Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Cela faisait trois semaines que Victor trompait son ennui et son désarroi au zinc d’un bar de Lyon en éclusant des Jack Daniel’s. Fraîchement licencié de son entreprise de fabrication de parapluies, l’ancien VRP n’a pas encore osé avouer à son épouse la situation. L’irruption d’une jeune fille, la belle et fougueuse Corine, va transfigurer la morne existence de notre homme au bout du rouleau. Le coup de foudre est radical. La révolutionnaire vent debout contre « le système », « l’ordre bourgeois » et « les forces de l’argent » entreprend de rééduquer – ou d’éduquer – ce brave Victor encore façonné par sa condition de petit bourgeois. Elle écoute Joy Division et Iggy Pop, lit Guy Debord et Jean-Pierre Manchette. Une solide connaissance de Marx, Bakounine et Proudhon n’est pas négociable, mais le goût des théories n’empêche pas l’esprit pratique. Corine a donc une idée : « chercher le pognon directement là où il est : à la banque par exemple ».
Commence dès lors une dérive ponctuée de braquages, de coups du sort, d’échappées belles (y compris en montgolfière). Ces Bonnie & Clyde d’un genre très français retrouvent une tante assez baroque de Corine au fin fond de l’Ardèche. Du côté de Biarritz, d’autres surprises les attendent…
Toute une époque
Le charme de Tout le monde se calme, manière de roman noir ne négligeant pas le burlesque, réside notamment dans son côté vintage. Nous sommes en 1979 et Dimitri Kantcheloff s’amuse à reconstituer ce temps si loin et si proche. Entre les lignes, on croit entendre Bernard Blier / Raoul Volfoni soupirer « Toute une époque ! » L’auteur de Vie et mort de Vernon Sullivan paie son tribut à un certain cinéma des années 1970 (Georges Lautner, Bertrand Blier, Henri Verneuil…). Les amateurs des romans d’A.D.G. ne seront pas non plus dépaysés.
Ici, les rencontres ponctuant la cavale de Victor et Corine valent le détour. On pense à ce patron d’un relais routier se lamentant sur le « progrès » en marche. De nouvelles machines permettent d’écouter de la musique en marchant, on parle d’une espèce de téléphone qui sera relié à un ordinateur et bientôt, craint-il sans trop y croire, les gens « passeront leur vie entière derrière des écrans ». Un homme d’affaires reconverti dans le grand banditisme, avec une « approche quasi artistique de l’escroquerie », ouvre des perspectives au tandem. Devenu philosophe, Victor estime que les convictions « c’est bon pour les moines et les vieilles filles ». L’amour et le goût de la liberté méritent autre chose.
Tout le monde garde son calme • Finitude