Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Hiroshima mon amour d’Alain Resnais
Reconnu par ses documentaires, notamment Nuit et Brouillard en 1956, Alain Resnais va accéder à la célébrité grâce à l’écho international de son premier long-métrage présenté au festival de Cannes en 1959. D’après un scénario et des dialogues de Marguerite Duras, Hiroshima mon amour met en scène la relation amoureuse entre une Française et un Japonais près de quinze ans après le largage de la bombe atomique sur la ville. La femme (on ne connaît pas les prénoms des personnages) est une actrice venue tourner un film sur la paix. Lui, ancien soldat, a vu sa famille disparaître sous le bombardement. Entre les deux s’ébauche symboliquement une réconciliation entre les adversaires d’hier tandis qu’un autre aspect de la vie de l’héroïne est révélé : durant l’Occupation, son histoire d’amour avec un soldat allemand, abattu et laissé agonisant par la Résistance, lui valut d’être tondue…
Mêlant approche documentaire, narration éclatée et théâtralité dans un noir et blanc plein de subtiles nuances, Hiroshima mon amour se veut une réflexion sur la mémoire et une ode à la paix sur fond de péril atomique. La culpabilité et la mauvaise conscience des vainqueurs du second conflit mondial, mises en exergue dans le film, amorcent avec une dizaine d’années d’avance le relativisme moral – avec la désacralisation de la Résistance, la peinture de Français quasiment tous pétainistes ou collabos, la vision ambivalente de figures de la collaboration – émergeant dans la France post-gaullienne et dont Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls sera l’une des étapes.
Avant-garde
Froid et sérieux comme du marbre, d’une beauté désincarnée, Hiroshima mon amour devient instantanément une œuvre emblématique d’une certaine modernité et avant-garde de son temps. A l’instar du Nouveau Roman dans le champ littéraire (Resnais d’ailleurs collaborera avec Alain Robbe-Grillet pour son film suivant L’Année dernière à Marienbad), tout cela a prit un coup de vieux. De la célèbre phrase ouvrant le film (« Tu n’as rien vu à Hiroshima ») déclamée d’une voix blanche n’excluant pas l’emphase à des dialogues abscons (« Tu me tues, tu me fais du bien ») voire ridicules (« Tu es complètement Japonais ou tu n’es pas complètement Japonais ? », « Que ceux qui ne sont jamais allé en Bavière osent parler d’amour »), l’apport de Duras peut prêter à discussion.
Des années plus tard, elle se lancera dans des films plus ou moins expérimentaux inspirant à Pierre Desproges cette pensée aux allures d’aphorisme : « Marguerite Duras n’a pas écrit que des conneries. Elle en a filmé aussi. » Quant à Alain Resnais, adoubé par les critiques et les cinéastes de la Nouvelle Vague même si esthétiquement il n’avait rien à voir avec eux, il poursuivra dans cette veine cérébrale avant que la dernière partie de sa carrière ne révèle des inspirations plus variées, plus légères (bien que toujours imprégnées par la mort), tournées vers la comédie et même la comédie musicale. Des films que l’on est en droit de préférer à ses grands « classiques » dont Hiroshima mon amour.
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