Anaïs MVA est l’une de ces pépites émergentes qui ont débarqué dans la sphère pop francophone avec des projets déjà aboutis et une identité reconnaissable. À travers ses textes, elle aborde des sujets qui lui tiennent à cœur et répare celui de ses auditeurs. L’interprète du titre « XS » se confie notamment sur ses angoisses et sa relation avec son corps. Culture 31 a rencontré l’artiste à l’occasion de sa performance au Bikini pour le Weekend des Curiosités.
Anaïs MVA, c’est une prose intime et pourtant universelle. En 2023, elle sort son premier EP baptisé « Métastases ». On y découvre le récit d’une jeune femme à la fois forte et fragile, malmenée par ses troubles du comportement alimentaire (TCA). Et l’artiste se livre encore davantage dans son dernier projet, « Remède », dévoilé en mai 2024. Cet album, écrit dans sa chambre, prend ici une autre dimension, avec un nom à double lecture.
« Pour certains titres comme « XS », c’est très littéral et personnel, c’est un remède pour moi. Parce que sortir cette chanson, ça m’a vraiment sauvée. C’est arrivé à un moment où je n’allais pas bien du tout, et me concentrer sur cette chanson qui compte énormément pour moi m’a vraiment fait aller mieux », confie la chanteuse émergente. Mais elle ne s’était pas préparée pour l’écho qu’aurait son art sur son auditoire. Chanter ses titres en concert et rencontrer son public lui ont permis de réaliser l’impact concret de sa musique auprès de ceux qui l’écoutent. Ils se sentent compris.
« J’ai juste envie qu’on aille toutes mieux »
Des témoignages, Anaïs MVA en a reçu beaucoup. Son premier réflexe est alors la colère. « Je me suis dit, que moi je ressente ça, c’est une chose, mais savoir que des filles que j’aime et qui sont proches de moi le vivent aussi – et ne m’en ont jamais parlé parce qu’elles pensaient que c’était tabou – c’en est une autre », se rappelle la jeune femme. Elle transforme alors cette rage en muse dans le titre « Ce qu’on demande aux autres ». L’artiste apporte ici une réflexion sur les diverses injonctions imposées par la société. Elle chante : « ris mais jamais trop fort, brille mais pas plus que l’or, brise juste quelques codes, risque mais reste dans les normes ».
« Je voulais dire que c’est bon, on en a marre. On essaye de correspondre à des critères qui n’existent pas ou qui nous empêchent de poursuivre d’autres rêves, et nous ralentissent dans nos vies. Et j’ai juste envie qu’on aille toutes mieux », poursuit Anaïs MVA. Derrière sa douceur et son côté piano-voix, le morceau cache donc un vrai cri du cœur, une urgence de s’exprimer.
Un métier de son… et d’image
Et pourtant, en voulant s’exprimer à travers la musique, la chanteuse a pu se retrouver face à de nouvelles difficultés. Lorsque tu deviens artiste, ton image est publique, que ce soit sur scène ou bien à travers les images de promotion. « Au début, c’était très dur les concerts. Montrer mon corps. Et j’aurais pu mettre des vêtements très oversize et honnêtement je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas fait. Je pense que je n’avais pas cette mentalité à ce moment-là. Mais ce que je faisais – je stressais avant les concerts – c’est que je me privais de manger avant de monter sur scène », confesse la jeune femme. Le stress que son corps change prenait le dessus.
« Et même au début, je pleurais dans les vestiaires pendant les premiers photoshoots. C’est trop bizarre de te dire que tu as une image et que tu dois l’exposer quand t’as ce rapport avec ton corps », ajoute-t-elle. Mais le morceau « XS » a marqué un réel tournant dans son esprit. Il y a eu un avant, et un après. D’ailleurs, dans ce morceau, elle dit : « jean taille basse double XS, maintenant je fais une fixette ». Ces lignes, l’artiste les a parfaitement incarnées lors de son set au Weekend des Curiosités, avec un bermuda taille basse en denim. Le rapport de force s’est inversé. Elle a pris le dessus sur ses propres paroles, dans lesquelles elle se compare à une autre.
Envie d’aller mieux
Ce morceau allié à cette tenue de scène, c’est le signe d’une guérison qui se profile. « Mon public m’a donné une raison d’aller mieux qui me dépasse. Si j’étais seule, je pense que je ne me serais jamais dit que j’avais envie d’aller mieux. Maintenant, je veux chanter avec tout le monde que ça va mieux ». Mieux qu’une promesse, la chanteuse se donne donc un objectif, écrire sur la cicatrisation de ses plaies. En attendant, « XS » résonne comme un anthem d’espoir, symbolique de ses textes sur la vie de femme et ce qui l’accompagne. Une pop efficace représentative de l’explosion du genre dans l’Hexagone, et plus particulièrement de la pop féminine.
Zélie, Yoa, Kalika, Solann, Marguerite Thiam, Noor… Cette musique a de nombreuses ambassadrices francophones. « Toutes ces artistes, je les aime trop, je les trouve trop fortes dans ce qu’elles font. Je trouve qu’il y a des artistes émergents qui sont de plus en plus talentueux dès le début. Quand tu vas à leurs concerts, t’es impressionné », salue Anaïs MVA.
Liberté, égalité, sororité
Quelque chose de très particulier crée un pont entre ces artistes. La sororité pour commencer, mais aussi une parole libérée. « Je me sens liée à toutes ces filles qui font de la musique comme moi. Zélie en parle dans ses textes, Solann aussi dans « Rome », Yoa a ce truc très badass… Je crois que c’est très générationnel au final », affirme Anaïs MVA. La gen Z, née avec les réseaux sociaux et donc un canal d’expression supplémentaire, serait en effet plus encline à échanger sur des sujets de fond, sans se mettre de barrière.
« Le fait qu’on ait tous un téléphone et que n’importe qui puisse parler de ce qu’il veut sur TikTok, ça fait que c’est facile de parler. Et ça se ressent dans l’art. Les sujets abordés, c’est une des raisons pour lesquelles j’aime trop notre génération. Il n’y a pas de censure, puisque c’est nous les médias », conclut l’artiste émergente. La voix des jeunes femmes tisse alors un fil rouge rassembleur entre des engagements et des idées d’actualité, dans la pop, et pas seulement.