Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Les Vacances de Monsieur Hulot de Jacques Tati
Deuxième long métrage de Jacques Tati, Les Vacances de Monsieur Hulot est l’œuvre son œuvre la plus lumineuse et joyeuse. Même si la mélancolie affleure par petites touches, elle est ici distillée par le sentiment du temps qui passe, mais ne trempe pas dans l’effroi face à une modernité conquérante qui imprègne ses autres films. Ici, les faux-semblants et les quiproquos sont d’abord poétiques et ne traduisent pas l’intrusion d’un environnement artificiel dictant leur conduite aux individus (comme la maison Arpel de Mon Oncle, l’aéroport, les bureaux ou le restaurant de Play Time).
À l’exception du ballet des touristes à la gare dans la scène d’ouverture, le film se déroule d’ailleurs essentiellement en pleine nature et à l’air libre, au sein d’une petite station balnéaire de la côte atlantique. C’est le royaume de l’enfance que célèbre Tati à travers ce personnage qu’il met en scène et interprète pour la première fois. Monsieur Hulot, célibataire dégingandé et maladroit, est une sorte de gamin qui aurait grandi trop vite et qui provoque des catastrophes (petites) sans le vouloir.
Art du détournement
Anarchiste malgré lui, notre homme va troubler de façon plus ou moins désagréable les occupations des autres vacanciers par sa guimbarde pétaradante, son curieux service au tennis ou un feu d’artifice nocturne… Poursuivant l’une des roues de sa voiture, il va même réussir à s’inviter à des obsèques où il recevra les condoléances de l’assistance en dépit d’un fou rire irrépressible. Bref, Hulot ne peut rentrer dans la norme et sa faculté à enchaîner les bourdes peut sembler suspecte. Son déguisement de pirate marque-t-il seulement le temps des vacances ou souligne-t-il le tempérament volontiers flibustier du personnage ? Le coup de pied aux fesses qu’il assène à ce qu’il croit être un voyeur est-il vraiment dû à une erreur de perspective ou est-il le réflexe d’un galopin ? Chacun tranchera.
Tout cela est mis en scène avec une invention et une fluidité exceptionnelles. Jacques Tati bannit quasiment les dialogues (le phénomène s’accentuera de film en film) au profit de la créativité visuelle et sonore. Grincements, sifflements, explosions, onomatopées et autres bruits divers accompagnent les images pour en révéler ou en détourner le sens. On pourrait citer mille et une trouvailles, telle la scène où le canoë se referme sur Monsieur Hulot en donnant l’impression depuis la plage qu’un requin rode (Tati tourna et ajouta cette scène en 1978 en clin d’œil aux Dents de la mer). Ce cinéma extrêmement complexe dans sa composition et son élaboration respire pourtant le naturel tout en distillant chez le spectateur une joie indélébile.
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