Après Niki de Saint-Phalle qui, dans une exposition retentissante, a captivé des dizaines de milliers de visiteurs, c’est une autre artiste, mais oui, UNE, qui a séduit un public d’abord étonné pour une grande majorité puis, séduit à tous égards. Derniers jours donc et clap de fin le 27 août. Place à un certain Alberto Giacometti dès l’automne, le 22 septembre.
Dans son exposition « Liliana Porter, le jeu du réel », l’artiste mêle œuvres historiques et travaux récents. Liliane Porter met en évidence une nouvelle généalogie d’artistes femmes qui ont redéfini les limites de l’art conceptuel et ont transformé la poésie de l’installation.
Elle explore différents médiums, gravure, peinture, sculpture, photographie, vidéo dans lesquels s’inscrit une recherche au long cours sur la perception de la réalité et les notions de temps et d’espace. Des travaux que vous avez pu découvrir ou découvrirez en passant de salle en salle. La première partie de l’exposition retrace ce parcours tout en proposant une relecture du contexte historique, artistique et social de cette période, à l’aune de l’engagement de Liliana Porter et de la communauté d’artistes dans laquelle elle évolue.
Mais c’est bien dans sa deuxième partie qu’elle nous interroge le plus avec sa nouvelle installation « Balayer ». Dressée au milieu de la nef du Musée des Abattoirs, elle interroge et amuse le spectateur dès son entrée dans la nef. Elle ne peut passer inaperçue. En effet
Sur deux tables allongées immenses, des centaines d’objets : des chaises aux petites figurines en plastique en passant par les instruments de musique et la porcelaine brisée sont déposés avec précision par l’artiste de 82 ans spécialement pour l’exposition. Présentes dans son art depuis une vingtaine d’années, ces saynètes sont réalisées à partir de figurines populaires et d’objets du folklore contemporain glanés dans les marchés aux puces et au cours de ses voyages, se déclinant aussi en peintures et en vidéos. Silencieux, le visiteur peut retomber en enfance et se remémorer des séquences vécues autrefois et “voir“ alors certaines de ces figurines prendre vie, s’animer. L’imaginaire est au rendez-vous.
Au sous-sol du Musée, avec Tabita Rezaire, dans une exposition baptisée “Fusion élémen.terre, nous sommes totalement dans un autre imaginaire. Dans sa première exposition monographique en France, la jeune artiste de Guyane présente un ensemble d’œuvres à la croisée des nouvelles technologies et des rituels ancestraux. Elle se termine aussi le 27 août.
Mais, d’autres salles sont occupées encore par un autre sujet en rapport direct avec Daniel Cordier, personnage définitivement associé au Musée les Abattoirs. Et ce, jusqu’au 21 janvier 2024. D’entrée, au vu du sujet, on remarque les qualités du travail d’exposition fournies.
Petit rappel : Depuis leur ouverture en 2000, les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse accueillent en dépôt permanent la collection de Daniel Cordier, donnée au Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou (Paris). Ancien secrétaire de Jean Moulin et Compagnon de la Libération, amateur d’art, Daniel Cordier fut également galeriste de 1956 à 1964, soit « huit ans d’agitation » – selon sa propre expression. Au cœur de cette période, il accueillit dans sa galerie, en 1959, la huitième Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme, « E.R.O.S. », célébrant l’érotisme. Aujourd’hui, les Abattoirs vous invitent à replonger dans l’histoire de cet événement.
Douze ans après « Le Surréalisme en 1947 » à la galerie Maeght, l’écrivain André Breton (1896-1966), auteur du Manifeste du surréalisme (1924), et l’artiste Marcel Duchamp (1887-1968), imaginent dans la galerie Cordier une nouvelle exposition collective du groupe, sténographiée par le graphiste et architecte Pierre Faucheux (1924-1999). Le mouvement, créé en 1924, a déjà fait l’objet de sept manifestations similaires, des expositions-événements, depuis celle de 1936 organisée aux New Burlington Galleries (Londres) et dans la lignée de celle de 1938 à la galerie des Beaux-Arts, à Paris.
Dans « E.R.O.S. », André Breton se défend de traiter l’amour charnel, pour mieux célébrer le « besoin fondamental de transgression » des surréalistes : à l’image de Cordier, eux aussi sont des agitateurs. Autour d’un ensemble d’œuvres historiques du groupe, d’autres inédites ou apparentées, « E.R.O.S. » est un labyrinthe investi par Friedrich Schröder-Sonnenstern, Robert Rauschenberg, Mimi Parent et bien d’autres compagnons de jeu. Accueilli par les effluves d’un parfum aux notes « sexuelles » et la diffusion de « soupirs amoureux », le public pénètre dans un labyrinthe tapissé de velours. Au sol, une épaisse couche de sable achève d’étouffer les bruits : dans ce qui reste l’une des premières expositions-happening, tout est fait pour désorienter le spectateur, de la « Forêt du sexe » au « Repaire », en passant par la « Crypte du fétichisme ».
Aux Abattoirs, le parcours de cette évocation de « E.R.O.S » à travers la collection de Daniel Cordier regroupe certains des artistes qui y furent présents, mais aussi des œuvres contemporaines qui réactualisent son propos. Sous l’égide d’Eros qui sert de fil rouge – ou rose – à la visite, les thématiques abordées explorent les différents ressorts de l’amour, de la sensualité, du fantasme, de la violence aussi.
Une première salle met le corps à l’honneur : aux côtés des Poupées de Hans Bellmer, l’évocation du Festin de Meret Oppenheim partage l’image d’un corps particulier, celui de la femme dans les représentations surréalistes.
Du corps, on glisse au vivant dans la seconde salle, au souffle de vie commun à l’Humain et à la Nature : l’union des deux produit des œuvres où le végétal et le charnel se confondent, à la manière de la grotte tapissée de rose créée dans la galerie Cordier.
L’Objet concentre dans une troisième salle l’intérêt que lui portent les membres du groupe, que ce soit dans leurs œuvres, à l’instar d’Alberto Giacometti, inventeur de « l’objet à fonctionnement symbolique », ou dans leur intérêt pour les naturalia.
Cordier est également un homme de lettres : dans une dernière salle, formes et matières se conjuguent au plaisir de la lecture. Surréalistes, poétesses, universitaires ont contribué dès l’après-guerre à écrire une histoire de la sexualité et de l’érotisme : aujourd’hui, sa relecture teinte la poétique des corps d’une coloration politique.
Cet accrochage fait écho à l’exposition « Le temps de Giacometti, 1946-1966 » qui sera présentée aux Abattoirs du 22 septembre 2023 au 21 janvier 2024 et co-organisée avec la Fondation Giacometti (Paris).
Pablo Volta, « Affiche de la Huitième exposition internationale du surréalisme à la galerie Daniel Cordier (1959-1960) », d’après l’œuvre de Mimi Parent, Masculin-Féminin, 1959, encre sur papier, collection particulière © Adagp, Paris, 2023 ; photo courtesy Succession Mimi Parent et Hôtel des Ventes de Lausanne D : Friedrich Schröder-Sonnenstern, « Der Moralische Universal Obermondkritiker », 1956, donation de M. Daniel Cordier au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne / Cci Paris, dépôt aux Abattoirs, crayons de couleur sur carton, 72,5 x 51 cm © Adagp, Paris, 2023 ; photo Centre Pompidou, MNAM-CCI/ Dist. RMN-GP