La campagne « CE QUE LA DEMOCRATIE DOIT AUX INDIENS D’AMERIQUE », initiée par l’association montalbanaise Oklahoma-Occitània, a commencé le 10 mai dernier par une conférence de presse qui en était le lancement public. Et elle a déjà reçu de très nombreuses signatures, de simples citoyens et sympathisants de l’association à des personnalités du monde scientifique comme de la culture. Il sera possible de la signer à l’automne lors de la sortie sur les écrans du film Killers of the Flower Moon réalisé par Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio, Robert De Niro
Quand je faisais mes études classiques, à la fin des années 60, on avait coutume de lire dans les manuels scolaires que la Démocratie, socle de notre civilisation occidentale, à savoir « le pouvoir du peuple » littéralement, (donc du plus grand nombre, en théorie), a été inventée par les Grecs ; et seulement par eux, ce qui me gênait quelque peu venant d’une société qui, au-delà de son immense richesse culturelle, avait institutionnalisé par ailleurs l’esclavage et la pédophilie. Et seulement par eux…
Le fondateur d’OK-OC, l’association montalbanaise de relation avec les Indiens d’Amérique ou Amérindiens ou Natives Americans, en particulier avec les Osages d’Oklahoma, Jean-Claude Drouilhet (1), et Madame Marie-Claude Strigler (2), docteur en civilisation américaine, maître de conférences honoraire à Paris III-Sorbonne nouvelle, viennent de jeter un pavé dans la mare de cette certitude.
De plus, ils mettent en avant qu’un apport très important, sinon essentiel, à la conceptualisation de ladite Démocratie telle que nous la connaissons vient des peuplades autochtones d’Amérique, que les conquistadors et les colons, parangons de la civilisation européenne, considéraient comme des « sauvages »; ce qui risque de faire grincer les dents de certains.
Il faut quand même rappeler que les Hommes Rouges, (comme les militants de l’American Indian Movement s’appelaient eux-mêmes, non sans dérision, par opposition aux Hommes Blancs), vivant en harmonie avec notre Mère la Terre bien avant le débarquement des « explorateurs », ont bien failli être génocidés jusqu’au dernier par des conquérants sans foi ni loi assoiffés d’or et de terres, suivis par des colons fuyant la misère en Europe et prêts à tout pour se faire une place au soleil, appuyés par une armée au service du gouvernement de ce qui est devenu une fédération composée de 50 États au début du XXe siècle, considérée comme la plus riche de la planète, ayant érigé le Veau d’or en divinité absolue, ne reculant pas devant des tentations totalitaires ( comme beaucoup d’États) et n’hésitant pas pour cela à éliminer les plus faibles, à commencer par les minorités ethniques, allant même jusqu’à la stérilisation forcée des femmes sur les réserves insalubres où ont été parqués les vaincus des « guerres indiennes ».
Les premiers Westerns, ces films à la gloire des conquérants, où les Amérindiens étaient représentés comme des barbares assoiffés de sang ou de pauvres hères, n’ont pas réussi à occulter la véritable Histoire : l’avancée systématique d’une des plus atroces machines à faucher des hommes, les soldats bleus, leurs fusils à répétition et leurs mitrailleuses lourdes, les pactes félons et les traités injustes, les exodes, les révoltes désespérées, l’extinction programmée, la déchéance des réserves, les maladies, les loques, le génocide organisé au nom de la supériorité de l’Homme Blanc, au nom de Dieu. Pauvres grands oiseaux déplumés!
Dès que j’ai découvert leur existence à travers des romans d’aventure forcément réducteurs, comme Winnetou de Karl May, je me suis mis à lire tout ce qui me tombait sous la main.
Fasciné inconsciemment par ces Fils de la Terre et leur cosmogonie, je ne pouvais oublier leur courage désespéré et leur grandeur d’âme, lisible dans les poèmes transmis par la tradition orale. Comment ne pas éprouver de l’empathie ? Je n’aimais pas jouer à la guerre, mais si les copains insistaient, j’étais du côté des Indiens, sans hésitation.
Le hasard, ou peut-être le Grand Esprit, ont voulu que ces Natives Americans, passés de 30 millions avant l’arrivée de Colomb à 250.000 à la fin du XIX° siècle, ne disparaissent pas complètement : des peintres admiratifs comme Charles Bodmer (1809-1893) qui accompagna avec ses carnets de croquis le Prince Maximilien de Habsbourg, ethnologue, sur le Missouri en 1866, des photographes infatigables comme Edward Sheriff Curtis (1868-1952) qui y consacra la majeure partie de sa vie, des auditeurs fraternels, une poignée en tout, nous ont transmis des témoignages qui serrent le cœur, criant leur souffrance physique mais surtout spirituelle, et leur incroyable beauté. J’étais sidéré par la majesté hiératique des files de cavaliers droits sur l’horizon, alerté par les prophéties prémonitoires de ceux qui disaient : « Prends à la rivière le poisson dont tu as besoin, à la forêt les fruits dont tu as besoin, au troupeau de bisons son surcroit. La Terre sera riche et toi aussi. »
Ils nous ont laissé de nombreux signes de pistes : ce n’est pas un hasard si Léo Ferré a écrit que « L’Imaginaire est un Indien dans sa réserve ». S’intéresser à la culture des Amérindiens, c’est ouvrir l’un des patrimoines culturels les plus riches de l’humanité, d’autant qu’il a été longtemps occulté. Comme l’écrivait Hubert Comte dans son recueil Chants Peaux-Rouges, les images et les mots que nous ont légués les Indiens des Plaines sont omniprésents dans notre mémoire : « calumet, plumes d’aigles, cavaliers, mocassins, tipis, bisons, wigwam, les pistes qui parlent, les signaux de fumées, teints cuivrés, yeux d’obsidienne, arêtes des nez, visages impassibles, Nuage Rouge, Cheval Fou, Taureau Assis, Sitting Bull…»
De son vrai nom Tȟatȟáŋka Íyotake !
Georges Catlin, dessinateur fasciné, affirmait contre la doxa majoritaire : « J’aime ce peuple qui m’a toujours accueilli avec bienveillance, peuple honnête sans la contrainte des lois, qui ignore les prisons et ne connait pas la mendicité, adore Dieu et n’a d’autre Bible que la nature. Et j’ai la certitude que Dieu aime ces hommes que nulle animosité religieuse n’effleure, qui n’ont jamais levé la main sur moi, l’étranger, qui ne m’ont jamais rien dérobé et qui n’ont jamais fait la guerre à l’Homme Banc hors de leurs territoires de chasses. Oui, j’aime ce peuple qui ne vit point dans la vénération de l’argent ! »
Je me suis aperçu lors de mes lectures et recherches, à la Bibliothèque d’Études et du Patrimoine en particulier, que la géographie de cet immense continent, les noms de la majorité des villes, et des lieux, de plus de la moitié des États des États-Unis, sont hérités d’eux : le Missouri viendrait du nom Wimihsoorita, « ceux qui ont des canoës », exonyme de la tribu sioux qui vivaient sur ses berges… De nombreuses voitures (Cherokee), et même des hélicoptères (Apache), des missiles (tomahawks) de l’armée des USA (quelle ironie), portent des noms amérindiens, leur fameuse coiffe de plumes est partout au-dessus des motels ou des bars, ils sont aussi mis à toutes les sauces quotidiennes par exemple de la malbouffe qui a colonisé le monde…
Les apiculteurs que je fréquente, compte tenu de mon goût du miel, le savent par leurs prédécesseurs amérindiens, Incas en particulier qui les appelaient joliment les Dames du Miel: les sociétés de leurs hyménoptères sont un modèle de démocratie, les ouvrières ayant « un droit de vote » pour choisir le nouvel endroit où s’établir la colonie ! Ils savent aussi, comme ceux-ci, que si elles disparaissaient, l’homme serait alors en voie d’extinction…
La connaissance de nombreuses plantes nous vient des Natives Americans comme la patate (de batata en taïno) ou chocolat (chocolatl en nahuatl), car ils avaient des connaissances très poussées en herboristerie que ce soit pour leurs rituels spirituels ou pour leur alimentation, et pour se soigner bien sûr.
Il y a des orangers des Osages dans de nombreux jardins publics d’Europe et l’Oklahoma qui est nous si cher au sein d’’OK-OC remonte aux mots choctaw « okla homma », qui signifient « peuple rouge ».
Et bien sûr, il y a leur sens esthétique inné, évident dans leurs vêtements et objets du quotidien (le Musée des Confluences à Lyon l’a mis récemment en lumière dans une très belle exposition) tels ceux-ci-dessous, mais aussi dans leurs manières de communiquer pas seulement orales : beaucoup de nations autochtones du nord-est du continent utilisaient les wampums pour consigner et envoyer des messages. Le wampum était confectionné au moyen de perles violettes et blanches taillées dans la nacre des coquilles de palourdes, comme celui des Six Nations (je souligne puisqu’il est avéré désormais qu’ils étaient constitués en véritables nations) Iroquoises en conclusion de la déclaration d’OK-OC .
Et puis, il y a leurs chants, récits de rêves, messages du monde des esprits, puissance donnée au Rêveur et à « l’Homme-médecine ». Ils ont le vêtement d’une langue éminemment poétique, de paysages infinis, de visages d’hommes droits et libres. Le Poète qui reprend ces anciens chants, les discours de l’Américan Indian Movement ou les poèmes de révolte blues-rock de John Trudell (1946-2015), ces mots tranchants comme des lames de haches ou la caresse d’une plume, ces voix portées par le vent, transmet un message reçu d’une puissance surnaturelle et d’une humanité toujours vivante. Quand on fait remonter le rock-and-roll seulement au Blues des Afro-Américains, magnifique certes (une de mes musiques préférées), on oublie les tambours lancinants et les chants des Amérindiens, en voix de tête ou de falsetto avec des trilles et des trémolos, qu’ils sont nombreux à utiliser pour leurs cérémonies mais aussi pour leurs cris du cœur et de révolte, comme le groupe militant BlackFire ou le guitariste Keith Secola et son Wild Band of Indians, Groupe sauvage d’Indiens :
KEITH SECOLA WAILING BLUES
De très nombreux artistes ont été inspirés par les Amérindiens depuis l’aquarelliste Charles Bodmer et son merveilleux livre intitulé Le Peuple du Premier Homme, en passant par Edward Sheriff Curtis et ses photographies iconiques, je l’ai dit plus haut, jusqu’au plasticien montalbanais Rosendo Li (4), dont le cheval, -si important, on le sait, chez les Indiens des Plaines, au point de faire un art de sa domestication- en est un preuve de plus :
LE CHEVAL AMÉRINDIEN DE ROSENDO LI Li
(J’allais presque écrire « ils sont partout », si dans notre pays il n’avait été fait de cette phrase une utilisation sordide et haineuse, dans une des périodes des plus sombres du siècle dernier que certains voudraient bien effacer, avec les résultats terribles que nul ne peut plus ignorer aujourd’hui).
Personnellement, ils m’accompagnent depuis ma prime enfance, ils ont enluminé mon imaginaire d’enfant triste et seul, ils ont modelé ma vision du monde d’homme libre, une grande partie de ma bibliothèque leur est toujours réservée, à côté des Troubadours et des Cathares et des Poètes-Poétesses du monde entier.
C’est pour cela que j’ouvre notre concert poétique Blues amérindiens, en hommage à ces Fils de la Terre, dont John Trudell et son groupe Bad Dog, Chien Mauvais (comme le poète-militant avait été surnommé par le FBI), avec mes merveilleux ami.e.s musicien.ne.s, Véro Dubuisson, à la basse au chant, Denis Leroux à la guitares, et Pascal Portejoie aux tambours et percussions (5), par ces mots :
Je vous salue
Hommes rouges Fils de la Terre
Peuple du Premier Homme
Je vous prête ma voix
Pour que mes enfants n’oublient jamais votre message
La Terre n’appartient pas à l’Homme
C’est l’Homme qui appartient à la Terre
Nous n’en avons pas héritée
Nous l’avons simplement empruntée
A ceux qui ne sont pas encore nés
Avec le devoir de la leur transmettre
En état de donner la vie
Nous n’y sommes que des hôtes de passage
Quelque part entre la fourmi et la montagne.
BLUES DE CHEVAL FOU
(John Trudell-E.Fabre-Maigné/Bad Dog-Denis Leroux-Véro Dubuisson-Pascal Portejoie)
Sans faire d’angélisme, de manichéisme, ni de misérabilisme, sans occulter la misère endémique de certaines réserves, rongées par la misère, la violence, la drogue, on ne peut que se réjouir de leur survie, et même de leur vie tout court, puisqu’ils sont nombreux à s’être parfaitement intégrés dans la société américaine, devenant professeurs, scientifiques, médecins de haut niveau, ou simples citoyens, continuant à nous transmettre leur message « écologique » dans le sens premier du terme, et à lutter, de manière non violente, contre les crimes perpétrés à l’encontre notre seule planète (on commence seulement à parler d’écocide), comme on l’a vu par exemple avec le Dakota Access Pipe Line, si cher à l’ancien président des États-Unis, imposé manu miltari sur la réserve amérindienne de Pine Ridge, qui a déjà causé des dégâts irrémédiables à l’environnement, en particulier aux eaux des nappes phréatiques et du fleuve Missouri sous lequel il passe. Un juge du District de Columbia aux États-Unis a ordonné que « l’oléoduc Dakota Access, qui fait l’objet d’une vive contestation de la part de nations autochtones et des associations environnementalistes depuis quatre ans, cesse ses activités au plus tard le 5 août 2020, compte tenu des dommages potentiels pour l’environnement que représente cet oléoduc chaque jour ». Espérons que cette cessation sera effective.
Le combat continue…
L’initiative culturelle d’Oklahoma-Occitània arrive donc à point nommé pour apporter une pièce de plus (et quelle pièce!) au dossier de la reconnaissance de la grande culture des peuples autochtones des deux Amériques, mais aussi à la nécessité vitale pour les générations futures d’écouter leur message et surtout de le mettre en application.
Ci-dessous le texte intégral de la déclaration d’Oklahoma-Occitània : même si ce n’est pas un divertissement si cher à notre époque consumériste, la lire en entier n’est pas du temps perdu.
Ma grand-mère Eugénie me disait, il y a 70 ans, quand nous allions tirer l’eau du puits au fonds du jardin et que je me faisais un peu prier : « l’eau cela semble une chose tellement naturelle qu’on n’y accorde plus d’attention, ni d’importance, sauf quand elle vient à manquer ou qu’elle est souillée; le bonheur et la vie c’est pareil ». Elle n’utilisait qu’un seau d’eau par personne et par jour ! C’est à elle que j’ai pensé quand j’ai appris le juste combat des Oglalas de Pine Ridge et de leurs soutiens multiples, comme Neil Young, avec sa présence sur place et cette composition, allusion au livre de l’anthropologue Jack Watherford (5) détaillant tout ce que les Amérindiens ont donné à l’Amérique en particulier et au monde en général : vous pouvez l’écouter en lisant…
INDIEN GIVERS
LES INDIENS D’AMERIQUE ET LA DEMOCRATIE
Octobre 1492 marque le premier contact entre l’Ancien et un Nouveau monde jusque-là insoupçonné. Très vite, les contacts entre Européens et Indiens vont se multiplier. Le thème commun aux descriptions de ces explorateurs est l’émerveillement devant la liberté individuelle des Indiens, libres du joug de dirigeants et de classes sociales fondées sur la propriété privée. Pour la première fois, on peut envisager la possibilité de ne pas vivre sous l’autorité d’un monarque.
Les récits des voyageurs donnent lieu à des écrits philosophiques et politiques d’auteurs comme Thomas More, Amerigo Vespucci, John Ratsell. Au XVIe siècle, Montaigne écrit que les Indiens « sont très peu corrompus par nos lois ». Cent ans plus tard, le baron de Lahontan (un Gascon) vit chez les Hurons et décrit leur vie de liberté et d’égalité. Ses descriptions sont corroborées par le Jésuite Joseph François Lafitau (un autre Gascon) dans son ouvrage de 1724, Coutumes des Sauvages américains comparées à celles de temps plus anciens. Sa source d’inspiration réside dans ses séjours chez les Mohawks.
Commence alors pour les penseurs européens le « Siècle des Lumières ». Or, une grande partie de ces lumières provient de la torche de la liberté indienne qui brille encore de tout son éclat durant la brève période entre les premiers contacts avec les Européens et son anéantissement par ces mêmes Européens. L’auteur le plus enthousiaste est Thomas Paine, puis, une génération plus tard, Alexis de Tocqueville utilise à de nombreuses reprises les notions d’égalité et de liberté. Pourtant, les Premiers Américains ont longtemps été considérés comme des « sauvages » incapables de se gouverner. Ils semblaient condamnés à disparaître et ont subi l’invasion, l’expropriation, l’oppression, l’assimilation forcée. Mais ils sont toujours là et revendiquent leur indianité.
À la fin du mois de novembre 2022, le think-tank IDEA (Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale) rapportait une montée de l’autoritarisme dans de nombreux pays, alors que les régimes autoritaires renforcent leur répression. Sur les 173 pays couverts par le rapport, 52 des démocraties décomptées sont en déclin. 27 pays se sont tournés vers l’autoritarisme. Le populisme gagne du terrain. Il suffit de penser à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Alors, la démocratie est-elle malade ?
Les historiens font remonter les origines de la démocratie autour de la cité d’Athènes, dans la Grèce antique. Pourtant, c’est de la Constitution iroquoise que la Constitution des États-Unis d’Amérique s’est largement inspirée. La Grande Loi de la Paix (The Great Law of Peace) est un récit oral qui retrace la formation de la Ligue des Cinq Nations (Mohawk, Cayuga, Seneca, Oneida, Onondaga, rejoints par les Tuscarora en 1722) dans le nord-est des États-Unis et le sud-est du Canada actuels. Dans ces sociétés sans écriture, elle était consignée sur des ceintures à wampums (des perles taillées dans des coquilles de palourdes et de buccins). La Confédération iroquoise fut, selon les historiens, créée en 1142 par le Grand Pacificateur, même si les Iroquois pensent qu’elle a été créée il y a bien plus longtemps. Donc, c’est le Grand Pacificateur qui a apporté la paix aux cinq nations. Il était très préoccupé par les incessants conflits intertribaux et par le coût élevé de la guerre. Hiawatha, le chef des Onondaga, se rendit auprès de chacune des cinq tribus pour les convaincre de vivre en paix les uns avec les autres, puis un WAMPUM DE LA LIGUE DES CINQ NATIONS IROQUOISES SENECA CAYUGA ONONDAGA ONEIDA MOHAWK
Un grand Conseil fut organisé, au cours duquel il présenta la Grande Loi de la
Paix. Il expliqua que les chefs forment comme un cercle d’arbres bien droits, qui entourent et soutiennent l’Arbre de la Paix qui se tient au milieu. Ils l’empêchent de se renverser.
Les principaux concepts de la Constitution iroquoise sont familiers à nos contemporains qui vivent dans des pays démocratiques : limites au cumul de postes, procédures d’élimination de dirigeants de la Confédération, assemblée législative
bicamérale, limites au pouvoir de déclarer la guerre, équilibre de forces entre la Confédération iroquoise et les tribus individuelles. Chaque nation conservait son propre gouvernement, mais s’engageait à décider des causes communes dans le cadre du Grand conseil des chefs. Le concept reposait sur la paix et le consensus plutôt que sur le conflit. L’influence de la Ligue des six nations sur la démocratie américaine se manifeste au cours de l’histoire : En 1744, lors du traité de Lancaster entre les Haudenosaunee (le Peuple de la Longue Maison) et les treize colonies, le chef onondaga Canassatego prononça un discours exhortant les treize colonies à s’unir comme l’avaient fait les Iroquois. Convaincu, Benjamin Franklin fit imprimer son discours : « Nous vous recommandons de vous unir et de vous mettre d’accord entre vous, qui êtes nos frères. Ainsi, comme nous, vous deviendrez plus forts. Dans leur sagesse, nos ancêtres ont instauré union et amitié entre nos cinq nations. Cela nous a conféré du poids et de l’autorité sur les nations voisines. Notre confédération est puissante ; en adoptant les mêmes méthodes que nos ancêtres, vous aurez aussi force et puissance. Quoi qu’il advienne, aidez-vous les uns les autres. »
Lors de ce discours, Canessatego utilisa une métaphore : treize flèches se brisent moins facilement qu’une seule flèche. C’est ce qu’illustrent les treize flèches tenues dans les serres d’un aigle du sceau des États-Unis. Les Pères fondateurs étaient régulièrement en contact avec la Confédération iroquoise, à tel point qu’ils proposèrent aux chefs du Grand conseil de s’adresser au Congrès en 1776.
Ce n’est pas que de l’histoire ancienne, puisqu’en 1988, le Sénat des États-Unis leur rendit hommage par une résolution : « la confédération des treize colonies, qui donna naissance à une république, fut influencée par la Confédération iroquoise, ainsi que par nombre des principes démocratiques inclus dans sa Constitution elle-même. »
Ainsi, à la fin du XX e siècle, les États-Unis reconnaissaient officiellement leur adhésion aux principes démocratiques iroquois. En ce début du XXIe siècle, il est bon de rappeler aux démocraties occidentales la valeur de ces principes.
Conclusion :
Contrairement à une idée largement répandue, démocratie et liberté égalitaires telles que nous les pensons aujourd’hui n’ont pas de racines dans la Grèce antique, qui était une société esclavagiste. Et lorsque les Américains tentent de faire remonter leur héritage démocratique aux écrivains des Lumières, ils oublient que la pensée
de ces derniers était largement façonnée par les traditions et l’état de nature des Amérindiens. Les notions indiennes de liberté et d’égalité se sont propagées, tout comme les plantes américaines se sont répandues dans le monde entier.
Peut-être peut-on conclure que la notion moderne de démocratie provient du mariage unique des idées et institutions politiques des Européens et des Indiens, en un héritage commun.
Le moment est-il venu de reconnaître dans quelle mesure les sociétés amérindiennes ont transformé le monde et leur apport dans la construction de la démocratie, alors que le concept est de plus en plus remis en question.
WAMPUM IROQUOIS
Pour en savoir plus:
(1) Oklahoma-Occitània, 1096 chemin du Coteau 82 000 Montauban http://oklahoccitania.canalblog.com/
Du Missouri à Montauban, l’incroyable odyssée des Osages perdus (Editions La Brochure)
(2) Marie-Claude Strigler, retraitée de l’enseignement supérieur, ex-maître de conférences à Paris III-Sorbonne nouvelle, auteure de nombreux livres sur les Navajos et autres peuples. Son dernier ouvrage « Les Indiens Osages » aux éditions du Rocher (coll. Nuage Rouge) est en librairie depuis le mercredi 8 février dernier.
(3) Rosendo Li : http://rosendo-li.monsite-orange.fr/
(4) Hommes Rouges, Fils de la Terre (extraits) :
> HOMMES ROUGES, FILS DE LA TERRE (lien Youtube)
(5) Jack Weatherford Indian Givers, Les donateurs indiens : comment les Indiens des Amériques ont transformé le monde (1988), traduit en français et publié chez Albin Michel en 1993 sous le titre « CE QUE NOUS DEVONS AUX INDIENS D’AMERIQUE et comment ils ont transformé le monde ».
Après 500 ans, l’énorme dette du monde envers la sagesse des Indiens des Amériques a finalement été explorée dans toute sa splendeur par l’anthropologue Jack Weatherford. Il retrace les contributions cruciales apportées par les Indiens à notre système de gouvernement fédéral, à nos institutions démocratiques, à la médecine moderne, à l’agriculture, à l’architecture et à l’écologie, et dans ce livre étonnant et révolutionnaire, il fait un pas de géant vers la récupération d’une véritable histoire américaine. Washington Post
Je vous conseille aussi, si vous ne l’avez déjà fait, de lire Hehaka Sapa-Elan noir parle (mémoires d’un saint homme des Sioux Oglala) par John G.Neihardt (10-18), Luther Standing Bear Mémoires d’un chef indien, (Petite Bibliothèque Payot), James Welsch « Comme des ombres sur la terre » (Folio) etc…, à écouter John Trudell « Blue Indians » (Dangerous discs), BlackFire « Silence is a weapon » (Tacono Records), et tous les groupes de blues-rock amérindiens, par exemple sur « Indian Rezervation Blues and More » (Dixiefrog Records)…