Un concert qui donne dans l’originalité ce vendredi 4 avril 2025 à la Halle à 20h avec Maxim Emelyanychev que l’on retrouve à la tête des musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Il dirige la Symphonie n°5 “Réformation“ de Felix Mendelssohn et auparavant, il est au piano et à la direction dans le Concerto pour piano et orchestre n° 23 du dénommé Mozart.

Maxim Emelyanychev © Andrej Grilc
Auparavant, le concert débute avec la Suite en six mouvements d’un opéra d’Elena Langer intitulé Figaro gets a divorce qui ne manquera pas de vous surprendre. Elena Langer est née le 8 décembre 1974 à Moscou, en Russie, et vit à Londres. Elle a écrit son opéra pour le Welsh National Opera de Cardiff, où il a été créé le 21 février 2016. Le livret est de David Pountney. L’Orchestre symphonique de Seattle a commandé la suite orchestrale tirée de l’opéra et l’a créée en janvier 2020 sous la direction de Maxim Emelyanychev. L’Orchestre symphonique de Boston l’a créée à Tanglewood le 14 août 2021, sous la direction d’Anna Rakitina. Et voici une partie des instruments nécessaires côté percussions pour 2 instrumentistes !!! crotales, glockenspiel, xylophone, vibraphone, cloches tubulaires, sifflet de police, triangle, grelots, cymbale suspendue, cymbales crash, tam-tam, gong, maracas, cliquet, bâton de pluie, fouet, claves, guiro, wood blocks, tambourin, bongos, caisse claire, tambour ténor), piano/célesta, accordéon, etc…
Pas de biographie du chef que le public de la Halle connaît fort bien et apprécie tout autant à chacun de ses concerts depuis plusieurs années maintenant.
Et tout de suite, plongeons-nous quelque peu dans ce fameux Concerto pour piano et orchestre n°23 en la majeur, K. 488 de Wolfgang Amadeus.
I. Allegro II. Adagio III. Allegro assai
Durée : 25 ‘ environ
Dans sa brève existence, trente-cinq ans, il n’a pas moins composé vingt-cinq concertos pour ce piano-forte et orchestre, plus un concerto pour deux pianos et un autre pour trois. Cette petite partie de son immense œuvre est l’une des plus remarquables par la prodigalité de l’invention mélodique, la grâce de l’écriture instrumentale et une liberté dans la forme étonnante, cette légèreté aérienne. Bizarrement, mais pas tout à fait, à quelques exceptions près, ces concertos ont vu le jour pendant les mois d’hiver. La raison en est simple. En principe, Mozart compose ce type d’ouvrage pour des manifestations bien définies. Ces concerts nommés “académies“ étaient organisés uniquement pendant les mois d’hiver, quand la noblesse séjournait dans ses résidences citadines. La période du Carême, capitale en soi, conférait aux concerts un regain d’activité, les théâtres faisant alors relâche pendant plusieurs semaines.
C’est ainsi que pour l’hiver 1785-86, il ressort une trilogie à laquelle appartient le n° 23. Il est encadré par le n°22 et le n°24. Leur caractéristique commune est bien l’emploi de la clarinette alors que, fait frappant, les trois suivants et derniers seront orchestrés sans cet instrument qui le passionne pourtant. Dans l’orchestre da camera (de chambre) on note, une flûte, deux clarinettes, deux bassons, deux cors, deux violons, un alto et une contrebasse. Le compositeur n’a gardé que les instruments “doux“, écartant les timbres plus incisifs du hautbois et de la trompette, ainsi que les timbales. Les cors sont simples, normalement ! au son moins “gros“ que les modernes à pistons. Pour les connaisseurs, les clarinettes doivent être en la ! au timbre également plus voilé que celles en si bémol !
Et l’on retrouve bien la composition en trois mouvements : vif-lent-vif.
Allegro : Comme souvent chez Mozart, le tutti initial du premier mouvement joue un peu le rôle d’une brève ouverture d’opéra, où les deux premiers thèmes sont exposés. Vous surveillerez le premier, vif, mais sans exubérance, le second plus caressant tandis que le piano va faire son entrée, toute simple, reprenant le premier sujet, l’ornant délicatement ; un bref rappel de la ritournelle orchestrale……
Adagio : il est l’une des inspirations les plus magiques de Mozart, sans doute le mouvement le plus sublime qu’il ait jamais écrit pour le clavier. À peine cent mesures pour cette phrase fondée sur un rythme de sicilienne et dans laquelle s’exprime une mélancolie qui vous transporte direct jusqu’à Chopin. Tout se termine dans la discrétion et la grâce. Sur des pizzicati des cordes, la mélodie s’évanouit peu à peu et disparaît dans un dernier pianissimo. Pas d’alanguissement superflu. Les choses étant dites, on se retire sur la pointe des pieds, comble de la politesse !
Allegro assai : plein de verve et d’alacrité, le thème est présenté à découvert par le piano puis repris à l’orchestre et suivi d’une réponse par les cordes et les vents. Le concerto s’achève dans la gaieté générale, avec quelque chose d’un peu fou. La grande ritournelle du tutti initial se mêle enfin au trait final du soliste et conclut brillamment cette page particulièrement riche.

Félix Mendelssohn-Bartholdy abordant la trentaine
Passons à Felix, un autre travailleur acharné qui plongera dans une forme de “burn out“. Pas de problème de fin de mois chez les Mendelssohn mais le fils est ivre de travail, de savoir et y laissera la santé et la vie. Il meurt à 38 ans. La Symphonie n° 5 “Réformation“ en ré mineur, op. 107 est contemporaine de Norma puisqu’écrite en 1829/30 (l’opéra en 1831). C’est l’époque où le compositeur fait connaître au monde la Passion selon saint-Mathieu de J. S. Bach dont il s’était longuement imprégné depuis qu’il en avait reçu la partition en cadeau pour ses quatorze ans. Il était un fervent admirateur du Cantor et la Symphonie en question est exactement dans l’esprit religieux de Bach, même si tout analyste vous dira qu’elle est tout à fait caractéristique de la plume de Mendelssohn.
Mais, une fête comme celle du tricentenaire de la “Confession d’Augsbourg“ qui la voit composée est essentiellement et par vocation, populaire dans le meilleur sens du terme. Pour être compris de tous, Mendelssohn doit donc parler plus simple, composer plus simple et arriver ainsi à rendre les intentions plus frappantes. Plus tard, Bruckner saura fort bien utiliser la leçon. On retrouve donc toute la solennité de la fête religieuse notamment dans le premier mouvement (Andante / Allegro con foco) mais aussi dans le dernier (Andante con moto – Allegro maestoso). Mais il va aussi traduire dans les mouvements médians toute la joie d’un peuple heureux d’avoir un guide vénéré. D’aucuns vous diront que la joie dans le deux est un peu fruste, et plus réfléchie dans le trois. N’oublions surtout pas le contexte avant de se plonger dans les profondeurs des analyses !
Un peu plus dans le détail : le un est basé sur l’Amen de Dresde de la liturgie protestante. Il annonce et prépare à la solennité de la fête et c’est un superbe témoignage de la maîtrise d’écriture de Mendelssohn, tout autant que le deuxième, ce joyeux Scherzo témoin de la liesse du peuple protestant. Le troisième s’enchaîne au quatrième et son climat recueilli renforce encore la puissance de ce dernier. Pour les connaisseurs, construit sur le choral luthérien “Ein’ feste Burgist unser Gott“, il donne toute sa signification à l’œuvre. Nous avons comme l’impression d’un peuple en marche pour témoigner de sa foi et de sa gratitude.
Nous avons droit à un finale digne en tous points de la fête qu’il célèbre et Mendelssohn s’y livre à un jeu d’écriture absolument remarquable qui mérite toute notre attention et nos efforts de compréhension largement récompensés.
Orchestre national du Capitole