The Apprentice, un film d’Ali Abbasi
Le réalisateur irano-danois Ali Abbasi nous propose, avec son dernier opus, un film que l’on prendrait trop rapidement pour un biopic sur Donald Trump (né en 1946). En fait, le scénario va bien plus loin. Il nous raconte surtout et de manière très documentée comment, dans les années 70/80 du siècle dernier, ce fils d’un magnat de l’immobilier américain, est devenu le fils spirituel d’un avocat célèbre, Roy Cohn (1927-1986).
Ce dernier, véritable âme damnée du sénateur Joseph McCarthy, celui-là même qui a lancé la pitoyable « chasse aux sorcières », est passé à la postérité pour, entre autres faits d’armes, avoir envoyé sur la chaise électrique les époux Rosenberg, condamnés pour espionnage au profit de la Russie. Homophobe virulent, il était en fait homosexuel et mourut du sida. Il rencontre au début des années 70 le jeune Donald dans un club privé dont celui-ci vient de devenir le plus jeune membre. Entre les deux hommes, l’éclair est foudroyant. D’un côté le vieux loup qui n’a pas d’enfant, meurt d’envie d’en faire sa chose, à l’instar d’un Frankenstein. Il en a deviné les capacités. De l’autre, le novice aux dents longues cherche un appui, un mentor, à la hauteur de ses ambitions. Roy Cohn sera le conseiller juridique de Donald Trump de 1975 à 1986. Cela laisse tout le temps au scénario de nous tracer les portraits de deux personnages hors du commun, mais aussi celui d’une ville, New York, complétement gangrénée par la corruption. Et en la matière, le tableau est effrayant ! La construction de la trop fameuse Trump Tower est à ce titre particulièrement édifiante. Celui qui fut aussi un avocat redoutable de la mafia conduit « l’apprenti » Donald Trump jusqu’à des sommets cernés… de dettes colossales. Le film s’arrête avant son ascension politique. Nous en connaissons la suite de toute manière. Jeremy Strong incarne un Roy Cohn en personnage insaisissable d’une toxicité épouvantable. Sebastian Stan s’empare du concurrent actuel de Kamala Harris avec une virtuosité de tics, de gestes et de langage visant à se rapprocher de son « modèle », absolument stupéfiante. Un tour de force !
Ce film n’a pas trouvé de distributeur aux USA. On se demande bien pourquoi ?