Fermer les yeux, un film de Victor Erice
Vous ne connaissez pas, peut-être, ce réalisateur espagnol. A vrai dire il ne nous a proposé en un demi-siècle de carrière, que… 4 films ! Voici son dernier opus, celui d’un octogénaire se penchant avec sagesse et philosophie sur le cinéma.
La longue scène initiale, autant vous prévenir, nous envoie sur une fausse piste. Elle se passe en 1947 dans un château, à Triste-le-Roi. Dans un univers viscontien, un vieil homme (monumental Josep Maria Pou), attend un visiteur, dont nous apprendrons rapidement que cet homme est un anarchiste… Dès son arrivée, un serviteur chinois l’introduit. Le châtelain va lui confier une mission, celle de retrouver sa fille, laissée en Asie, à Shanghai. Saut temporel, nous voilà en 2012. C’est alors que nous faisons connaissance avec un cinéaste un peu sur le retour, Miguel. Aujourd’hui, il vit de traductions. Mais voilà, il a tourné un film, 22 ans avant, qu’il n’a jamais terminé pour la bonne raison que son héros, ou du moins l’acteur qui l’interprétait, un certain Julio, a disparu assez rapidement après le début du tournage. Il n’a jamais été retrouvé. Une célèbre émission de télévision qui s’intéresse aux affaires classées sans suite, a décidé de ressortir cette affaire du placard et demande la participation de Miguel, d’autant que Julio était un ami de longue date du réalisateur. Miguel accepte, un peu pour l’argent, beaucoup car cela remue chez lui un passé peuplé de fantômes dont il ne s’est jamais vraiment débarrassé. Il va demander à l’un de ses amis, véritable rat de cinémathèque et surtout collectionneur compulsif de bobines conservées précieusement dans les fameuses boites en fer, de retrouver les rushes de cette production inachevée.
Le film de Victor Erice, de près de trois heures, au rythme lent mais finalement fascinant, nous parle d’identité et de mémoire, de réel et d’illusion et, surtout de cinéma. C’est une lettre d’amour au 7e art, ou du moins à ce genre magnifié par Dreyer (cité dans le film) et qui, aujourd’hui, s’est enfui vers une autre destination dans un univers dominé par le numérique et la vitesse. Hommage ici à ces vieilles salles qui étaient alors de véritable sanctuaires d’un art nouveau, à ces monstrueux projecteurs devant lesquels défilaient ces photogrammes qui donnaient vie à nos rêves les plus fous. Un film nostalgique, certes, mais qui creuse in fine le pouvoir miraculeux du cinéma.
Il est porté par des acteurs épatants : Manolo Solo, José Maria Coronado, Ana Torrent, etc.
Un film pour cinéphile ? oui assurément mais pas que, ce serait dommage !