Alors que Toulouse somnole dans l’été écrasant de chaleur, les occasions ne manquent pas de se régaler les oreilles à une heure de voiture de la capitale régionale. Prenons pour exemple le festival ClassiCahors. Le vendredi 21 juillet, en concert d’ouverture, il recevait l’Orchestre National du Capitole dans un programme où Kurt Weill tient la vedette.
Nous sommes dans la salle cultuelle de La Prade, en banlieue de Cahors. Une salle sans fantaisie où tout est rectangle (bâtiment, scène et gradins) mais où l’acoustique très transparente et respectueuse des timbres permet d’entendre à la perfection chaque instrument, chaque nuance. Les pianissimi des cordes sont présents et les explosions des trombones un régal.
L’ONCT, dirigé par Roberto Forès Veses, a préparé un programme qu’il donne à Cahors ce soir, à Sorèze samedi soir et Lectoure dimanche soir, avec deux œuvres rarement entendues et un tube. Commençons par le célèbre premier concerto pour violoncelle de Saint-Saëns. Quelle splendeur ! Sarah Iancu mène la danse de la première à la dernière note, avec une maîtrise absolue de son instrument et du dialogue avec l’orchestre, qu’elle connaît bien. Saint-Saëns a écrit une œuvre exigeante pour le soliste : il est omniprésent, lance les thèmes, débute les mouvements, dialogue à tout moment, avec parfois des élans de virtuosité impressionnants. La balance avec l’orchestre est parfaite : un chef attentif, une Sarah Iancu rigoureuse, des pupitres équilibrés.
L’équipe de musiciens, heureuse de sa prestation, nous offre en rappel une Elégie de Fauré sublime de nuances, avec des soli de hautbois et de clarinette impressionnants. Et quelle finale… le son meurt doucement, dans un decrescendo impeccablement tenu par les cordes.
Glissons sur les Masques et Bergamasques, une suite de Gabriel Fauré, écrite en 1919 comme un « divertissement léger » inspiré de la Comedia dell’arte. Je garde un arrière-goût de maîtresse dans une cour d’école. Les cordes ne sont pas encore très unifiées en ce début de concert, les pupitres très exposés, le matériaux thématique plutôt faible… glissons donc.
Pour arriver à la grande surprise de la soirée : la deuxième symphonie de Kurt Weill. On connaît du compositeur allemand ses lieder, ses opéras, sa fructueuse collaboration avec le poète Bertolt Brecht dont le célèbre Opéra de quat’sous. Son expressionnisme atonal peut faire peur. Mais quand il écrivait cette symphonie en 1934, il était à Paris, en exil. Chassé par le régime nazi comme auteur d’une musique dégénérée. Alors, besoin de revenir aux fondamentaux ? Sa symphonie est tonale, mélodique, théâtrale.
Dès les premières notes, on est plongés dans un drame assez sombre, que vient trahir un swing surprenant. On assiste à une alternance d’unissons majestueux et de passage solistes déstructurés. Le deuxième mouvement, largo, avance comme un choral avec en son centre un incroyable solo de trombone sur tapis de pizzicati. Et toujours, ce rien d’indolence savoureux. L’allegro vivace final est dansant, sautillant, avec un rythme pointé que chaque pupitre, du piccolo aux timbales, mettra en avant. Roberto Forès Veses emmène son orchestre sans faillir, avec son geste en haut très clair.
La programmation de ClassiCahors réserve d’autres surprises. Dès ce samedi soir, une découverte qui s’annonce passionnante : le pianiste Etienne Rall dans un programme Chopin et Ravel.