et le début d’une nouvelle écriture chez Claude Debussy…, mais aussi une nouvelle étape décisive dans sa vie sentimentale à ce moment-là, alors, très agitée ! La Mer, une sorte de poème symphonique aux accents tour à tour pointillistes et ondulatoires, qui reste avec le Boléro de Maurice Ravel, une des pages symphoniques les plus jouées dans le monde. Qu’il est inutile de vouloir analyser ici, la partition étant d’une telle richesse et complexité à la fois. Contentons-nous d’être à l’écoute la plus attentive qui soit d’un tel « univers » sonore.
« Qui connaîtra le secret de la composition musicale ? Le bruit de la mer, la courbe d’un horizon, le vent dans les feuilles, le cri d’un oiseau déposent en nous de multiples impressions (…). Je veux chanter mon paysage intérieur avec la candeur naïve de l’enfant ». Claude Debussy

Orchestre national du Capitole © Pierre Beteille
Peut-être pas la plus connue des quatre œuvres orchestrales du compositeur Olivier Messiaen, entre Les Offrandes oubliées et L’Ascension mais chargée d’une angoisse terrible, qui évoluera vers l’apaisement, Le Tombeau resplendissant ressuscite un passé enchanté entre deux bourrasques furibondes. Elle fut créée en 1933 et sera momentanément retirée. Ce tombeau est-il celui de sa jeunesse qui s’en va ou bien le départ récent de sa mère alors décédée ? C’est parti pour quatre sections vif-lent-vif -lent. L’œuvre s’ouvre sur des accords violents et poignants qui se transforment en une sorte de danse féroce, rage et fureur dominant. S’ensuit un interlude lyrique, mélancolique aux cordes évanouies et à l’écriture délicate des bois, le tout ponctué de dissonances. La musique féroce revient, suivie d’une longue mélodie avec seulement les cordes. Il faut ressentir comme un espoir. Tout n’est pas perdu. La consolation est possible.
Suit Ciel d’hiver de Kaija Saariaho. La compositrice finlandaise s’est éteinte le 2 juin 2023. Née en 1952. A Helsinki, Kaija Saariaho était une compositrice de génie, influencée par la musique spectrale. Elle mêlait dans ses œuvres, avec délicatesse, justesse et virtuosité, une recherche sur le timbre, l’électroacoustique et les supports multimédia. À partir de 1982, Kaija Saariaho réside à Paris et travaille à l’Ircam, notamment sur la musique assistée par ordinateur. L’utilisation des nouvelles technologies et la recherche sur le son constituent des éléments importants dans sa technique de composition, lui permettant de combiner l’écriture instrumentale et le traitement du son. Un chef – d’orchestre proche dira : « Kaija était une de ces figures dont on disait très volontiers qu’elle était une grande dame de la musique. Je crois que c’était une grande dame au sens presque chevaleresque du terme. Dans la relation qu’elle pouvait avoir avec les interprètes qui servaient sa musique, je crois qu’il y avait une relation très proche de celle qu’on peut trouver dans les romans de chevalerie : des chevaliers au service d’une dame, qui le font par amour. »

Kaija Saariaho / Wikiedia commons
Ciel d’hiver est un arrangement du deuxième mouvement de sa pièce orchestrale Orion (2002). La première mondiale eut lieu le 7 avril 2014 au Théâtre du Châtelet, Paris, donnée par l’Orchestre Lamoureux, dirigé par Fayçal Karoui, chef d’orchestre bien connu à Toulouse aussi pour sa direction de ballet. »
Notes de la compositrice : « L’ouverture, froide et cristalline, pose un lit de cordes, de harpe et de percussions, sur lequel reposent un piccolo, un violon et une clarinette. Le timbre évolue lentement, tandis que d’autres instruments prennent le relais, culminant avec des blocs de vents et de cuivres. La section médiane contraste des masses sonores aiguës et graves, oscillant entre la stratosphère et l’abîme. Finalement, un motif de piano émerge, accompagnant des fragments de mélodie d’un violoncelle solo. La pièce capture l’ampleur et la profondeur du ciel hivernal, son froid glacial et sa clarté, la lente dérive et le jeu des constellations à leur lever et leur coucher, et l’immensité de tout cela. »

Esa Pekka Salonen © Clive Barda
Autre plat au menu : Helix d’une autre sommité d’origine finlandaise Esa-Pekka Salonen. Chef d’orchestre et compositeur, cette pièce d’environ neuf minutes fut créée le 27 août 2005 lors des Proms à Londres et c’est Valery Gergiev qui dirigeait. L’effectif orchestral mérite attention : 3 flûtes (aussi flûte piccolo), 3 hautbois (aussi cor anglais), 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, 5 percussionnistes, harpe, contrebasson, et pupitres de cordes. Si le musicien s’est constitué sur le plan de la direction d’orchestre une réputation mondiale, on connaît moins ses nombreuses compositions, comme celle-ci qui a pu susciter ces quelques lignes : « Helix avance dans un crescendo inexorable vers une amplification étincelante et radieuse de tout l’orchestre qui ne peut manquer d’étonner l’auditeur par sa force de conviction, par l’autojustification de son déroulement qui en font assurément l’un des futurs pivots incontournables de la musique du 21e siècle. » Jean-Luc Caron
Lui -même nous dit : « Lorsque j’écris une pièce, je la joue d’abord intérieurement. Si l’auditeur en moi pense que c’est bon et intéressant, excitant ou émouvant, alors je l’écris. Si je l’aime moi-même, il y a des chances que d’autres, peut-être beaucoup d’autres, l’aiment aussi. […] Je veux que la musique – et surtout ma musique – fasse partie de la société. Ce que je ne supporte pas, ce sont les gens qui se prennent trop au sérieux. Il doit toujours y avoir de la place pour l’ironie et le rire, sans lesquels la vie serait insupportable »
Orchestre national du Capitole