Le deuxième concert de la saison des Arts Renaissants réunissait, le 3 décembre dernier en l’église Saint-Jérôme, les musiciens du bel ensemble Il Gardellino et un soliste jouant d’un instrument particulier qui n’a pas manqué d’attirer les curieux, le glasharmonica. Un programme musical autour de Mozart a accompagné cette découverte.
Le bel ensemble baroque flamand Il Gardellino réunit ce soir-là Jan De Winne, flûte traversière, Marcel Ponseele, hautbois et cor anglais, Joanna Huszsca, violon, Kaat De Cock, alto, et Phyllis Bartholomeus, violoncelle. En invité spécial, Thomas Bloch dévoile tout d’abord les particularités de cet instrument baptisé « glasharmonica ». Comme l’explique le musicien, la traduction française de son nom, « harmonica de verre « , prête à confusion. Il ne s’agit en rien d’un instrument dans lequel on souffle ! Le glasharmonica a été inventé par Benjamin Franklin en 1761 à la suite de sa rencontre, dans une brasserie, d’un musicien qui jouait un instrument appelé séraphin. Celui-ci était composé de verres à pied, sur lesquels on frottait les doigts humidifiés pour les faire chanter. Franklin a simplement amélioré ce principe de base, en fabriquant des verres de différentes tailles et en les arrangeant selon une gamme chromatique, sur un axe commun en rotation. Le musicien n’a donc qu’à bien humidifier ses doigts et à les appliquer sur la tranche de ces verres en rotation, à la manière d’un pianiste sur son clavier.
Passant immédiatement de la description à la pratique, Thomas Bloch ouvre le concert en solitaire. Il joue l’Adagio en do majeur pour glasharmonica KV 356 de Wolfgang Amadeus Mozart. Ces sonorités, comme venues d’ailleurs, distillent une musique d’une étrange nostalgie dans laquelle le style mozartien se love avec une certaine suavité…
Les musiciens de l’ensemble Il Gardellino prennent ensuite le relai avec un Quatuor en do majeur pour hautbois, violon, alto et violoncelle, d’un certain Josef Fiala, compositeur et hautboïste natif de Bohème, contemporain de Mozart. Les trois mouvements s’insèrent parfaitement dans le style de la période. Le nostalgique deuxième volet sonne comme un tribut à l’instrument à vent, ici magnifiquement joué par Marcel Ponseele.
L’épisode suivant réunit trois partitions de la meilleure musique de chambre de Mozart. Après son Adagio pour cor anglais, deux violons et violoncelle KV 580a, nous retrouvons le célèbre Quatuor en ré majeur pour flûte, violon, alto et violoncelle KV 285. La flûte traversière en bois de Jan De WInn en souligne la beauté des phrasés, alors que les cordes la soutiennent avec finesse, notamment dans les pizzicati poétiques du deuxième volet. La troisième œuvre de cet épisode retrouve Thomas Bloch dans l’Adagio et Rondo pour flûte, hautbois, alto, violoncelle et… glasharmonica. Tout au long des trois mouvements, on aime l’étrange et beau mélange qui s’établit entre ces sonorités instrumentales.
Johann Christian Bach, autre contemporain de Mozart, fils de l’illustre Johann Sebastian et baptisé le « Bach de Londres », offre la dernière (ou presque…) œuvre de ce programme. Son Quintette en ré majeur pour flûte, hautbois, violon, alto et violoncelle met en scène une discussion animée et festive entre les deux instruments à vent. Le séduisant balancement du mouvement central est suivi de la vivacité des échanges du final.
Applaudis avec ferveur par le public qui emplit la nef de l’église, les musiciens offrent un dernier témoignage de cette association entre les instruments traditionnels et le glasharmonica. Il s’agit là d’une pièce qui associe deux génies. Mozart a réalisé un arrangement (probablement une actualisation dans son esprit) de l’Ode à Sainte Cécile de Georg Friedrich Haendel. Dans l’un des morceaux de cette transcription, Mozart a cédé aux charmes du glasharmonica. C’est ce cadeau raffiné qui conclut la belle rencontre de cette soirée.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Les Arts Renaissants