Face aux grosses ONG qui bénéficient d’un fort impact médiatique et financier, voici le visage d’une petite structure toulousaine, au réseau national – Cultures du Cœur – indépendante en local comme les 34 associations présentes sur 50 territoires en France. Véritable fer de lance pour ses 114 structures adhérentes en Haute-Garonne, elle milite pour que la culture reste un champ de liberté et de lutte contre l’exclusion sociale.
L’association toulousaine Cultures du Coeur 31 intervient depuis plus de 20 ans auprès de structures culturelles partenaires, pour aider les personnes en situation d’exclusion et de précarité. Toute l’action de Cultures du Coeur réside dans la médiation et l’animation d’un réseau de partenaires. C’est un réseau national avec un site Internet sur lequel sont inscrites des offres gratuites, les bénévoles font la saisie des offres pour les structures de l’ensemble de la France. Si le vecteur est culturel, sa finalité est sociale.
Au-delà des valeurs républicaines de solidarité, d’inclusion et de mixité sociale que les membres portent avec vigueur, c’est le refus du droit à l’oubli d’une catégorie de population trop souvent mis au ban de la société qui est ici valorisée. Véronique Sicard, l’une des deux salariées de l’association est là depuis 2016. La médiation culturelle, elle connaît. C’est d’ailleurs elle qui gère les partenariats pour Cultures du Cœur 31. En ce moment, le problème n’est pas de rechercher de nouveaux adhérents mais de tisser des partenariats avec de nouveaux acteurs culturels et sportifs : « nous sommes deux salariées dans le quartier de Bellefontaine, Quartier prioritaire de la ville. On accueille 2 personnes en service civique qui montent des actions de médiation pendant 8 mois grâce au réseau national. Les jeunes occupent une place centrale de notre action : Cultures du Cœur accueille chaque année près de 60 jeunes en services civiques dans l’ensemble de son réseau. Actuellement à Toulouse, on manque de bénévoles intéressés pour nous rejoindre, jeunes ou séniors d’ailleurs. Il nous faudrait un 3e poste. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas couvrir toute la Haute-Garonne. »
La question de s’établir en milieu rural s’est déjà posée, avec cette contrainte de mobilité car les transports publics ne suivent pas et les familles précaires que soutiennent les adhérents partenaires ne viendraient pas à la culture, si cela impliquait en plus d’investir dans une voiture qu’elles ne peuvent pas nécessairement financer. La pauvreté oblige à réduire son périmètre géographique, tout devient compliqué et la culture n’est pas la priorité.
« Le problème essentiel du milieu rural, c’est la mobilité », confirme Véronique Sicard, « côté professionnel comme côté loisirs, si les personnes ne peuvent pas se déplacer, c’est très compliqué, les partenaires culturels sont également moins nombreux en milieu rural. Toulouse apparaît comme le plus évident pour l’impact de nos actions qui couvrent également la grande couronne. Certaines antennes comme le Gard et le Tarn et Garonne n’ont plus de salariés depuis le Covid. »
« La culture, vecteur de la lutte contre l’exclusion sociale »
Noémie Cénent est la responsable en charge de l’administratif, des subventions, quand Véronique Sicard agit plutôt sur les partenariats et la mise en place des opérations. L’association existe depuis 2001 grâce notamment aux emplois aidés. Elle compte à ce jour 114 structures adhérentes, 87 partenaires culturels et sportifs : « On s’adresse directement aux structures qui accompagnent les personnes en situation de précarité. » Beaucoup sont sans emploi, demandeurs d’asile, sans domicile fixe, d’autres salariés précaires ou en logement adapté. La plupart sont adultes mais on compte également un nombre croissant de séniors, ainsi que des enfants et adolescents pour 9% des bénéficiaires en 2021. Pour Martine Boehler, trésorière au bureau de Cultures du Coeur 31, « une vraie demande existe pour le public en situation de difficulté de santé mentale, et d’autres handicaps pas toujours visibles. Ces personnes sont de plus en plus nombreuses comme les traumatisés crâniens et on constate que la société a encore du mal à les inclure. »
Ainsi les structures sociales adhérentes sont à 40% dédiées à l’hébergement mais aussi au secteur socio-éducatif, à l’animation socio-culturelle de proximité, à l’insertion professionnelle, socio judiciaire, au secteur médico-social… A leur côté, le sport et la culture soit 53 établissements culturels : la Cinémathèque, la Cité de l’Espace, l’Envol des Pionniers, la Fondation Bemberg, La Grainerie, Les Grands Interprètes, Odyssud, le Museum de Toulouse, le Zénith, les centres culturels de la Mairie de Toulouse, le Théâtre du Grand Rond qui fait partie du Conseil d’Administration et 24 intervenants culturels et compagnies artistiques tels que : Combustible, Les Chemins Buissonniers, la compagnie Mattatoio Sospeso…
Les partenaires mettent ainsi à disposition des places gratuites pour des musées, cinémas, concerts ou théâtres et des actions de médiation culturelle. La Galerie du Château d’eau vient de rejoindre les rangs. « Nos partenaires sont visibles à travers leurs propositions, les référents peuvent réserver à l’avance pour leurs publics, d’autres peuvent réserver par groupes accompagnés comme La Cité de l’Espace. » Le répertoire « Sorties futées » liste les lieux accessibles gratuitement et est envoyé aux structures adhérentes.
Et Véronique Sicard d’ajouter que « dans un monde idéal, on ne devrait pas exister. Si nous n’avons pas de lien direct avec les Restos du Cœur, nous ciblons les mêmes publics. Les partenaires, c’est bien de les trouver, à condition de consolider le lien. Ce travail est nécessaire et passionnant. »
L’association nationale a mis en place un service en ligne. Cette plateforme de billetterie solidaire fait tourner environ 300 à 350 000 places par an. Elle est unique en France. 300 personnes ont ainsi bénéficié d’invitations au Festival d’Avignon en 2021. L’association a également mis en place un observatoire de la médiation culturelle dans le champ social.
« La culture est un support de tolérance »
Pour la trésorière de l’association, « l’équilibre entre l’offre et la demande est difficile. L’offre en musique classique par exemple est prise d’assaut par les usagers et les structures sociales ne peuvent pas réserver par manque de places, tandis que d’autres spectacles très intéressants dans d’autres lieux seront moins demandés que l’Opéra National du Capitole par exemple. Parmi les personnes en difficultés, beaucoup ne demandent qu’à écouter de la musique classique mais l’offre est clairement inférieure à la demande à Toulouse. La question de la gratuité à 100% est également compliquée pour les structures, chaque établissement a sa politique tarifaire. » L’ancienne directrice d’insertion par l’activité économique à Montauban estime que « la gratuité doit être associée à un accompagnement social plus global. Certaines personnes resteront à l’écart car elles n’osent pas du fait de leur situation sociale ou familiale et de leur sentiment d’exclusion. C’est plus difficile y compris pour ceux qui mériteraient de sortir et ne sont pas en règle… La structuration et le fonctionnement de l’Etat amènent à cette dispersion qui segmentent les catégories de personnes. Les travailleurs sociaux dénoncent cela depuis longtemps, car chaque intervenant social n’a pas de vision globale. Le système est en ce sens très clivant. Selon moi, la culture est un support de tolérance. »
Et de conclure : « Je suis en train d’aider une structure du Gard pour aller à Sète, ils n’ont jamais vu la mer… Quand on regarde quelqu’un sourire pour la première fois depuis des mois, ce n’est pas marqué dans les dossiers, il faut maintenir le minimum de cohésion sociale. Or certains élus regardent le problème de façon différente, pensent que trop d’argent est dépensé dans l’aide sociale mais il faut des contre exemples pour convaincre. L’accueil inconditionnel est notre principale mission. »
Cultures du Coeur 31
Pôle associatif Bastide, 3 Pl. de Tel Aviv, 31100 Toulouse
https://www.culturesducoeur.org/
Observatoire de médiation culturel dans le champ social
https://www.culturesducoeur.org/Observatoire/Index
Contact :
Noémie Cénent – Responsable administrative
Tél. : 09 53 65 32 31
Mail. : cdc31@culturesducoeur.org
Du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30 et de 14h à 17h