Prix du scénario au dernier festival de Cannes, le film d’horreur de Coralie Fargeat avec Demi Moore, sur les écrans le 6 novembre, est une pochade gore manquant précisément de substance.
A Hollywood, l’étoile de l’actrice Elizabeth Sparkle a pâli. Heureusement, il lui reste l’émission d’aérobic qu’elle anime vaillamment, mais le jour de ses cinquante ans son producteur la congédie sans ménagement. Trop vieille. Il faut laisser la place à du sang neuf. Du sang neuf, c’est justement ce qu’un mystérieux laboratoire lui propose : grâce à des injections d’un cocktail à base d’ADN, elle peut donner naissance à une autre version d’elle-même. Plus jeune, plus belle, plus parfaite : voici Sue, vingt ans et des poussières, qui va reconquérir la gloire perdue d’Elizabeth. Seule contrainte : tous les sept jours, les rôles s’inversent. La « matrice » ou son double doit s’éclipser durant une semaine. Evidemment, ce pacte faustien va connaître des ratés…
Si le point de départ de The Substance, lointaine déclinaison de L’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, est astucieux, il se heurte d’emblée à un problème : à soixante ans, Demi Moore arbore le corps d’une femme de trente et le visage d’une de quarante. Avec une telle plastique, montrée sous toutes les coutures, on a peine à croire à sa péremption télévisuelle. D’autant que sa remplaçante, interprétée par Margaret Qualley, censée être sa version « améliorée », a l’allure d’une banale cheerleader.
Grotesque
Plus gênant encore, cette satire sur la tyrannie de la jeunesse épuise vite son propos et s’étire interminablement pendant deux heures et vingt minutes. The Substance lorgne du côté du cartoon avec le personnage campé par Dennis Quaid qui semble sorti de chez Tex Avery. Les références à David Cronenberg sont pesantes. Des séquences évoquent les pires clips de rap US. D’ailleurs, on n’ose imaginer les réactions de la critique extatique si la complaisance avec laquelle sont exhibés les corps et la nudité des actrices avait été l’œuvre d’un homme. Mais Coralie Fargeat, à laquelle on doit le déjà médiocre et sanguinolent Revenge, s’affirme féministe. Elle a donc tous les droits.
Sans surprise, The Substance s’enfonce dans le gore. L’hémoglobine coule à flots, selon l’expression consacrée. Ici, on peut même parler de tsunami. Le grotesque s’invite. Tout cela ressemble au délire d’un potache sous l’emprise de drogues. S’il en était besoin, le film de Coralie Fargeat nous rappelle qu’un bon sujet – d’autant plus à l’époque de l’humanité dite augmentée – peut accoucher d’un épouvantable navet.