Comme son nom l’indique, la maison d’édition Blast, réalise une véritable onde de choc dans les écrits qu’elle publie. De par son engagement marqué, elle partage un nouveau souffle dans la littérature contemporaine. Son catalogue d’auteur-rices regorge de talents utilisant les mots comme une force dans leur lutte respective.
Les engagements de Blast, pour une littérature activiste
Les éditions indépendantes Blast, depuis leur création en 2019, ont toujours mis un point d’honneur à respecter leur ligne éditoriale qui se veut engagée dans différentes luttes sociales. Les engagements féministes, queers, anarchistes ou encore antiracistes constituent des thèmes importants dans les œuvres publiées par Blast, ils s’inscrivent dans une volonté de venir “questionner les dominations structurelles en intervenant sur la langue elle-même”. Si vous êtes lecteur-rices engagé-es et concerné-es par ces enjeux, vous serez ravie de découvrir les nombreux ouvrages de cette maison d’édition ! Blast publie sous toutes les formes : romans, textes poétiques, essais ou encore formes hybrides s’inscrivant dans une analyse engagée maniant la langue de façon réfléchie et accessible. Karima et Sol, créateur-rices de la maison d’édition, précisent que leur engagement va bien au-delà de la diffusion des textes. Elle se joue aussi dans le fonctionnement de Blast, notamment sur la solidarité dans le monde du livre, mais aussi le montant et la durée des droits d’auteur-rices. “Nous essayons de répercuter notre ligne éditoriale dans notre façon de travailler. Nous avons à cœur de mettre en adéquation nos pratiques éditoriales avec les causes que nous défendons.” explique Sol, l’un-e des fondateur-rices.
Des auteur-rices à l’image de la maison d’édition
Al Baylac et Baptiste Thery-Guilbert sont deux auteur-rices du catalogue de Blast. Leur écriture, bien que différentes, se complètent sur une même idée, la place de l’identité et de l’orientation sexuelle dans leurs œuvres.
Al Baylac dans son premier roman Colza publié en 2022, interroge son rapport ambigu à la ruralité dans une autofiction par laquelle elle met en lumière la déconstruction du genre. Al nous fait part de son cheminement dans la construction de son livre, prenant naissance en premier lieu dans une réflexion personnelle “Colza à la base, c’était vraiment des fragments, ça n’avait pas trop de squelette”. La place d’un être queer dans un milieu rural apparaît comme une problématique évidente “Comment concilier cette ruralité qui de prime abord et inconciliable avec le devenir queer qui au final se réunit dans le personnage Colza, une forme d’alter ego”. Dans ce récit initiatique allant de l’enfance à l’âge adulte, Al se questionne sur les identités de genre et la sexualité.
Baptiste Thery-Guilbert publie Là où les trottoirs s’arrêtent en 2022, suivi de Lésions en 2023. Ses deux premiers romans reflètent une vision rappelant le rejet de l’autre face à la différence, en particulier dans LGBTphobie. Son engagement transparaît dans ses œuvres, par lesquelles il cherche à déceler une certaine vérité. Son roman Lésions, se déroule à Marseille, ville dans laquelle il grandit, il y retrace les difficultés d’être queer dans une grande ville. Roman urbain, se construisant dans un milieu géographique, qu’il nous confie être évident en raison de son vécu personnel, mettant en évidence l’importance de la ville dans la problématique de son livre “On retrouve [dans le roman] une forme de sociologie de la ville voire de la sociologie politique de la ville, sans rentrer dans l’essai”. Selon Baptiste Thery-Guilbert la difficulté d’être homosexuel dans une ville tel que Marseille, passe par l’invisibilisation de la communauté LGBTQIA+ “Loin des lumières, loin des centres-villes, l’espace public, c’est aussi un espace d’exclusion”. L’auteur nous confie que Marseille est la ville dans laquelle il a expérimenté le plus d’homophobie “C’est une ville de part son histoire et sa culture qui est extrêmement paradoxale, elle a été intrinsèquement liée aux luttes lgbt, mais malgré ça, elle renferme une homophobie et une intolérance constitutive”.
Ces deux auteur-rices viennent ainsi bousculer les préconceptions des environnements dans lesquels peuvent s’épanouir la communauté queer, en s’inspirant de leur propre expérience personnelle. L’hostilité de la société face à leur identité confère aux ouvrages une volonté d’utiliser une écriture engagée. La recherche d’un lieu dans lequel l’acceptation et la tolérance à l’encontre de la différence seraient privilégiées, semble être un principe essentiel dans le processus créatif des deux auteur-rices.
L’acte littéraire relève-t-il d’un engagement ? Comment concilier ces deux notions ?
En guise de réponse à ces deux questions, Al Baylac, nous dit que “Dans l’acte de rendre visible il y a un engagement”, cette visibilité permise par le prisme de la littérature renvoie donc à un engagement dans le fait de rendre un sujet visible dans l’écriture. Al affirme “Je sais maintenant que plus je crains de rendre une chose visible, plus je dois l’écrire”. Cette idée est partagée par Baptiste Thery-Guilbert qui répond avec ferveur “La littérature devrait servir à ouvrir des brèches, casser des murs de béton armé pour y voir plus clair derrière et raconter ce qui ne l’a jamais été : l’interdit, les choses passées sous silence et les outrages au bon ordre”. Le choix des mots, le travail de la langue semble constituer une démarche essentielle dans l’expression de l’engagement littéraire “L’écrivain-e s’engage à trouver les mots justes”. L’alliance de la littérature et de l’engagement paraît ainsi se matérialiser dans un équilibre juste par lequel ces deux notions seraient complémentaires.
La maison d’édition Blast a pu nous démontrer durant ses 5 années d’existence que son engagement est un pilier dans son combat éditorial. Encore aujourd’hui, elle permet à de nombreux lecteur-rices de s’identifier à des personnages souvent inexistants ou marginalisés dans les productions littéraires actuelles.