Les 23 et 24 novembre se tiendra, Centre de Congrès Pierre Baudis à Toulouse, le huitième Salon Maçonnique de Toulouse – organisé par l’Institut Toulousain d’Etudes Maçonniques – autour de conférences, de débats, d’expositions, de concerts, de dédicaces, de rencontres avec de nombreux intervenants. Entretien avec Bernard Bos, Commissaire du Salon.
Quelle est la vocation de ce salon ?
Ce salon montre au grand public, les sujets travaillés dans les temples, les préoccupations des francs-maçons, et cela à travers des années d’existence. Ce travail prend tout son sens quand il se confronte aux idées du public qui nous rend visite. Les francs-maçons défendent la République sociale et démocratique, la laïcité, la liberté d’expression, la liberté de conscience, l’amélioration matérielle et morale. Ils travaillent sur eux-mêmes, à leur propre amélioration pour mieux agir à l’extérieur. Quelles que soient les obédiences, un pilier commun les réunit : leur devoir d’aide, de solidarité et de protection envers les hommes et les femmes.
Ce salon permet ainsi aux différentes obédiences maçonniques de se présenter et de dialoguer avec tous les visiteurs qui le souhaitent, dont plus d’un tiers ne sont pas des francs-maçons. C’est aussi, pour les francs-maçons de la région, l’occasion de se retrouver pour partager de manière informelle et festive un moment culturel très riche grâce aux différentes conférences proposées. Je tiens d’ailleurs à préciser que la plupart des conférenciers ne sont pas maçons. Simplement, les sujets traités nous tiennent à cœur, ils le sont par des experts dans leur domaine et les débats qui suivent les conférences sont toujours passionnants.
Le thème du salon 2024 est « Par-delà le chaos, l’Espérance ». Ce terme d’« Espérance » possède une forte connotation chrétienne. Par ailleurs, une conférence sera consacrée à «La Franc-Maçonnerie en terre d’Islam dans le bassin Méditerranéen». Est-ce à dire que la franc-maçonnerie n’est pas, ou n’est plus, « l’ennemie » des religions ?
Absolument. Nous ne sommes pas des ennemis de la religion dans la mesure où elle se cantonne à la sphère privée. J’irai même jusqu’à dire que ce sont plutôt certaines religions qui ont parfois du mal à accepter la liberté de raisonnement que s’accordent les obédiences adogmatiques. De manière schématique, dans beaucoup d’obédiences, la liberté de conscience est la règle : catholiques, musulmans, juifs, protestants, pour ne citer que les religions les plus répandues en France, agnostiques, athées ou indifférents se côtoient et travaillent ensemble dans le respect mutuel des convictions de chacun. Dans d’autres, il est nécessaire de croire en un « grand architecte de l’univers », c’est-à-dire en un principe créateur, fédérateur quelle que soit la religion qui le porte. La Franc-Maçonnerie est riche de ses différences, et se retrouve toujours autour des notions centrales d’humanisme, d’amélioration de l’homme et de la société. Pour en revenir au thème du Salon, il convient de séculariser ce terme d’Espérance plutôt que de le considérer comme la vertu théologale du christianisme. On doit l’interpréter comme une incitation à l’optimisme face au chaos de notre époque, troublée par de multiples crises, écologique, économique, sociale, humanitaire… Vous mentionnez la conférence sur « la Franc-maçonnerie en terre d’Islam dans le bassin Méditerranéen » : nul doute que la situation politique influe sur la possibilité, ou non, de pratiquer la franc-maçonnerie dans chacun de ces pays et que la présentation qui en sera faite sera très instructive.
La franc-maçonnerie est associée, pour une part des gens, à la notion d’appartenance secrète. Une telle manifestation, ouverte au public, est-elle une façon de casser cette image ?
Cette image a déjà beaucoup évolué en France. Nous faisons visiter nos Temples, nous donnons de multiples conférences publiques sur des sujets sociétaux ou spirituels. Mais l’histoire a malheureusement obligé les Francs-maçons à prendre certaines précautions : pendant le régime de Vichy, ils ont été fichés, pourchassés, voire déportés. Depuis, une certaine discrétion perdure et si chacun a la liberté de dire qu’il est franc-maçon, il ne doit pas « dévoiler » un autre membre. Par ailleurs il parait bien naturel que la discrétion reste de mise pour la femme ou l’homme qui entre en maçonnerie : son engagement dans une démarche initiatique est une décision très personnelle. C’est là son unique et véritable secret.
La République sera au cœur de deux débats lors du salon. Dans les principes, elle fait consensus en France, mais concrètement elle est érodée entre autres par le communautarisme, les revendications religieuses. Doit-elle se réaffirmer ou s’adapter ?
La République démocratique, sociale, laïque, telle qu’on la connait en France, est non seulement érodée, pour reprendre votre terme, mais elle a besoin d’être défendue, voire « réparée ». La déliquescence de l’implication citoyenne est un réel danger. Le communautarisme religieux exacerbé créée des fractures au sein de notre société. Des élus au plus haut niveau régional s’expriment lors de l’inauguration du Salon : écoutons leur message, il est important. La République démocratique est fondée sur trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. La défendre c’est être vigilant quant à l’équilibre de ce triptyque. Tout en se réaffirmant, la République doit s’adapter et répondre à des demandes nouvelles. Liberté, égalité, fraternité, sont des mots chargés de sens, ce sont des valeurs à défendre. Lorsqu’on énonce la tolérance, le respect des autres, le principe de laïcité nécessaire au « vivre ensemble », la liberté de conscience, il n’y a pas de contradiction entre ces mots mais simplement la prise en compte de l’autre.
Les migrations, l’exil et l’accueil seront aussi les sujets de certaines conférences. En quoi ces thèmes sont-ils importants ?
Ils le sont pour chacun d’entre nous, pour les politiques comme pour les organisations non gouvernementales. Ils sont importants pour les clivages qu’ils génèrent, les réactions épidermiques entre rejet de l’étranger, bouc émissaire tout trouvé, et réalité des migrations quelles que soient leurs motivations : politique, travail, climat… Accueillir est dans l’ADN du franc-maçon. Les migrations ont de tout temps façonné le monde. Regardez autour de vous : qui n’a pas un ancêtre d’origine étrangère, de région différente, de pays différent, de continent différent.
Disserter sur ces thèmes est une façon de réfléchir sur l’autre, sur l’altérité, sur la lutte entre la haine et l’amour.
A l’heure où prolifèrent, notamment sur les réseaux sociaux, la haine, la diffamation, les rumeurs ou les fausses informations, et quand l’irrationnel prend souvent le pas sur la raison, les valeurs maçonniques vous paraissent-elles encore efficientes ? Comment les faire entendre ?
Nous proposons une conférence sur ce sujet car la Franc-Maçonnerie n’est pas épargnée par les « fake news » et les accusations infondées de toutes sortes. Le travail en Loge permet à chacun de construire sa propre opinion sur un sujet, de manière objective, étayée en écoutant et partageant des avis différents. Le respect de nos valeurs – éthique, respect mutuel, solidarité, devise républicaine, laïcité… – est un moyen de dissiper la confusion dans laquelle nous évoluons, dans cette société où l’éphémère l’emporte parfois sur le durable, où l’essentiel peut laisser place au futile. Les francs-maçons travaillent dans le temps long, si précieux à notre époque. Nous prenons le temps de l’analyse, de l’échange dans un lieu préservé du bruit du monde et j’ajouterai : pendant que nos smartphones sont tous en mode avion ! Quant aux réseaux sociaux, peut-être n’y sommes-nous pas suffisamment présents. Mais ceux qui cherchent la parole des Obédiences la trouveront sur leurs sites.
Un concert en hommage à Léo Ferré est également prévu. Pourquoi cet artiste ?
Tout simplement parce que Léo Ferré est un formidable artiste, apprécié par beaucoup, pour sa voix, ses mélodies et les textes, souvent forts, de ses chansons. Après des conférences que l’on va qualifier de « sérieuses », il convient de faire un pas de côté et s’accorder un moment de pure détente, grâce à des artistes de qualité qui vont égayer notre dimanche après-midi en nous proposant un moment de poésie en musique. Vous savez, la franc-maçonnerie et la poésie ont beaucoup de points communs : tous les deux pensent le monde différemment et tendent à l’embellir dans une démarche utopique et créatrice !
Entretien réalisé par Christian Authier
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Salon Maçonnique de Toulouse – Centre de Congrès Pierre Baudis