Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Mort à Venise de Luchino Visconti
Bien qu’adapté d’une nouvelle de Thomas Mann, Mort à Venise, sorti en 1972, est le plus « proustien » des films de Luchino Visconti avec son ultime long-métrage L’Innocent – l’adaptation de A la recherche du temps perdu restant le grand projet inabouti du réalisateur du Guépard. On y découvre un compositeur allemand, Gustav von Aschenbach, qui séjourne à Venise en 1911. Dans l’hôtel de luxe où il a posé ses valises, le Grand Hôtel des Bains sur le Lido, il aperçoit une famille polonaise au sein de laquelle un adolescent, prénommé Tadzio, le foudroie par sa beauté d’ange blond. Entre l’homme vieillissant et le garçon s’échangent des regards, des sourires au fil d’un jeu de la séduction ébranlant les certitudes de l’artiste.
Le personnage central de Mort à Venise – inspiré par Gustav Mahler, Thomas Mann et Visconti lui-même – apparaît rapidement comme un être en sursis. Affaibli, il croise à plusieurs reprises des individus arborant une sorte de masque mortuaire (à l’instar de celui qu’il portera lors de la scène finale) ainsi qu’un homme agonisant, vraisemblablement atteint par l’épidémie de choléra sévissant dans la ville. En contrepoint de cette dimension funèbre, le spectacle d’une grande bourgeoisie cosmopolite batifolant sur le Lido et la beauté de Tadzio offrent un répit ou une illusion.
Œuvre de prestige
Si Mort à Venise a tant marqué son époque, c’est sans doute par son sujet (un amour platonique, un désir homosexuel refoulé) et par son statut ostentatoirement affiché de « grande œuvre artistique ». La musique (notamment l’adagietto de la cinquième symphonie) et la figure de Mahler, le texte de Mann, les films passés de Visconti, le décor de Venise confèrent de fait une aura prestigieuse ayant impressionné la critique et le public. En outre, des échanges entre von Aschenbach et l’un de ses amis sur la nature et le sens de l’art, le Mal et le génie, la création et l’ambiguïté ponctuent cette méditation sur le temps qui passe.
Pour autant, tout cela a plutôt mal vieilli. Visconti se regarde filmer comme certains s’écoutent parler. Les travellings et l’abus de zooms avant ne suffisent à rompre l’ennui. Le jeu de Dirk Bogarde (que le metteur en scène avait déjà dirigé dans Les Damnés) n’est pas exempt de grimaces dignes du cinéma muet. Au final restent la beauté presque androgyne de Tadzio (Björn Andrésen) et sa silhouette se découpant sur le front de mer.
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