janvier – début février 2024
Ayant vu en un mois une dizaine de spectacles et de concerts dans différentes salles toulousaines, je vous livre ici une chronique globale de ce périple amoureux …. Et j’ai décidé d’y incorporer quelques uns des spectacles proposés par Odyssud….En effet, comme beaucoup le savent, j’ai dirigé cette belle salle jusqu’en 2022 et j’ai programmé l’actuelle saison 23 24 qui se déroule hors les murs, étant donné la fermeture pour travaux de la grande salle . Je m’étais donc interdit de faire la critique des spectacles d’Odyssud, étant à la fois juge et partie…D’ou l’idée d’écrire la présente chronique, qui n’est donc pas à proprement parler une critique, mais plutôt un amoureux passage en revue par un passionné du spectacle vivant….
Premier rendez vous de 2024 avec FIQ, un spectacle circassien venu du Maroc qui a mis la pêche, présenté du 11 au 14 janvier par Odyssud au Théâtre de la Cité : une énergie incroyable dans une ambiance joyeuse et colorée qui mélange la tradition marocaine des portés acrobatiques avec des disciplines plus contemporaines et urbaines (foot freestyle, sketchs, breakdance, dj,….) . Le tout pour un message engagé, porté par ces 15 jeunes artistes du Groupe Acrobatique de Tanger : FIQ signifie « Réveille toi ! ». Un spectacle salué par une standing ovation d’un public ébloui .
Le 14 janvier à l’Aria de Cornebarrieu, Odyssud présentait Les Goguettes, réjouissant spectacle humoristique et musical signé par quatre artistes issus du café-concert, qui dépoussièrent avec beaucoup de talent le genre des chansonniers. Un tour de chant espiègle et caustique qui moque les travers de notre société et de notre classe politique….
Le 21 janvier était donné dans une église Saint Exupère bondée par l’Ensemble Baroque de Toulouse une nouvelle Cantate sans filet: un projet fou commencé voici 15 ans consistant à donner l’intégrale des 200 cantates de Bach en ….30 ans, à raison d’un dimanche après midi par mois : le public assiste gratuitement à l’unique répétition puis à l’interprétation d’une cantate de JS Bach (en l’occurence la cantate BWV 149), répétition émaillée d’une présentation à la fois brève, érudite et souvent pleine d’humour de chaque air par Michel Brun . Un moment toujours aussi stimulant et chaleureux, sachant que la cantate BWV 100 sera donnée le dimanche 3 mars à la Halle aux Grains, avis aux amateurs !
Le 24 janvier, Odyssud présentait à la Halle aux Grains le talentueux et astucieux humoriste Verino, quadra décontracté qui nous raconte quelques tranches de sa propre vie et des contradictions de notre société, le tout avec perspicacité et sur un ton finalement assez bienveillant et optimiste; un ton qui nous change du cynisme et de la morosité ambiante….
Le 25 janvier, première des quatre représentations à l’Opéra National du Capitole de l’un des chefs d’oeuvre de l’histoire de l’opéra, la sublime et rare « Femme sans ombre » de Richard Strauss sur un livret d’Hugo von Hofmannsthal. Réussite totale pour cette production portée par une distribution vocale époustouflante et un Orchestre du Capitole dans ses grands jours. Oeuvre complexe créée à Vienne en 1919, au riche message philosophique, et musique exigeant des interprètes un niveau technique et artistique très élevé….ainsi qu’une endurance hors norme (3 heures de musique !). La scénographie de cette production signée Nicolas Joel impressionne toujours tandis que, seul petit bémol, le jeu d’acteur est parfois bien prosaïque, notamment dans la scène finale par ailleurs éblouissante musicalement….
Le 30 janvier à la Cinémathèque de Toulouse, un étonnant ciné-concert : Madame Dubarry, film muet de 1919 du grand réalisateur allemand Ernst Lubitsch , accompagné en direct au piano à quatre mains par les deux excellents pianistes que sont Michel Lehmann et Florence Mouchet, tous deux professeurs de musicologie à l’Université Jean Jaurès . Pour accompagner ce film historique en costume ils ont conçu avec leurs étudiants un accompagnement subtil, puisant dans le grand répertoire du 18° siècle, avec notamment de nombreuses transcriptions de concertos pour clavier de Bach et des oeuvres de Mozart et Haendel….Ces merveilleuses musiques conjuguées à l’expressionnisme du jeu des acteurs fait naître une oeuvre nouvelle à fort impact émotionnel …Une expérience aussi marquante qu’originale !
Le 31 janvier, à la Halle aux Grains, Odyssud et le festival « Détours de chant » présentaient en commun la grande chanteuse toulousaine Juliette dans son dernier opus, entourée de quatre musiciens complices. La présence, le talent, la gouaille, la poésie et la voix de Juliette, toujours aussi magnifique, étaient au rendez vous pour ces chaleureuses retrouvailles avec son public toulousain.
Les 3 et 4 février, présenté par Odyssud dans une Halle aux Grains bondée (2 x 1 800 spectateurs), le retour réjouissant de Ali Baba et les 40 batteurs. Oui, vous avez bien lu, 40 batteurs, et donc 40 batteries sur scène ! Cette production originale et 100 % toulousaine, imaginée par le batteur, chef d’orchestre et compositeur Daniel Dumoulin et par Philippe Couret avait déjà mis le feu à Odyssud lors de 3 séries de représentations au cours des dernières années. Elle est revenue ici dans un 4° opus intitulé Get up : toujours aussi inventif, toujours aussi épatant ! Du rythme, beaucoup de rythme bien sûr, mais aussi de l’humour avec un comédien déjanté, du chant, de la danse, et surtout une composition créative utilisant toutes les ressources d’un orchestre géant de 40 batteurs : spatialisation, déambulations, passages immersifs, interactions avec le public,…Ovation de la salle pour couronner cet éblouissant et energisant tour de force !
Et enfin le 8 février, le grand guitariste Thibault Cauvin donnait son dernier récital solo dans le cadre idéal de la Salle Nougaro. Un récital inspiré de musiques du monde entier que l’artiste a parcouru pendant 20 ans avec sa guitare. L’artiste présentait avec simplicité l’histoire de la composition de chacun de ses morceaux, dont certains sont des sommets de virtuosité et des défis techniques incroyables. Public conquis, constitué d’aficionado et de guitaristes admiratifs …..Dommage toutefois que l’amplification soit à mon goût trop forte, ce qui nous prive de la résonance naturelle de l’instrument, mais c’est là un choix pleinement assumé par l’artiste.
Alors oui, cette chronique illustre bien que le label «Toulouse ville des musiques » délivré en 2023 par l’Unesco n’est pas usurpé …