La soirée s’intitule Feux d’artifice. Les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse sont dans la fosse, dirigés, tout comme le plateau, par le chef Philippe Béran. Le Ballet de l’Opéra national du Capitole est à la fête pour huit représentations chacune de trois ballets avec trois chorégraphes de réputation mondiale.
Honneur au plus ancien des trois artistes avec ce ballet Suite en blanc entré au répertoire du Ballet du Capitole en octobre 2019. Au sujet de Serge Lifar, le rénovateur du ballet français, Serge de Diaghilev s’était écrié en le découvrant à 18 ans en 1923 : « S’il ne meurt pas, il va fleurir brillamment. », disant du jeune homme, au corps de statue antique, et aux “mains parlantes“ « il danse comme il respire, sans le moindre effort, tout en s’amusant… ».
D’un côté, Serge Lifar, né à Kiev en 1905, qui va fuir son pays, l’Ukraine et sa tourmente révolutionnaire, pour rejoindre Serge de Diaghilev à Monte-Carlo en 1923, intégrer sa troupe, subir la tyrannie d’un maître qui va le guider vers les sommets de la danse, tout en éprouvant une passion dévorante pour son talentueux “protégé“.
De l’autre, un jeune, pétri d’admiration pour son protecteur et formateur et qui, après avoir partagé un pan de sa vie, toute passion retombée, sera là lors de ses derniers instants, les vivant entièrement, présent dans les derniers soubresauts et soupirs, un Serge Lifar qui assurera, comme on dit, la toilette du mort, fera le nécessaire pour faire prendre le masque du mort, s’occupera des derniers instants jusqu’au cimetière dans l’île de Saint-Michel au large de la Place Saint-Marc, où Serge de Diaghilev repose depuis le 20 août 1929. Auparavant, Serge Lifar avait pris part à la dernière représentation des Ballets Russes à Vichy le 4 août 1929.
On retrouvera alors le jeune prodige de la danse et futur choréauteur prolifique, à l’Opéra de Paris dès 1930 en tant que Premier danseur et Maître de ballet, jusqu’au clash de 1958. Entre temps, trois années se seront passées à Monte-Carlo de 1944 à 1947, histoire de se faire momentanément oublier.
Sur une musique d’Édouard Lalo, tirée de Namouna, la Suite en blanc qui nous occupe ici fut réglée en 1943, et resta longtemps l’un des ballets de son chorégraphe les plus aimés du public. À la base, Namouna est un ballet monté à l’Opéra de Paris en 1882 et qui resta longtemps au répertoire. Serge Lifar ne préféra pas le reconstituer et composa une œuvre personnelle, sans références aucunes. Version simplifiée de la riche partition de Lalo, huit études chorégraphiques sont les plus beaux fragments du ballet originel, mais elles sont dépourvues de tout lien d’action. Aucun livret, aucun scénario ne réunit ces numéros dansants destinés uniquement à mettre en valeur les qualités techniques de chaque membre du Corps de Ballet.
Suite en blanc est une composition de danse pure, de “la danse pour de la danse“, avec une scène jamais vide, comme une sorte de mouvement perpétuel occupant l’espace. On a pu lire encore que Suite en blanc était en somme le dictionnaire de la danse académique de 1943, une sorte de bilan de l’évolution technique de la danse, dressé par Serge Lifar, à ce moment-là. Ce ballet n’est ici, qu’une cascade de pas éblouissants, d’enchaînements ingénieusement combinés, aux lignes droites, courbes, allongées, ne laissant pas une minute de distraction aux spectateurs.
Sechs Tänze (Six danses)
La création de ce ballet remonte à octobre 1986 à Amsterdam. Son entrée au répertoire du Corps de Ballet du Capitole eut lieu le 12 avril 2008. Jirí Kylián en était le chorégraphe mais aussi le responsable et créateur des décors et costumes et lumières ne laissant que la musique à un certain Wolfgang Amadeus Mozart. On ne peut passer sous silence que l’artiste a sa carrière intimement liée à celle du Nederland dans Theater de La Haye dont il a fait pendant 34 ans l’une des meilleures compagnies au monde de danse. « C’est dans la technique classique, dans la modern dance américaine, dans la danse populaire, dans le mouvement naturel qu’il puise son style inimitable tout de fluidité et empreint de poésie, d’onirisme, d’épure, d’images fulgurantes et, chose rarissime dans la danse, d’humour, parfois très grinçant. » Carole Teulet
The Concert
Entrée au répertoire pour ce ballet créé par le New York City Ballet le 6 mars 1956 et chorégraphié par Jerome Robbins sur une musique de Frédéric Chopin. Au piano, nous aurons Yannaël Quenel. Le rideau de scène est une réalisation de Saul Steinberg. Les costumes sont d’Irene Sharaff. Et les lumières de Jennifer Tipton. Bien sûr, le nom de Jerome Robbins est intimement lié à celui de West Side Story ( 26 septembre 1957 au Winter Garden Theatre de N.Y.) puisque le chorégraphe de ce monument c’est lui, alors danseur, chorégraphe et metteur en scène. On se plaît à rappeler que c’est à l’instigation d’un certain Montgomery Clift que le projet fait irruption dans le cerveau de Jerome Robbins en train de relire le Romeo et Juliette de Shakespeare. Il va réussir à convaincre Bernstein et le librettiste Laurentz d’adapter le fameux roman en comédie musicale. Sondheim et ses lyrics viendront après.
Né en 1918 à New-York au sein d’une famille de juifs russes émigrés au moment de la Révolution d’octobre. Sa carrière est liée à Leonard Bernstein pour ce célébrissime et définitif musical mais avant encore à cette partition de Fancy Free que les fans connaissent par cœur (voir les trois marins en folie……). Perfectionniste obsessionnel, il laisse derrière lui un répertoire majeur bien qu’il n’ait composé qu’une soixantaines de pièces ou ballets ou comédies musicales. Comme un Serge Lifar, 25 ans après sa disparition en 1998, son nom ne quitte pas les affiches. « Son style se caractérise par une extrême musicalité, une grande fluidité de mouvement, des portés souvent périlleux, beaucoup de raffinement, d’élégance et de naturel. » Carole Teulet
On n’oublie pas que chaque spectacle de ballet au Capitole se complète par Conférence, carnet de danse, Cours public, et Atelier danse – voir dates et heures !!