Avec les Musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, ce seront deux dates pour le cycle des grands concerts symphoniques. Deux chefs bien connus à la Halle les dirigent, le vendredi 7 avril, Kasuki Yamada et le jeudi 13, Josep Pons.
Le 7, le concert débute avec le Concerto pour orchestre de Akira Miyoshi suivi de Jean Rondeau au clavecin interprétant le Concert champêtre de Francis Poulenc, (25’) et pour clore l’incontournable de Claude Debussy, La Mer, trois esquisses symphoniques. (21’)
Le 13, la pièce donnée en ouverture de concert est un Prélude de Die Gezeichneten ou les Marqués par le destin, créée en 1919 à Francfort, œuvre de l’autrichien Frank Schreker. Ce Prélude va marquer les oreilles.
Suivra le cycle Sheherazade de Maurice Ravel interprété par la mezzo-soprano Marianne Crebassa. Pour clore, la Suite orchestrale de l’opéra Elektra de Richard Strauss, d’environ 34 minutes.
Akira Miyoshi : Concerto pour orchestre
Le compositeur japonais Akira Miyoshi est né à Suginami, Tokyo en 1933, et décédé en 2013. Il était un enfant prodige du piano. Il étudie la littérature française à l’ Université de Tokyo, puis étudie la composition avec Henri Challan et Raymond Gallois-Montbrun au Conservatoire de Paris de 1955 à 1957. Il fut très influencé par Henri Dutilleux Il retourne au Japon en 1957 et est diplômé de l’Université de Tokyo en 1960. En 1965, il est devenu professeur à la Toho Gakuen School of Music. Il compose en des domaines très divers environ cent cinquante œuvres dont ce Concerto pour orchestre en 1964. En 1996, Miyoshi est reçu Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres du gouvernement français.
De réputation internationale, le claveciniste trentenaire Jean Rondeau n’est pas pour autant du genre “fan de sunlights“. D’abord élève en clavecin de Blandine Verlet pendant plus de dix ans, Jean Rondeau s’est formé en basse-continue, en orgue, en piano, en jazz et improvisation, en écriture, et en direction de chœur et d’orchestre. Ce sont de longues pages de bonheur que ces années d’apprentissage parcourues au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris ainsi qu’à la Guildhall School of Music and Drama de Londres !
Il obtient le Prix de Clavecin à l’unanimité avec mention Très Bien et Félicitation du Jury au CNSM de Paris en Juin 2013 ainsi que son prix de Basse Continue la même année avec Mention Très Bien à l’unanimité également. Jean Rondeau a également obtenu par le passé les prix de composition et de contrepoint au Conservatoire de Paris! En un mot, il débute couvert de récompenses, dont il fait le meilleur usage, ravissant tous ses admirateurs. Francis Poulenc aurait adoré le musicien philosophe, la rock-star du clavecin, et admiré le traitement musical subi par son Concert champêtre !
Francis Poulenc : Concert champêtre pour clavecin et orchestre
I. Allegro molto
II. Andante
III. Finale
Claude Debussy : La Mer, trois esquisses symphoniques
I. de l’aube à midi sur la mer
II. Jeux de vagues
III. Dialogue du vent et de la mer
« Quand l’inspiration, née des éléments marins, s’estompe progressivement, comme les suggestions d’un tableau impressionniste faisant entendre autant les bruits que les couleurs, on aurait presque le goût du sel…dans les oreilles. » C. Debussy. C’est une mer vue du rivage dont on trouverait la symbolique dans la vague japonaise d’Hokusai qui devait illustrer la partition originale. La Mer est tout à la fois, une œuvre impressionniste, une symphonie en trois mouvements qui cache bien son nom, et le début d’une nouvelle écriture chez Claude Debussy…, mais aussi une nouvelle étape dans sa vie sentimentale à ce moment-là, alors, très agitée ! La Mer, une sorte de poème symphonique aux accents tour à tour pointillistes et ondulatoires, qui reste, avec le Boléro de Ravel, une des pages symphoniques les plus jouées dans le monde.
« Un alliage de célesta, harpe et piano, si entremêlées qu’on ne les distingue plus, répète une brève formule qui oscille entre ré majeur et si bémol mineur. Les violoncelles chantent un thème énigmatique. Des effets de cloches résonnent au loin. Trois plans provoquent l’hypnose et ouvrent une perspective quasi visuelle. Ce son lointain, puis proche, puis lointain, s’impose en prélude au chef-d’œuvre dénommé Les Stigmatisés. » Né à Monaco en 1878, Frank Schreker fonde à 17 ans à Vienne la Société des amis de la musique. Il est professeur de composition à 34 ans au Conservatoire de Vienne. Admiré par Mahler, tout comme Schoenberg, il est remarqué par son style qui allie une écriture vocale italianisante à un foisonnement orchestral. Frank Schreker est dit compositeur “dégénéré“, l’un des compositeurs d’opéras les plus en vue de sa génération avant d’être stigmatisé par les nazis. Il fut un des plus audacieux réformateurs du théâtre lyrique germanique en son temps. Désavoué, mis au ban, il succombe à un infarctus dans l’indifférence générale, à 56 ans en 1934 et son œuvre est interdite dès 1933.
Tout commence lorsqu’en 1898, on annonce la prochaine parution d’une « étonnante traduction des Mille nuits et une nuit par le Dr Mardrus ». C’est le signe que les cercles littéraires français sont en train de s’enthousiasmer pour un exotisme version contemporaine… Avant même que la publication ne commence, on ne parle plus que d’Orient, de Shéhérazade… Un musicien alors de 23 ans, Maurice Ravel, élève du Conservatoire dans la classe de Gabriel Fauré, ami de nombreux jeunes artistes dans le vent, se sent inspiré par cette approche nouvelle. Il se met au travail sur une Ouverture pour piano à 4 mains qu’il va tout de suite orchestrer.
Maurice Ravel, à l’encontre de tant de musiciens, aime la musique et celle-ci commence à le lui rendre, fort bien. Dès ses premières compositions, il ne sera ni dans l’effet, ni dans l’éloquence. En avril 1903, il compose sur trois poèmes de Tristan Klingsor, le triptyque Shéhérazade pour chant et orchestre (Asie, La Flûte enchantée, L’indifférent). Les vers auront trouvé en Ravel un commentateur subtil et vivant. Malgré leurs proportions inégales, leurs décors différents, les trois numéros forment un tout homogène dont la courbe est une sorte de long decrescendo : c’est le type parfait de poème pour orchestre. Asie conte le rêve de l’Orient fastueux et cruel. La Flûte enchantée met en scène la voix d’une jeune femme dont le maître dort et le chant de flûte de son amoureux, avec, comme toile de fond, le doux frémissement des cordes en sourdine. La cantilène des bois que caressent de lentes batteries aux cordes évoque la séduction de L’Indifférent qui passe finalement outre le seuil hospitalier et s’éloigne gracieusement.
Marianne Crebassa fait merveille dans ce type de mélodies avec son timbre de mezzo-soprano. Ses qualités de chant sont telles qu’elle a franchi les premières marches de sa carrière à vitesse grand V, très tôt repérée et engagée aussi bien en France qu’au Festival de Salzbourg ou à la Scala, ce qui s’appelle une rarity. Énumération inutile. Marianne Crebassa est dans les sommets.
C’est le chef d’orchestre Manfred Honeck qui créé cette Suite à partir de l’opéra Elektra de Richard Strauss. Elle vient après les Suites qu’il a déjà façonnées sur Jenufa et Rusalka, deux opéras que le public du Capitole ont connus tout récemment avec bonheur, tout comme, d’ailleurs Elektra. Les trois furent de complètes réussites, et enthousiasmèrent le public (saison 21-22 et 22-23)
Il effectue ce travail avec son orchestre, le Pittsburg Symphony (PSO). C’est lui qui sélectionne les extraits à inclure dans la Suite et un musicien trentenaire, new-yorkais, Leon Thomas III, acteur, auteur-compositeur-interprète et réalisateur artistique se charge de les assembler avec des coupures et des transitions appropriées ! Sa durée est d’environ 34’. Elle touche à tous les points forts de l’opéra. Elle attisera notre curiosité tout en sachant que rien ne vaut, à mon humble avis, le spectacle de l’opéra dans son entité : musique et chant et théâtre. Question musiciens, elle nécessite le format grand orchestre.
Orchestre national du Capitole