Gloria ! un film de Margherita Vicario
Alors que toute l’Europe baroque du 18e siècle ruisselle de musique dans tous les coins et recoins de ses capitales, Venise en particulier, il ne nous est parvenu aujourd’hui que des compositions écrites par des hommes… Entre religion et machisme, les compositrices ont été muselées. Ce scandale historico-artistique a interpellé la réalisatrice et musicienne italienne Margherita Vicario. Elle a décidé d’en faire le sujet de son premier long métrage. Vivifiant et enthousiasmant, pour le moins !
Entrons dans l’Institut Sant’Ignazio, tout à la fois orphelinat et conservatoire. Sous la férule de l’abbé Perlina, maître de chapelle, des jeunes filles apprennent la musique et jouent qui du violon, qui de la petite harmonie, ou bien chantent des compositions du père abbé. Un grand événement est annoncé, la venue du pape. Pour cette occasion, le principal mécène de l‘institut demande à Perlina une composition spéciale et de préférence magnifique. Or, voilà que le maître de chapelle manque soudainement d’inspiration. Il faut dire qu’il a fort à faire avec son « protégé », un jeune chanteur beau comme le diable et terriblement endetté… Arrive alors en catimini un piano forte, instrument relevant de l’excommunication. Caché dans une cave de l’institut, il va cependant être découvert par l’une des pensionnaires, Teresa. Celle-ci, fine oreille, musicienne autant que compositrice dans l’âme, va avoir tôt fait de le faire découvrir à ses camarades, Lucia, Bettina, Marietta et Prudenza. Certes des rivalités se font jour au sein de ce petit groupe, mais le talent de Teresa va finir, en secret, par s’imposer.
De beaux costumes, de magnifiques éclairages, une mise en scène alerte autant qu’efficace soulignée par un montage au cordeau, des plans magnifiques sur les eaux de la Sérénissime, font de ce film un objet artistique très agréable à regarder. Mais ce n’est pas tout. Au cœur du scénario il y a le destin de ces jeunes filles qui ne pouvaient devenir, aussi douées soient-elles, des musiciennes professionnelles, ce statut étant réservé aux hommes. Il ne leur restait plus qu’à trouver un bon parti… Peu de partitions écrites par des mains féminines nous sont parvenues si ce ne sont celles de Maddalena Laura Lombardi Sirmen (1745-1818) qui, d’ailleurs, avec son mari, fit une carrière européenne remarquable. Mais quid des autres ? Le machisme et la religion les ont à jamais englouties. Pour enfonce le clou, la réalisatrice a participé à l’écriture de la bande son, une musique qui va perforer la temporalité du baroque pour flirter avec des rythmes d’aujourd’hui en une espèce de transcendance musicale de l’émancipation féminine.
Tous les comédiens sont épatants, en particulier la jeune Galatea Bellugi dont le nom s’inscrit avec effervescence sur les castings actuels.