Du 13 au 24 mai, le 78e Festival de Cannes programmera 80 longs-métrages, toutes sélections confondues, dont une vingtaine en compétition. Nous en avons sélectionné dix, qui ont toutes les chances de faire sensation sur la Croisette…et, espérons-le, dans toutes les salles françaises.
« Partir un jour », d’Amélie Bonnin
La jeune réalisatrice a le redoutable honneur de lancer le Festival, le 13 mai, avec l’adaptation, en version longue, de son court-métrage, portant le même titre, qui lui a permis d’obtenir un César en 2023. Les comédiens – Juliette Armanet, Bastien Bouillon et l’excellent François Rollin – sont identiques mais, pour les deux premiers, dans une inversion de leurs rôles. Cette fois-ci, c’est elle et non lui qui a quitté son village pour briller en ville. Elle est cheffe de cuisine quand précédemment il était écrivain. Ils vont réactiver un amour adolescent quand elle est contrainte de renouer avec ses origines alors que son père est malade. Le défi est de taille pour Amélie Bonnin, et le risque majeur, si cette histoire assez banale (et en plus musicale) ne séduit pas la critique, parfois cinglante sur la Croisette. Quant aux spectateurs – c’est la règle du film d’ouverture – ils pourront juger sur pièce le jour-même dans leur cinéma préféré (le 13 mai à Cannes et partout en France).

Bastien Bouillon et Juliette Armanet dans « Partir un jour ». Photo Films du Worso
« Mission : Impossible – The Final Reckoning”, de Christopher McQuarrie
Tom Cruise est attendu comme le messie dans les salles françaises avec la deuxième partie d’un « blockbuster » forcément ultra spectaculaire. Car le début d’année a été mitigé dans les cinémas, aucun film, qu’il soit américain ou français, ne faisant vraiment des étincelles. On verra donc l’agent secret Ethan Hunt braver tous les dangers, petit bonhomme musclé qui n’a pas peur des grands méchants. Pour un long moment (2h50 – on comprend pourquoi Paramount a coupé le film en deux) de sensations fortes. Reste sans doute une impression bizarre : voir triompher à Cannes et partout ailleurs une grosse machine US alors que la guerre commerciale transatlantique continue de faire des vagues (le 14 mai à Cannes hors compétition, le 21 mai dans les salles).

Fin de Mission pour Tom Cruise. Photo Paramount
« Alpha », de Julia Ducournau
En 2021, la jeune réalisatrice avait créé la sensation en décrochant la Palme d’or avec son 2e film, « Titane », polar horrifique très marqué par l’influence Cronenberg (femmes, sexe et passions chromées). C’est dire à quel point « Alpha » est particulièrement attendu. Peu de choses ont filtré sur l’intrigue. On sait seulement, sur fond de sida, qu’une petite fille est traumatisée par la mort d’un parent. Golshifteh Farahani et Tahar Rahim figurent au générique (le 19 mai à Cannes en compétition, le 20 août dans les salles).
« Nouvelle vague », de Richard Linklater
Un Américain à Paris nous raconte le tournage d’« A bout de souffle », de Jean-Luc Godard, en 1959. Le film, histoire criminelle d’un voyou en fuite, est devenu mythique, par sa mise en scène très libre, la musique jazz de Martial Solal et, bien sûr, le couple d’un charme fou formé par Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo. Richard Linklater (« Before sunset », « A scanner darkly », « Boyhood »…) a choisi des inconnus pour incarner les fameux protagonistes d’un chef-d’œuvre du 7e Art. Souhaitons que les membres de la secte Godard ne lui feront pas un procès en crime de lèse-majesté comme ce fut le cas, à Cannes déjà, en 2017, de Michel Hazanavicius, avec « Redoutable », pourtant excellente comédie (le 17 mai à Cannes en compétition, le 8 octobre dans les salles).
« Women and Child », de Saeed Roustaee
Le Festival de Cannes est de longue date un havre de paix pour les réalisateurs maltraités dans leur pays. C’est particulièrement le cas des Iraniens, qui bénéficient là d’une caisse de résonance exceptionnelle. L’an dernier, « Les graines du figuier sauvage », de Mohammad Rasoulof, avait enthousiasmé la critique internationale venue découvrir le film à Cannes avant de connaître un très beau succès en salle. Même retour positif, en 2019, avec « La loi de Téhéran », de Saeed Roustaee, polar impressionnant sur le fléau du trafic de drogue en Iran. Après la chronique sociale « Leila et ses frères », le metteur en scène est de retour avec « Woman & Child », portrait d’une infirmière élevant seule ses enfants. Un événement inattendu va la conduire à se transformer en enquêtrice (le 22 mai à Cannes en compétition, date de sortie inconnue). Un autre film iranien, « Un simple accident », de Jafar Panahi, réalisateur harcelé par le régime des mollahs, sera projeté sur la Croisette (le 21 mai à Cannes, le 10 septembre dans les salles). Une ouverture sur le monde vitale pour tout un pays.
« La venue de l’avenir », de Cédric Klapisch
Trois ans après le succès de « En corps », romance charnelle et dansée, le réalisateur provoque le choc de deux époques dans « La venue de l’avenir ». Sur un scénario coécrit avec Santiago Amigorena, il met en miroir 2025, quand une maison longuement abandonnée livre tous ses secrets à ses héritiers, et 1895, dans le sillage d’Adèle, jeune femme qui va se trouver au cœur de l’univers des photographes, pionniers d’un art encore neuf. L’occasion pour Suzanne Lindon (fille de qui vous savez) de trouver son premier rôle en vedette (le 22 mai à Cannes, hors compétition, et dans toute la France). Autre film français qui crée une certaine attente, « La fille la plus riche du monde », de Thierry Klifa, s’inspire de l’affaire Bettencourt. Dans le rôle de la milliardaire, une Isabelle Huppert forcément impériale, comme chez elle à Cannes depuis « La dentellière » en 1977, soit un presque demi-siècle de présence quasi-ininterrompue (le 18 mai à Cannes, le 29 octobre dans les salles).

Suzanne Lindon dans « La venue de l’avenir ». Photo Emmanuelle Jacobson Roques
« Deux procureurs », de Sergei Loznitsa
L’impact que pourra avoir ce film historique va bien au-delà de l’histoire qu’il raconte. Car, en pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine, on regardera d’une autre manière comment le réalisateur le plus connu du pays martyrisé par le nouvel empire post-soviétique revient sur les purges staliniennes des années 30, aujourd’hui passées sous silence par le régime de Poutine. Après « Dans la brume », « Maidan » et « Donbass », un nouveau choc esthétique à attendre (le 14 mai à Cannes en Compétition, le 24 septembre dans les salles).
« Vie privée », de Rebecca Zlotowski
En 1976, Jodie Foster, 13 ans, avait accompagné Martin Scorsese au Festival de Cannes, vivant en direct la déflagration causée par « Taxi driver », descente aux enfers new-yorkaise qui avait finalement obtenu la Palme d’or. L’actrice américaine, dont le français a toujours été impeccable, était revenue de loin en loin sur la Croisette, jusqu’à se voir attribuer une Palme d’or d’honneur, en 2021 (cette année, le 13 mai, ce sera Robert de Niro – comme on bouclerait une boucle). Avec « Vie privée », Jodie Foster participe à son premier film français, aux côtés de Virginie Efira et Daniel Auteuil. Elle y incarne une psy américaine installée à Paris se lançant dans une enquête après le meurtre d’une de ses patientes. Ce scénario prometteur a tellement conquis la comédienne qu’elle a accepté de sortir d’une semi-retraite. A 62 ans, sa carrière, commencée très tôt, a encore de beaux jours devant elle (le 20 mai à Cannes hors compétition, le 26 novembre dans les salles).
« Arco », d’Ugo Bienvenu
Auteur d’étranges bandes dessinées futuristes comme « Paiement accepté » ou « Préférence système », Ugo Bienvenu avait été exposé en octobre 2022 à la Médiathèque Cabanis, à Toulouse. On avait pu y approfondir notre connaissance d’une œuvre à la fois archi-sophistiquée et diablement sarcastique. L’artiste, qui a aussi travaillé pour la mode et le luxe, s’offre une vitrine rutilante sur la Croisette pour son premier long-métrage, « Arco », histoire d’un garçon arc-en-ciel de 10 ans qui remonte le temps jusqu’à notre époque et fait la connaissance d’une fille de son âge. Il est perdu : elle l’aidera à retourner chez lui… Voilà un petit air d’« E.T. », qui, rappelons-le, fit sensation lors de sa première présentation mondiale…au Festival de Cannes, en 1982 (le 16 mai à Cannes en séance spéciale, le 22 octobre dans les salles). Un mois avant le Festival d’Annecy, spécialisé dans l’animation, la Croisette mettra également en lumière deux autres films de ce type : « Marcel et M. Pagnol », de Sylvain Chomet (le 17 mai à Cannes en séance spéciale, le 15 octobre dans les salles) et « Planètes », de Momoko Seto (le 21 mai à Cannes en clôture de la Semaine de la critique, sortie en salle encore inconnue). A noter que ce dernier film, muet, qui raconte comment 4 akènes de pissenlits (fruits secs de la plante abritant ses graines) sont projetés dans le cosmos après des explosions nucléaires, a été coproduit par le CNRS, au sein duquel la réalisatrice a travaillé sur plusieurs films scientifiques.

« Arco », d’Ugo Bienvenu. Photo Diaphane
« Bono : Stories of Surrender », d’Andrew Dominic
Thierry Frémaux aime bien les stars, du cinéma mais aussi du rock. C’est ainsi qu’il accueillera le chanteur de U2, venu présenter un documentaire réalisé lors de sa série de concerts donnée par le chanteur irlandais le plus célèbre du monde au Beacon Theatre, à New York, en 2023. Après le livre, dans lequel Bono multipliait les confidences sur sa vie et son œuvre, voici donc la version avec son et image, dans un noir et blanc arty du meilleur goût. A noter que le film a été produit par Apple + et ne devrait donc pas sortir en salle, qui est pourtant la condition nécessaire et absolue pour être sélectionné au Festival de Cannes. Une seule année, en 2017, cette règle avait été enfreinte, entraînant, à juste titre, la colère des exploitants de cinémas français. Cela nous a évité depuis, au milieu de rares pépites, de voir sur grand écran de nombreux navets grassement arrosés par Netflix (le 16 mai à Cannes, à partir du 30 mai sur Apple +).