Killers of the flower moon
un film de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio, Robert de Niro, Lily Gladstone, Jesse Plemons etc.
Dans les années 1920, plusieurs membres de la tribu amérindienne des Osages en Oklahoma sont assassinés après que l’on eut trouvé du pétrole sur leurs terres, au point que le FBI mènera l’une de ses premières ‘enquêtes sur cette réserve. Un récit sombre qui s’ancre dans des faits bien réels, documentés dans le livre de David Grann La Note américaine, paru en 2017 et ayant inspiré ce long-métrage qui est sorti le 20 octobre aux États-Unis, deux jours plus tôt en France. Et peu importe sa durée de 3h20, que le réalisateur compare à celles du spectacle vivant, au théâtre par exemple, et l’on pense effectivement aux tragédies antiques. Si le film est plus long que la moyenne compte tenu de cette dramaturgie, on ne voit pas le temps passer !
Par ailleurs, il faut souligner que le réalisateur italo-américain, qui s’est immergé pendant plusieurs mois sur la réserve osage, accueilli par le gouvernement tribal et les habitants, a reconstitué fidèlement les cérémonies spirituelles de ces Amérindiens, et même leur vision de l’au-delà dans une scène onirique et haute en couleurs. Les dernières images d’une danse traditionnelle en costumes chatoyants au son du tambour nous entraine dans un tourbillon qu’on a du mal à oublier.
On ne présente plus ce cinéaste, ni De Niro, son vieux complice (dans un rôle machiavélique), ni DiCaprio, son jeune complice (dans un rôle de niais à la limite de l’autisme), par contre on connaît moins en France (mais cela ne saurait tarder) Lily Gladstone, cette belle actrice « dont la grand-mère a connu l’époque des tipis », comme elle le dit elle-même: amérindienne Blackfoot du Montana, elle a grandi dans cette réserve dont on a beaucoup parlé aussi pour de nombreux évènements tragiques et des luttes héroïques de résistance. Elle s’est d’abord consacrée à la danse avec Maria Tallchief, la 1ère amérindienne, d’origine osage justement, à connaître la célébrité en tant que danseuse-étoile, pédagogue et directrice de ballet américaine. Après des débuts au cinéma où elle fut repérée entre autres par Benicio Del Toro, -dans le film de Jimmy P. (Psychotherapy of a Plains Indian) d’Arnaud Desplechin-, qui lui a confié: « vous êtes une actrice née, vous avez ça dans le sang », Lily Gladstone, suite à la crise du COVID, comme beaucoup de comédiens, a rencontré des difficultés et failli abandonner sa carrière pour se reconvertir, quand elle a été choisie par Scorsese pour le personnage féminin principal de son film, et se retrouve à 37 ans en lice pour les prochains Oscars; si le Grand Esprit n’y est pas pour quelque chose…
Killers of the flower moon, littéralement Tueurs de la fleur de lune, un titre très poétique pour des faits divers horribles largement occultés dans les livres d’histoire, comme tout ce qui a longtemps concerné les Amérindiens depuis l’arrivée de Christophe Colomb et la Conquête de l’Ouest, tant la culture de ces Natives Americans était à l’opposé du capitalisme importé d’Europe, et tant il était évident pour les colons qu’il fallait s’en débarrasser par tous les moyens pour les spolier de leurs terres.
La reconstitution historique est superbe, le contexte social de l’époque où les Amérindiens étaient considérés comme des mineurs -les femmes en particulier bien sûr, ne pouvant disposer de leurs biens que sous la tutelle de maris débauchés ou d’hommes de loi véreux et âpres au gain-, parfaitement restitué, les acteurs et actrices sont au diapason de la magnifique réalisation, ainsi que la musique superbe composée en partie de vieux Blues et jazz et en partie de compositions du trop discret guitariste Robbie Robertson (1943-2023), connu par sa participation au groupe de rock canadien, The Band, qui a longtemps accompagné Bob Dylan.
Osage Oil Boom
Scorsese s’est amusé à dire que « c’était son premier western », mais son film raconte sans fard une part méconnue de l’Histoire des USA, loin de l’image d’Épinal, et avec des résonances occitanes qu’il n’avait pas prévues. Il a très bien expliqué sa démarche, par exemple dans l’entretien accordé à Télérama du 14 au 20 octobre, et l’on a été agréablement surpris qu’il soit tout-à-fait, même involontairement, dans l’esprit d’Oklahoma-Occitània, l’association montalbanaise de relations amicales avec la nation Osage d’Oklahoma, dont je vous ai déjà parlé sur Culture 31, fondée par Monique et Jean-Claude Drouilhet (1934-2023).
Ce dernier vient hélas de décéder après avoir vu se réaliser l’un de ses rêves les plus chers, la notoriété mondiale de ses chers Osages (même si c’est avec l’évocation d’un pan tragique de leur histoire).
C’est l’occasion pour moi de lui adresser, avec tristesse, un petit hommage bien mérité:
ELEGIE POUR JEAN-CLAUDE DROUILHET
Merci Jean-Claude
Nous te sommes reconnaissants
Pour toutes les belles choses
Que nous avons vécues ensemble
Pour les folles années d’Oklahoma-Occitània
Pour tout ce que tu nous as fait découvrir
Avec Monique ta chère moitié
Pour l’amitié entre les Osages
Et les Occitans
Entre Montauban
Et Pawhuska
Le grand Vent Serpent a rompu tes amarres
Il t’a emporté comme la feuille dans la grande rivière.
Ecoutons son chant qui donne la vie
Son chant du grand âge
Son chant des eaux vives
Son chant des semences sacrées
Son chant de la terre féconde
Son chant t’a pénétré
Il t’a donné un grand cœur d’ours !
Un grand cœur de cheval !
Un grand cœur de bison !
Un grand cœur d’aigle !
Peut-être nous chante-t-il pour toi
Ce poème qu’on dit amérindien
Quand je ne serai plus là
Laissez-moi partir
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer
Je ne serai pas là
Je ne dormirai pas
Je suis la nouvelle étoile qui a brillé dans la nuit
Je suis les treize vents qui soufflent sur l’Occitanie
Je suis le scintillement des cristaux de neige sur les Pyrénées
Je suis la lumière qui irradie les champs du Tarn-et-Garonne
Je suis le chant des oiseaux au matin sur l’île de la Pissote
Je suis la douce pluie d’automne sur les tuiles roses de Montauban.
Au revoir et merci Jean-Claude.
Pour en savoir plus : Oklahoma Occitania