Wolfgang Amadeus Mozart va nous accaparer pendant quelques jours. Déjà, le Théâtre du Capitole affiche complet ou presque avec l’opéra Idomeneo, Re di Creta. Et à côté, c’est la Halle qui va faire de même avec la musique instrumentale du phénomène qui poussa son premier cri à Salzbourg. C’est pour le jeudi 29 février à 20h. Les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse seront dirigés par Roberto González-Monjas.
Au programme, c’est un véritable parcours dans toute l’œuvre du musicien né un 27 janvier 1756. Judicieusement, le concert débute par la Symphonie n° 1 en mi bémol majeur, K. 16 et se termine par la Symphonie n° 41 “Jupiter“, la dernière, en ut majeur, K. 551. Entre les deux, se glisse un concerto, le Concerto pour violon n°3 en sol majeur, K. 216. Le chef sera aussi le soliste de ce concerto. Au départ, Roberto est violoniste et c’est petit à petit qu’il est passé au joué-dirigé et qu’il est maintenant, toujours violoniste, mais aussi chef d’orchestre à part entière. Il fut premier violon de l’Accademia Santa Cecilia de Rome et s’apprête à prendre la direction de l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg.
La première symphonie fut composée en Angleterre, pays abordé après Paris, à partir d’avril 1764 et où Léopold restera avec sa fille Nannerl et Wolfgang pendant seize mois. Le petit génie doit être promené partout et c’est donc à Londres qu’il va s’essayer à un nouveau genre de composition pour lui, la symphonie, mais il devra faire avec les instruments disponibles. Il a huit ans. Les éléments composés auraient été copiés, au mieux, par sa sœur Nannerl, et l’ensemble ne sera jamais, apparemment, repris par Wolfgang plus tard pour une quelconque modification.
Le Concerto qui suit sera donc interprété par Roberto González-Monjas en tant que soliste mais aussi chef de l’Orchestre du Capitole. Ce concerto est en trois mouvements : Allegro – Adagio – et Rondeau : Allegro-Andante-Allegretto-Tempo primo, sur une durée d’environ vingt-cinq minutes.
Si Mozart a composé vingt-trois concertos pour piano et orchestre avec des passages d’une grande virtuosité, plus d’autres pièces avec le piano présent, c’est bien que le clavier était son instrument préféré. Pourtant, il dût être un excellent violoniste puisqu’on peut rapporter l’anecdote suivante dixit un familier des Mozart : « Wolfgang, alors âgé de cinq ans, se mit à jouer du violon avec les autres sans avoir touché cet instrument auparavant ce qui émut aux larmes son père ! » Sa virtuosité au violon sera tout à fait confirmée plus tard de par les œuvres qu’il composera pour l’instrument. Fils et élève du meilleur pédagogue du siècle, Mozart occupe alors le pupitre de Konzertmeister de l’Orchestre de cour de Salzbourg de 1769 à 1777. Il est donc sûrement le premier à avoir joué ses propres œuvres concertantes.
Ce troisième concerto pour violon, le plus célèbre de tous, chef-d’œuvre de lyrisme tendre et intime, appartient aux cinq que Mozart composa en quelques mois de 1775, d’avril à décembre, et qui peuvent être considérés comme des chefs-d’œuvre du genre après ceux de J S. Bach. Rectificatif, le premier serait de 1773 !. Le jeune maître a dix-neuf ans et y déploie son génie à combiner les différents éléments apportés par son expérience et ses connaissances techniques. Par expérience, comprenons la familiarité avec la musique instrumentale de son époque et plus particulièrement avec les maîtres de la musique baroque italienne, et allemande. Par connaissance, nous nous appuyons sur la composition instrumentale de l’orchestre dont le modèle est le petit ensemble de cour de Salzbourg qui comprenait au maximum huit violons, trois altos, deux violoncelles, une contrebasse, deux hautbois et deux cors et le chef soliste au premier violon. Les musiciens, corvéables à merci, sont salariés du prince !
Chacun de cette série de concertos présente un certain progrès sur le précédent jusqu’à la perfection pour le dernier. On se pose la question du pourquoi de ces cinq concertos à ce moment-là. La rencontre avec un violoniste plus doué ? des obligations de composition pour les concerts de l’orchestre de cour ? il est évident que cet ensemble n’occupe finalement qu’une place, on dira ponctuelle dans l’ensemble de l’œuvre globale du compositeur.
Dans l’allegro du premier mouvement, d’une exceptionnelle richesse mélodique, les connaisseurs reconnaîtront peut-être sa parenté avec une sérénade “ il re Pastore“ écrite peu de temps auparavant. Quant à l’adagio qui suit, il est qualifié comme étant l’un des plus tendres jamais écrit par Wolfgang, un nocturne d’une indicible poésie tout frémissant, dans lequel tout concourt à en faire un moment rare. Quant au dernier mouvement, le rondeau constitue comme un pot-pourri à la française où la juxtaposition des trouvailles mélodiques est plus frappante que jamais. La dernière reprise du refrain s’envole dans les airs : hautbois et cors terminent seuls, avec légèreté, piano, et sans le moindre point final…
Quant à la Symphonie n° 41 en ut majeur, K. 551 “Jupiter“, elle est en quatre mouvements :
I. Allegro vivace
II. Andante cantabile
III. Menuetto : Allegretto – Trio
IV. Finale : Molto allegro
C’est la dernière. Elle fut écrite durant août 1788. C’est la plus grande et la plus complexe de ses symphonies, un des sommets absolus du genre. Elle fait partie des trois dernières qui resteront dans des tiroirs sans être exécutées de son vivant. Au problème posé par la « Grande Sol mineur » (n° 40) semble répondre la solution de la « Jupiter », grandiose et majestueuse comme le père des dieux. L’altière noblesse du caractère de la « Jupiter » célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres. Après le mi bémol de la méditation (n°39) et le sol mineur (n°40) de l’angoisse, vient l’ut contemporain majeur (n° 41) du triomphe. « Comme toutes ses images sont pures et claires ! […] On voit la façon dont le maître recueille d’abord son matériel séparément, puis examine comment en faire jaillir le tout, pour enfin construire et élaborer l’œuvre. Beethoven lui-même travaillait de cette manière, comme en attestent ses esquisses. » J. Brahms
De son vivant, Mozart n’aura jamais la joie de les diriger, ni même d’entendre comment elles sonnent. Mais, cette thèse selon laquelle elles n’auraient pas été interprétées du vivant du musicien est aujourd’hui discréditée : il est probable qu’il les ait composées en vue d’une tournée en Angleterre qui n’a pas eu lieu et qu’il les ait dirigées en Allemagne en 1790 et 1791. Sachons qu’en 1788, Mozart touche certainement au comble de la détresse. Et son père est décédé l’année passée. L’alignement favorable des planètes ne le concerne pas. En un mot, la famille de Wolfgang Mozart est dans la “dèche“, et sa popularité est depuis quelque temps battue en brèche. En ce temps-là, c’est au compositeur d’organiser des concerts pour faire connaître ses créations, et c’est de plus en plus difficile. Et Vienne, et Salzbourg et d’autres villes ont un public de plus en plus sensible aux musiques plus faciles venues des provinces italiennes, Si les œuvres de Mozart deviennent plus denses, elles fatiguent et déroutent le public. En un mot, une désaffection du public, qui entraîne des dettes, des soucis ménagers, une forme de misère, telle est la toile de fond de ces trois dernières symphonies. Et, pourquoi “Jupiter“ ? Un tel sous-titre n’est cependant pas de Mozart mais serait apparu quarante ans plus tard. Il serait de l’organisateur de concerts et violoniste allemand Johann Peter Salomon et sort de l’ombre pour la première fois lors d’un concert en Écosse à Edimbourg en 1819 puis lors de concerts londoniens courant 1820.
Prochain article sur un début du mois de mars consacré toujours à Mozart sur la journée du samedi 2 et le mercredi 6. Se prémunir du Vivace ! n° 18.
Orchestre national du Capitole