Le public du Théâtre du Capitole en 2025 a finalement plus de chance que le public parisien de 1723. En effet, dans sa livraison d’avril 1723, le fameux Mercure parisien croyait pouvoir annoncer que plusieurs membres du King’ Theatre du Haymarket de Londres viendraient en la capitale française pour y donner x représentations d’œuvres “italiennes“ avec costumes, décors, ballets, chœurs, orchestre !! On annonçait même l’augmentation du ticket d’entrée. Le projet n’ira pas à son terme.
![Jules César](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/jules-cesar.jpg)
Jules César
Celui du Théâtre du Capitole, si ! Une coproduction tout de même réunissant quatre maisons d’opéras européennes sera donnée pour cinq représentations, ici même, du 21 février au 2 mars, de l’opéra-fétiche de George Frederic Händel, le chef-d’œuvre dramatique, l’opera seria phare du natif de Halle (Saxe), le dramma per musica en trois actes Giulio Cesare in Egitto, sur un texte en italien revu par Nicola Francesco Haym, d’après Giacomo Francesco Bussani, utilisé pour la première fois à Venise en 1677 par un certain Antonio Sartorio. Du plagiat en toute sérénité.
![Hændel Par Philip Mercier](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/haendel-par-philip-mercier.jpeg)
Händel par Philip Mercier
Sur un canevas aussi dense auquel on ne doute pas que le compositeur ait pu mettre son grain de sel, il a plaqué une musique exemplaire, d’une grande originalité dès l’ouverture. On redoublera d’écoute aux récitatifs accompagnés d’une ampleur et une diversité exceptionnelles. On surveillera avec grande attention, dès l’Acte I, Sc 8, la scène superbe devant l’urne funéraire de Pompée assassiné où, dans un long monologue, Cesare médite sur la vanité des victoires et la brièveté de la vie. Et pour défendre une telle partition, il faut à la direction musicale tout le talent d’un Christophe Rousset, claveciniste, chef d’orchestre, enseignant et chercheur, passionné du répertoire des XVII et XVIIIè, et aussi celui de chaque instrumentiste de son ensemble Les Talens lyriques.
La mise en scène, extrêmement radicale dans son originalité, a trouvé ses admirateurs si l’on en juge par l’accueil en fin de représentation sur chaque plateau où elle a déjà été donnée. Elle est signée Damiano Michieletto assisté de Paolo Fantin pour les décors, Agostino Cavalca pour les costumes, Cécile Kretschmar pour, coiffure, maquillages, masques, Alessandro Carletti aux Lumières et pour la chorégraphie, livrée à Thomas Wilhelm.
Aucune préoccupation côté chant, pour notre Théâtre si l’on détaille maintenant la distribution vocale concoctée par Christophe Ghristi, notre directeur artistique. Cesare sera interprété par le contralto Rose Naggar-Tremblay qui devait au départ chanter Cornelia. C’est la géorgienne Irina Sherazadishvili qui relève le gant. Mezzo-soprano, elle fut Deuxième dame dans La Flûte enchantée en décembre 21 au Capitole. Cléopâtre, c’est pour la soprano Claudia Pavone qui fut, ici, il y a peu une magnifique Traviata. Le contreténor Key’Mon Murrah, grand gagnant du 40e International Hans Gabor Belvedere Singing Competition, sera l’impétueux Sextus. Nils Wanderer, contreténor lauréat du Bundeswettbewerb Gesang 2022, assumera le rôle peu flatteur de Tolomeo pendant que le baryton-basse Edwin Fardini, Schaunard ici même, sera Achilla. William Shelton retrouve avec Nireno, suivante de Cléopâtre, un rôle plus sympathique que son dernier de Wolfgang Göbst dans Voyage d’automne. La basse Adrien Fournaison sera Curio, l’aide de camp de César.
![Jules César 2 © Vincent Pontet](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/jules-cesar-2-vincent-pontet-scaled.jpg)
Jules César © Vincent Pontet
C’est le cinquième opéra complet sur quatorze qu’Haendel compose, durant l’année 1723, pour la Royal Academy of Music et ce sur huit années. Un peu d’histoire : Fondée à Londres en 1720, cette société, dont le principal mécène est le roi George Ier, est financée par l’aristocratie et la haute bourgeoisie anglaise. Elle a été spécifiquement créée pour monter des opéras italiens “fabriqués en Angleterre“ en dépit des défenseurs d’une musique purement anglaise qui s’opposent à l’invasion de la musique italienne depuis le début du XVIIIe siècle. Le Beggar’s opera en sera l’illustration. Alors que les passions se déchaînent autour de l’opéra, il existe une redoutable concurrence entre les compagnies, mais aussi entre les compositeurs.
Quant aux chanteurs, ils subjuguent le public mais épuisent les compositeurs par leurs querelles et leurs caprices, à l’image du célèbre castrat Francesco Bernardi Senesino et de la soprano Francesca Cuzzoni, les créateurs des rôles de Jules César et de Cléopâtre, le 20 février 1724 au King’s Theatre de Haymarket. Il reçoit un accueil enthousiaste du public et sera l’opéra de son compositeur le plus repris. Pour Haendel, c’est une période faste de sa carrière londonienne qui commence enfin, une dizaine d’années après le succès de Rinaldo (1711) qui fut, à vingt-six ans, son premier opéra italien pour la scène anglaise.
![Cleopatra](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/cleopatra-1.jpg)
Cleopatra
La distribution vocale peut se scinder en deux, soit, les Romains et les Égyptiens en fonction de la version choisie,1724, qui fut remaniée à plusieurs reprises, sans parler des coupures, des arias absents et des récitatifs amputés. Mais la durée prévue et la distribution nous en laisse espérer le minimum !
Giulio Cesare, primo imperator de’ romani (contralto, castrato,) ici, plus amant que conquérant.
Curio, ou Curius, tribuno di Roma (basso), aide de camp de César, amoureux discret de Cornélie.
Cornelia, moglie (veuve) di Pompeo (contralto, mezzo) : noble et pathétique dans son affliction, la figure tragique à laquelle Haendel confie des accents de toute beauté. Dès l’acte I, Sc 4 son premier air
Sesto Pompeo, ou Sextus, figlio di Pompeo e Cornelia (soprano, poi anche tenore i contratenor) impétueux, en fougueux vengeur de la mort de son père.
Cleopatra, regina d’Egitto (soprano) dont les huit airs sont ciselés avec un art superlatif. D’abord malicieuse, espiègle et décidée mais capable de faire montre de sentiments humains vrais.
Tolomeo, re d’Egitto, fratello di Cleopatra ou Ptolémée (contralto, castrato, contratenor) : le félin rancunier, calculateur et veule ; inconsistant.
Achilla, duce generale dell’armi egizie e consigliere di Tolomeo (basso) : vaniteux, brute un peu obtuse et maladroite ; amoureux fou de Cornélie.
Nireno, ou Nirenus, confidente di Cleopatra (contralto, castrato, poi anche soprano i contratenor)
![Jules César 3 © Vincent Pontet](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/jules-cesar-3-vincent-pontet-scaled.jpg)
Jules César © Vincent Pontet
Jules César respecte les codes typiques de l’opera seria : un sujet inspiré de l’Antiquité, trois actes, peu de personnages, une fin heureuse et morale. Mais surtout, il suit l’alternance strict entre récitatifs et arias da capo, ponctuée de quelques duos et chœurs. Les types de voix sont également soumis aux codes de l’opera seria : les principaux rôles masculins sont (étaient) tenus par des castrats, et le rôle du jeune Sextus est interprété par une femme soprano. De nos jours, la distribution vocale est adaptée : les rôles anciennement dévolus aux castrats sont alors tenus le plus souvent par des contreténors. Et Sextus peut être un contreténor.
L’une des raisons du succès de ce qui constitue la quintessence de l’opera seria, c’est la richesse du livret. Il s’inspire d’un épisode réel de la vie de Jules César et Cléopâtre, revisité pour apporter une intensité dramatique et aboutir à un dénouement heureux. Afin d’apprécier la qualité de l’intrigue, Haendel avait demandé (paraît-il) que l’opéra se déroule dans une salle complètement éclairée (par des bougies !). Le public, disposant d’un livret, pouvait ainsi suivre l’histoire, malgré sa complexité, et la langue italienne, car les surtitres ne sont pas encore là !
![Cleopatra](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/cleopatra-rotated.jpg)
Cléopâtre montrant à Octave le buste de Jules César- Pompéi Girolamo Batoni
L’argument principal s’articule autour des luttes de pouvoir émaillées de trahison. À Rome, Jules César et Pompée s’affrontent. Vaincu, Pompée cherche refuge à Alexandrie auprès de Ptolémée, qui dispute à sa sœur Cléopâtre, l’aînée, le trône d’Égypte qu’il lui a usurpée. Tandis que César poursuit Pompée et débarque à sa suite en Égypte, Ptolémée trahit Pompée et le fait tuer, pensant obtenir ainsi le soutien de César contre Cléopâtre, mais aussi la main de Cornélie, veuve.
L’opéra débute alors que César arrive en Égypte, en 48 avant Jésus-Christ, après la bataille de Pharsale et la victoire de César sur Pompée. La femme de Pompée, Cornélie, accompagnée de son fils Sextus, vient à sa rencontre et plaide la cause de son époux, défait. Mais lorsqu’Achille, général des armées de Ptolémée, lui présente la tête de Pompée, César s’indigne : bien qu’étant son ennemi, il estimait Pompée et s’apprêtait à lui accorder sa grâce. Par cet acte, Ptolémée s’est attiré la colère de tous : de César mais aussi de Cornélie et Sextus qui souhaitent obtenir vengeance. De son côté, Cléopâtre voit dans cette situation l’opportunité d’accéder au trône d’Égypte et, sous une fausse identité (celle d’une suivante appelée Lydie), elle entreprend de charmer César afin d’obtenir son aide. César est subjugué par la beauté… de la suivante.
Ainsi, en parallèle à l’intrigue politique s’ajoute une intrigue amoureuse. Cornélie, captive de Ptolémée, est courtisée par Achille puis par Ptolémée lui-même. Elle repousse les deux. Le roi d’Égypte n’hésite pas à trahir son général en lui laissant faussement miroiter la main de Cornélie contre la tête de César. Il ourdit un complot contre César. Mais Achille, découvrant la fourberie de son maître, finit par se retourner contre lui. Repoussant les avances de ses deux ennemis, Cornélie garde espoir. Quant à Cléopâtre, elle se rend bien compte de son amour pour César et lui avoue alors sa véritable identité.
![Pietro Da Cortona](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/pietro-da-cortona-rotated.jpeg)
César remet sur le trône Cléopatre -Pietro da Cortona
À l’issu d’un combat entre les deux camps, César est déclaré mort noyé dans sa fuite et Cléopâtre capturée par Ptolémée qui savoure la victoire sur sa sœur. Mais César a survécu : il retrouve sur le rivage Sextus ainsi qu’Achille, agonisant, qui s’était rallié aux forces de Cléopâtre. Achille confie alors aux Romains le sceau qui leur permettra de s’assurer le soutien de ses soldats égyptiens. Avec ce soutien, César parvient à libérer Cléopâtre et Cornélie, et Sextus qui tue Ptolémée.
L’opéra se termine brillamment : Cléopâtre est sacrée reine d’Égypte au cours d’une cérémonie fastueuse, suivie d’un duo d’amour entre elle et César,
« Più amabile beltà
mai non si troverà
del tuo bel volto,… »
et d’un heureux chœur de la Suite d’Égyptiens :
“Ritornio mai nel nostro core
……”
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