Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Le Quai des brumes de Marcel Carné
« T’as d’beaux yeux, tu sais » : voici l’une des répliques les plus cultissimes de l’histoire du septième art et Le Quai des brumes, sorti en 1938, troisième long-métrage du futur réalisateur des Enfants du paradis, alors âgé de 29 ans, est le résultat d’une conjonction de talents. Scénarisé et dialogué par Jacques Prévert d’après un roman de Pierre Mac Orlan, le film deviendra l’une des œuvres emblématiques du « réalisme poétique ».
Déserteur de l’armée coloniale, Jean arrive au Havre et découvre dans un bistrot plus ou moins clandestin une petite assemblée de personnages originaux, un peu artistes, plutôt marginaux. Parmi eux : Nelly, jeune fille de dix-sept ans sous la coupe de son tuteur Zabel, un commerçant rusé flirtant avec des voyous. Solitaire et désabusé, Jean retrouve le goût de vivre auprès de Nelly, mais son statut de déserteur le contraint à envisager de quitter la France. Un paquebot en partance pour le Venezuela et de faux papiers pourraient être sa sortie de secours, quitte à abandonner la jeune femme follement amoureuse de lui. Pendant ce temps, Zabel et Lucien, un truand que Jean a humilié, n’ont pas dit leur dernier mot.
Ode à la liberté
Outre son couple iconique Jean Gabin / Michèle Morgan, Le Quai des brumes rassemble Michel Simon (extraordinaire dans un personnage de salaud d’anthologie), Pierre Brasseur et Robert Le Vigan. Les décors d’Alexandre Trauner et les dialogues de Prévert participent évidemment à la réussite de l’ensemble, ainsi que la mise en scène de Carné dont la beauté vient de l’apparente simplicité, mais dont le sens du montage et la composition des plans relèvent du grand art.
Mélodrame dérivant vers le film noir, cette histoire d’amour impossible n’a pas pris une ride. L’humanisme de Prévert et de Carné ne les empêche pas d’être lucides sur la nature humaine. La dernière scène, un chien se libérant de sa laisse et courant dans la nuit, nous rappelle que le film est aussi une ode à la liberté.
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