S’il est en baisse continue depuis l’explosion des plateformes, le marché de la vidéo n’est pas mort. Il permet aux amateurs d’objets de conserver leurs films préférés…ou de s’offrir de belles séances de rattrapage. Exemple avec « La vallée des fous », de Xavier Beauvois, et « Limonov », de Kirill Serebrennikov.

Jean-Paul Rouve dans « La vallée des fous ». Photo Guy Ferrandis/Pathé
Malgré la saga des Tuche, Jean-Paul Rouve ne se contente pas d’aligner tranquillement les comédies plus ou moins réussies. Il ose le registre dramatique, endossant des rôles aux antipodes des bas du front nordistes. Cela a donné une stupéfiante interprétation de Gabriel Matzneff dans « Le consentement » et, plus récemment, d’un certain Jean-Paul, personnage de fiction qui a quand même quelques traits du réalisateur Xavier Beauvois, dans « La vallée des fous ». Le Jean-Paul en question est un restaurateur breton dont les affaires boivent la tasse. La passion pour les fourneaux s’est envolée. L’homme est miné par l’alcoolisme. Sa femme s’est détournée de son chemin, lasse de ses errements. Seul son père (joué par le toujours rêveur Pierre Richard), sa fille adolescente (Madeleine Beauvois, fille du metteur en scène) et une poignée de vieux copains lui restent fidèles. Il fut un temps où le cuisinier était un fondu de voile. Pour se remettre en selle (si l’on peut dire), il décide de participer au Vendée Globe en version virtuelle (cela existe vraiment !), dans son bateau sur cales, au fond du jardin. L’aventure est belle, exaltante et douloureuse : elle passe d’abord par le sevrage alcoolique et une totale autonomie (interdit de quitter le rafiot jusqu’à l’arrivée), comme les vrais concurrents…
Cette fable sur le thème du nouveau départ nous embarque sans jamais donner le mal de mer. Jean-Paul Rouve y excelle en bourlingueur de salon toujours en proie à ses vieux démons. Il tient son cap de comédien et, grâce à lui, cette « Vallée des fous » nous fait du bien. Pour autant, la célébrité du comédien n’a pas fait du film de Xavier Beauvois un succès. Il a dû se contenter de 160000 entrées en France, en novembre 2024, contre 3 millions pour le dernier volet des Tuche. Y’a pas d’justice !
La sortie de « Limonov, la ballade » dans les salles, en décembre 2024, a elle été carrément catastrophique. Cette production française au budget conséquent n’a séduit que 20000 spectateurs, malgré sa sélection en compétition au Festival de Cannes 2024 et le succès qu’avait obtenu le livre d’Emmanuel Carrère, dont il est inspiré. Disons-le tout de suite, le film de Kirill Serebrennikov souffre d’un choix aberrant, celui de la langue anglaise, que parlent tous les personnages, y compris les Russes les plus russes de l’histoire. Ben Whishaw n’est pas en cause dans cette option des producteurs : il se débrouille plutôt bien avec un personnage réel, écrivain et agitateur politique, qui est tout sauf prévisible et aimable. C’est sans doute un début d’explication de l’échec sans appel du film.

Ben Whishaw en pleine dérive new-yorkaise dans « Limonov ». Photo Andrejs Strokins
Pour autant, de l’URSS à Paris en passant par New York, cette odyssée rock’n’roll au cœur de la création artistique – et des écueils politiques – porte bien la patte du formidable metteur en scène qu’est Kirill Serebrennikov, passant d’une époque à l’autre, d’un pays à l’autre, de l’intimisme au lyrisme, avec une maestria foldingue totalement renversante. Le film aurait été si beau s’il avait respecté les langues de ses personnages, pas cet anglais de cuisine qui n’a en rien aidé « Limonov » à faire sa place à l’International. Souhaitons un sort plus enviable à « La disparition de Josef Mengele », nouvelle adaptation d’un best seller, qui sera également présentée lors du tout proche Festival de Cannes, cette fois-ci hors compétition, dans la sélection Cannes Première.
« La vallée des fous » et « Limonov, la ballade » : DVD, Blu-ray et VOD Pathé.