Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
A Touch of Zen de King Hu
Couronné par le grand prix de la Commission Supérieure Technique qui lui fut attribué au Festival de Cannes en 1975, le film taïwanais du réalisateur chinois – sorti en deux parties en 1970 et 1971 à Taïwan, et en 1971 à Hong Kong – fit connaître un autre visage du cinéma asiatique au grand public, particulièrement en Occident. Entre les œuvres des grands maîtres japonais (Kurosawa, Mizoguchi, Ozu…) et les films de kung-fu de Bruce Lee, on découvrit ainsi le wu xia pian (film de sabre historique) produit en Chine puis à Hong Kong, genre que King Hu appréhenda en 1966 avec L’Hirondelle d’or. Projet encore plus ambitieux, dont le tournage s’étala sur trois ans, A Touch of Zen met en scène sous la dynastie Ming la traque, par la police politique du grand eunuque Weï et la garde impériale, d’une jeune femme, Yang Huizhen, dont le père a été assassiné par le pouvoir. Réfugiée dans une citadelle abandonnée à la frontière entre la Chine et la Mongolie, celle-ci, escortée par deux généraux, va être épaulée par Gu Shengzai, un jeune lettré qui s’éprend d’elle, puis par un moine bouddhiste et ses compagnons…
La première heure (sur les trois que compte le film), dénuée du moindre combat, expose par petites touches l’intrigue et les personnages dont le rôle comme l’identité sont parfois flous. Le mystère et la lenteur dominent jusqu’à ce qu’un flashback éclaire les enjeux. Débute alors une course-poursuite au fil des saisons et des paysages dont la variété (ville, forêts, montagnes, désert) accompagnera le cheminement de Yang Huizhen et de Gu Shengzai.
Combats volants
Faisant de la nature et des éléments plus qu’un simple décor, mais un cadre participant à la dynamique du récit et à son sens, King Hu utilise de longs mouvements panoramiques, privilégie la puissance d’évocation de l’image aux dialogues. Si la ruse et la stratégie sont les armes de Gu Shengzai, c’est Yang Huizhen qui incarne la force physique grâce en premier lieu à son maniement du sabre. A Touch of Zen propose ainsi des scènes de combats défiant l’apesanteur et les lois de la gravité et transformant la forêt de bambous en théâtre de duels – codes que le public occidental découvrira réellement dans les années 2000 avec des films tels que Matrix des Wachowski, Tigre et Dragon d’Ang Lee (films dont les combats sont l’œuvre du chorégraphe et cinéaste Yuen Woo-ping, réalisateur entre autres du formidable Tai-Chi Master) ou Le Secret des poignards volants de Zhang Yimou.
Au-delà de ses séquences d’action, A Touch of Zen se distingue par la variété de ses inspirations et de son esthétique, à l’instar de la scène finale aux accents psychédéliques ouvrant la voie à la spiritualité bouddhiste. Œuvre inclassable, épique et romantique, déroutante et éblouissante, le film de King Hu n’a rien perdu de son étrange pouvoir de fascination.
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