Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Jules et Jim de François Truffaut
Il ne faut pas se fier au titre du film de François Truffaut car Jules et Jim met en scène le trio amoureux le plus célèbre du cinéma. Sorti en 1962, ce troisième long-métrage du cinéaste, après Les 400 coups et Tirez sur le pianiste, débute en 1912 à Paris avec deux amis, le Français Jim, l’Autrichien Jules, qui profitent de leur jeunesse, collectionnent les aventures, échangent sur la littérature. La rencontre avec Catherine transforme le duo en trio. Celle-ci choisit finalement Jules avec lequel elle se marie avant que la guerre ne sépare les deux hommes. Après l’armistice, Jim rejoint en Autriche le couple qui bat de l’aile. Jules accepte que Jim devienne l’amant de sa femme. Naît alors un ménage à trois soumis aux hésitations et aux retournements de Catherine…
Adapté du roman éponyme d’Henri-Pierre Roché, Jules et Jim témoigne de la profonde inspiration littéraire du cinéma de François Truffaut. L’utilisation récurrente de la voix off accentue cette filiation et facilite les ellipses. Multipliant les références à la littérature tandis que Jim écrit un roman sur sa relation avec Jules, le film va toutefois devenir culte grâce à une chanson, Le Tourbillon (écrite et composée par Serge Rezvani qui joue le personnage d’Albert), que chante Jeanne Moreau et qui éclipse la musique signée par Georges Delerue.
Jeunesse éternelle
Jeanne Moreau, justement. Elle éclabousse de sa présence chaque image et Catherine est la véritable héroïne de ce qui commence comme une comédie primesautière à la Lubitsch et qui s’achève en tragédie. Femme libre, séductrice, dominatrice, fatale, enfantine, maternelle : elle porte de multiples visages ou masques. Dans une filmographie éblouissante qui la verra tourner avec Louis Malle, Antonioni, Buñuel, Joseph Losey ou Orson Welles, son rôle devant la caméra de Truffaut (qui la dirigera à nouveau dans La mariée était en noir) demeure inoubliable.
A ses côtés, Oskar Werner et Henri Serre ne déméritent pas, mais paraissent bien falots. Par ailleurs, l’audace du propos autour de ce triangle amoureux défiant les règles ne masque pas le relatif classicisme de la forme – classicisme que Truffaut en tant que critique aux Cahiers du Cinéma puis figure de proue de la Nouvelle Vague conspua violemment avant de l’adopter de plus en plus ouvertement. Autre paradoxe : ce qui passe de prime abord comme un éloge de l’amour libre montre comment cette liberté peut conduire au malheur et à la mort.
Il y a de fait une dimension quasi mythologique dans Jules et Jim qui prend par moments l’allure d’un conte déconnecté du réalisme le plus étroit. Ainsi, les années et les décennies défilent sans que les personnages ne vieillissent, indifférents au tourbillon de la vie. Comme immortalisés dans une jeunesse éternelle que fixe la superbe photographie en noir et blanc de Raoul Coutard.
> LES FILMS QU’IL FAUT AVOIR VUS