Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Cendres et diamant d’Andrzej Wajda
Troisième long-métrage du cinéaste qui fut la figure de proue du renouveau du cinéma polonais dans les années 1950, Cendres et diamant prolonge l’entreprise d’Andrzej Wajda attaché alors à peindre la Pologne durant la Seconde Guerre. Nous sommes le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie vient de capituler, mais des combats continuent, opposant communistes et nationalistes. L’un de ces derniers, Maciek, a reçu l’ordre d’abattre le responsable du Parti dans une petite ville, mais se trompant de cible il abat des innocents. L’opération doit cependant être menée à son terme et, en attendant le moment propice, le jeune homme va rencontrer une serveuse lui faisant entrevoir la possibilité de changer de vie.
Sorti en 1958, Cendres et diamant dresse le portrait d’un pays déchiré où la fin de la guerre ne marque pas celle de la violence. Rompant avec les récits lénifiants chers au réalisme socialiste, le film baigne dans un climat crépusculaire, désabusé, aux frontières du nihilisme. Quelles que soient les générations, les convictions ou les statuts, les personnages ne croient pas aux lendemains qui chantent. L’héroïsme semble déjà appartenir au passé ou à la légende. Seuls quelques profiteurs et opportunistes sauront trouver leur place. Frondeur, en quête d’une liberté que lui interdit sa mission, Maciek, qui avec ses lunettes noires a un air de personnage de La Nouvelle Vague, rêve d’un ailleurs.
Monde sans repères
Sans laisser d’illusions quant à l’issue tragique du récit, Wajda alterne brillamment les tons : de la scène d’ouverture évoquant un film noir hollywoodien à des séquences de pure comédie en passant par la romance. Remarquablement cadré, photographié dans un superbe noir et blanc, Cendres et diamant décrit un monde sans repères, où plus rien n’est sacré, à l’instar d’une église dévastée dans laquelle un Christ est suspendu tête en bas.
S’il y a mille richesses dans ce film vénéré notamment par Martin Scorsese et Francis Ford Coppola, on n’oublie pas l’interprète de Maciek, formidable Zbigniew Cybulski souvent comparé à James Dean. La modernité de son jeu rend inoubliable ce personnage, figure touchante d’une innocence bafouée et sacrifiée. Au-delà de l’histoire contemporaine de la Pologne dont Wajda fut le courageux et talentueux sismographe, le cinéaste donna chair à des héros – ou des antihéros – aux destins universels.