Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
A nous la liberté de René Clair
Cloué au pilori dans les années 1950 par la Nouvelle Vague qui voyait en lui l’incarnation du vieux cinéma de « qualité française » (l’expression n’était pas flatteuse pour Godard, Truffaut et Cie), René Clair avait été pourtant quelques décennies plus tôt le représentant de l’avant-garde et de la modernité cinématographiques. Ayant commencé sa carrière au temps du muet, il collabore en 1924 pour le court-métrage Entr’acte avec Marcel Duchamp et Man Ray avant que ses premiers films parlants (Sous les toits de Paris en 1930 et Le Million un an plus tard) ne lui vaillent d’être considéré comme l’un des meilleurs cinéastes de son temps.
A nous la liberté, sorti également en 1931, confirme le statut de René Clair avec cette histoire de deux amis détenus qui entreprennent de s’évader. L’un, Louis, va devenir un entrepreneur multipliant les usines gigantesques quand l’autre, Emile, se contente de vagabonder. Leurs chemins vont se recroiser lorsque Emile tombe amoureux d’une employée de l’usine de Louis.
L’homme contre la machine
Cette comédie comportant des scènes musicales impressionne par son inventivité visuelle et la composition des plans dignes d’un Eisenstein ou d’un Lang. Traversé par un souffle éminemment libertaire, le film est aussi une brillante satire de la société industrielle comme du combat de l’homme contre la machine (ou vice-versa). A ce titre, on mesure l’influence décisive de A nous la liberté sur Les Temps modernes de Chaplin. Pour autant, le propos de René Clair n’est jamais pesant, didactique, étroitement politique. Le cinéaste privilégie la poésie, la fantaisie, l’humour, le rythme.
Jonglant entre la musique, les sons et les paroles, le film exploite toutes les potentialités d’un art alors en pleine mutation. Eloge de l’amitié, condamnation de la vie bourgeoise et du matérialisme, A nous la liberté est traversé par une sorte de joie enfantine, mais derrière la légèreté et l’utopie, la vision d’un monde déshumanisé se révélera hélas visionnaire.
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