Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel
Cinquième film de la période française de Luis Buñuel, Le Charme discret de la bourgeoisie, sorti en 1972 et lauréat de l’Oscar du meilleur film étranger un an plus tard, compte parmi les œuvres les plus fameuses du cinéaste. On y découvre six personnages, trois hommes (Fernando Rey, Jean-Pierre Cassel, Paul Frankeur) et trois femmes (Stéphane Audran, Delphine Seyrig, Bulle Ogier), dont le banal projet de dîner ou de déjeuner ensemble ne va cesser d’être entravé par des situations saugrenues… Ce mince motif devient ainsi le prétexte à une succession de scènes auxquelles on est tenté d’accoler, par paresse et par convention, l’adjectif « surréaliste » si souvent attaché au créateur du Chien andalou et de L’Âge d’or.
En dépit de son titre et de ses personnages archétypaux (un ambassadeur, un évêque, un général…), le film n’est pas réellement une charge contre la bourgeoisie et les institutions. Les codes sociaux sont ici vidés de leur sens, détournés, non pas critiqués ou analysés, mais rendus absurdes par le scénario de Buñuel et de son fidèle Jean-Claude Carrière.
Comme dans un rêve
Lorgnant parfois du côté du théâtre de boulevard, Le Charme discret de la bourgeoisie baigne plus encore dans l’onirisme. Pas seulement en raison des scènes qui renvoient directement à des rêves des personnages, mais parce que, comme dans un rêve ou un cauchemar, les séquences se répètent avec des variations. Comme dans un rêve encore, on ne vient jamais à bout de l’objectif ou de l’objet du désir – ce fameux repas impossible en l’occurrence.
Chez Buñuel, le basculement vers l’étrangeté et le fantastique n’est jamais très loin de la farce, ni du non-sens et de l’absurde. Devant sa caméra, la réalité n’est qu’une mise en scène (les personnages se retrouvent à un moment sur une scène de théâtre face à un public qui les conspuent) au sein de laquelle se débattent des pantins. Il faut d’ailleurs saluer la performance de tous les acteurs, y compris les rôles secondaires (mention spéciale à Claude Piéplu), qui acceptent avec autant de conviction que de sérieux le jeu proposé par Buñuel.
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