Sibelius et Korngold à l’affiche, on est très impatient
Dans la série les Grands Concerts Symphoniques, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse accueille à la Halle aux grains le jeudi 15 mai à 20h, la chef Marie Jacquot pour la première fois. Elle dirige la Sinfonietta de Korngold, une rarity à la Halle, et auparavant le Concerto pour violon de Sibelius avec pour soliste Bohdan Luts, premier prix du fameux Concours Long Thibaud avec justement ce même concerto.

Marie Jacquot © Werner Kmetitsch
Marie Jacquot reçoit la Victoire de la révélation chef d’orchestre lors des 31ᵉˢ Victoires de la musique classique, au Corum, à Montpellier, le 29 février 2024. La trentenaire a un début de carrière plus que prometteur, que dis-je, enchanteur. Son entretien dans le dernier Vivace ! la montre très déterminée après avoir choisi le trombone mais auparavant encore le piano et même le tennis, sport dans lequel elle n’a pas fait que de la figuration. Maintenant, c’est la direction d’orchestre et elle est à fond, impressionne plutôt deux fois qu’une. Entre 2019 et 2022, Marie Jacquot est première Kapellmeister au Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf et Duisbourg. En 2022, elle est nommée cheffe principale de l’Orchestre royal du Danemark à l’Opéra de Copenhague, à compter de 2024, pour un mandat de cinq ans. En 2023, Marie Jacquot est nommée première cheffe invitée de l’Orchestre symphonique de Vienne à compter de la saison 2023-2024. En 2024, elle est nommée directrice musicale de l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne à compter de la saison 2026-2027, pour une durée de quatre ans.

Bohdan Luts © Iryna Sereda
Bohdan Luts, né à Lviv -Ukraine est non seulement un violoniste prodige, lauréat du prestigieux concours Long Thibaud en 2023 à dix-huit ans, où il est véritablement consacré, mais aussi, auparavant, le Premier Prix à 17 du Concours Carl Nielsen au Danemark et autres nombreux prix depuis l’âge de dix ans ! En un mot, un archet en platine.
Quelques mots sur le Concerto pour violon op.47 en ré mineur de Jean Sibelius (1865-1957), le plus grand symphoniste de Scandinavie, il laisse sept symphonies, le fondateur d’une musique nationale finlandaise. Le concerto est en trois mouvements : Allegro moderato puis Adagio di molto et enfin Allego, ma non tanto. Il fait partie des deux sommets du concerto nordique avec l’opus 33 de Carl Nielsen. Il demeure le seul pour l’instrument, bien que son auteur ait songé à en écrire un autre, le Concerto lirico, en 1915. Sibelius n’était pas un violoniste virtuose, ce qui ne l’empêche pas en 1903 d’écrire une partition qui regorge de difficultés, de défis que les instrumentistes peuvent se plaire à relever. La partition fut achevée en 1903, un peu plus d’un an après sa Deuxième Symphonie qui reste l’une des plus connues du compositeur avec la Quatrième. La création eut lieu à Helsinki par un violoniste réputé Viktor Novacek. Sibelius en fut très mécontent, non pas de l’exécution, mais de sa propre partition. Il éprouve alors le besoin de l’épurer, d’en supprimer les détails ou les ornements qu’il juge pour certains inutiles et qui entravent la réalisation d’une structure cohérente. L’œuvre trouve finalement sa forme définitive en 1905, avec pour chef un certain Richard Strauss à la tête du Philharmonique de Berlin.

Jean Sibelius du temps de son concerto pour violon
Le premier mouvement, le plus complexe et donc, qualifié de plus intéressant, comporte trois thèmes que vous pourrez vous amuser à retrouver, l’un introduit par le violon soliste, le second par l’orchestre, par violoncelles et bassons, et le troisième revient à nouveau au violon dans son registre aigu. Suivent développement et réexposition. Le mouvement lent, le plus traditionnel, est empli de chaleur : les bois par deux en tierces, loin de paraître froids, produisent une atmosphère qui semble presque riche, en comparaison avec le mouvement lent de sa Troisième Symphonie, par exemple. Si dans ce mouvement l’écriture soliste est noble et éloquente, le finale est une éblouissante démonstration de virtuosité. Outre le brillant de la partie soliste, l’allure ne faiblit jamais du tout début jusqu’à la dernière mesure. La musique emporte tout devant elle dans un élan contagieux et irrésistible.

Erich Wolfgang Korngold tout jeune
La Sinfonietta d’Erich Wolfgang Korngold est une œuvre rarement donnée à la Halle. Je pense même que c’est une première, tout comme la venue de Marie Jacquot, chef, ou cheffe d’orchestre. L’opus 5 fut composé par un tout jeune musicien prodige né le 29 mai 1897 à Brno, alors en Autriche-Hongrie, âgé de juste quinze ans durant l’année 1912. Qualifié avec grand enthousiasme, de génie par Gustav Mahler, ébloui par les toutes premières partitions écrites par le gamin qui noircit des feuilles depuis ses sept ans. Cette symphonie d’une quarantaine de minutes est en quatre mouvements, écrite pour grand orchestre en si majeur
I. Fluide, avec un élan joyeux
II. Scherzo. Molto agitato, rapide et fougueux – Trio. Beaucoup plus lent
III. Très andante, rêveuse
IV. Finale. Pathétique – Joyeux et ludique
La première interprétation sera donnée à Vienne le 30 novembre 1913 par, ni plus, ni moins, que le Philharmonique de Vienne dirigé par l’illustre Felix Weingartner.
La Sinfonietta, opus 5 paye son tribut admiratif à Richard Strauss (1864-1949), le dernier géant musical que l’Allemagne comptait encore, à cette époque. Vous reconnaitrez certainement des accords aussi bien de poèmes symphoniques que d’opéras. Strauss était d’ailleurs présent à la création de l’œuvre et la dirigera à plusieurs reprises, un insigne honneur. On a plaisir à rappeler que :
En 1920, l’opéra “Die tote Stadt“ de Korngold La Ville morte remporte un triomphe à Hambourg et à Cologne car, fait exceptionnel, l’œuvre est créée simultanément, le même soir, sur deux scènes différentes. Il n’a que 23 ans et son opéra, représenté sur toutes les grandes scènes, ne quittera plus l’affiche. A partir de 1929, il entame une collaboration avec le metteur en scène Max Reinhardt, collaboration qui lui donnera l’occasion de son premier voyage à Hollywood où il s’installera après avoir été obligé de fuir l’Autriche. Naturalisé américain en 1943, il décède le 29 novembre 1957. Die tote Stadt fut donné au Théâtre du Capitole pour sa première en 2018 et obtint un très beau succès.
Orchestre national du Capitole