WarEnd sera en concert au Connexion Live le 27 janvier prochain. À cette occasion, Culture 31 s’est entretenu avec le rappeur toulousain. Premières parties de grands noms du rap, tremplins musicaux, sens de ses textes, projets à venir… Rencontre avec l’artiste, dont la carrière se dessine.
Culture 31 : En 2022, tu as réalisé les premières parties de rappeurs installés comme Josman, Oboy ou encore Bigflo & Oli. Est-ce que l’ado de 16 ans que tu étais quand tu as fait tes premiers pas dans le rap s’y attendait ?
WarEnd : Non. S’il y a 10 ans on m’avait dit que j’allais atteindre ce stade là – même si en soi ma carrière n’a pas réellement démarré – je n’y aurais pas cru. Même si j’ai commencé à faire du rap il y a longtemps. En vrai, si ma carrière s’arrête aujourd’hui, je suis déjà très content de tout ce que j’ai accompli.
Tu as également été vainqueur du Buzz Booster Occitanie et lauréat des Inouïs du Printemps de Bourges Occitanie. Que t’ont apporté ces concours ?
Même si ce sont deux tremplins, ce sont deux supports différents en terme d’accompagnement. Avec le BuzzBooster, c’est énormément de contacts. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai rencontré mon manager, Hugo, avec qui je bosse maintenant. Il y a aussi eu quelques scènes intéressantes, derrière ça. Et puis des conseils qui ont été très constructifs pour ma direction artistique (DA), ma façon de faire sur scène…
En tous cas, ça ne m’a pas apporté plus que ça, personnellement. Par contre, ça a apporté beaucoup de choses à Eesah Yazuke, la gagnante nationale du Buzz Booster cette année-là. Par exemple des interviews. Beaucoup de visibilité. J’en ai gagné un peu aussi, mais plutôt sous forme de crédibilité. On peut se dire « lui, c’est le gagnant du Buzz Booster Occitanie ».
Avec les Inouïs, j’ai la sensation que l’accompagnement est plus porté sur l’artiste et sa direction artistique (DA). Et comme je n’aime pas trop être malléable, dès fois ça ne colle pas forcément. Mais c’est une très belle expérience. J’en ai retenu des choses très positives. Je me suis même présenté à nouveau pour l’édition de cette année. C’est drapeau blanc. Ça donne une bonne crédibilité aux yeux des pros en tous cas.
Au niveau du public, ton titre « Muse » a buzzé sur TikTok l’été dernier. Penses-tu que ce réseau social est un nouvel outil majeur de communication pour les artistes ?
Aujourd’hui oui. Je déteste ça mais on est obligé de passer par là. Tout le monde dit qu’avant c’était plus compliqué, mais c’était plus humain. À l’époque, je me rappelle quand je regardais la Sexion d’assaut, ils allaient à Châtelet pour donner leurs disques, et pourtant ils étaient écoutés, même bien connus. Ce sont deux méthodes totalement différentes.
Pour « Muse », ça fait un moment que j’ai installé TikTok et que je me dis que je n’ai pas envie de l’utiliser, mais un soir, dans mon lit, je publie un extrait que j’avais déjà sorti il y a trois semaines. Pour moi il n’y avait rien de nouveau. Je l’avais même déjà posté sur Instagram et il n’y avait pas eu d’engouement particulier. Alors j’ai continué à faire ma vie. Et je sais pas, c’est parti en cacahuète d’un coup. Mais en tous cas, il est clair que les réseaux sociaux sont devenus une étape obligatoire.
Dans « Tout est nwar », tu dis « Tout est nwar mais je veux mettre lumière sur ma ville ». Sur quels aspects de Toulouse veux-tu mettre un coup de projecteur ? Ses artistes ?
Il y a des artistes qui méritent effectivement beaucoup plus de visibilité. C’est juste qu’ils n’ont pas confiance en eux. Quand je dis « lumière sur ma ville », c’est aussi au sens large. Beaucoup d’artistes vont commencer ici, vont développer quelque chose, tout le monde va les approuver, et la première idée qu’ils vont avoir, c’est de monter à Paris pour se développer encore plus. Mais en vrai, on n’est pas obligé de faire ça. Moi je n’ai jamais bougé de Toulouse. Enfin, j’ai bougé pour mes voyages et pour le travail puisque je suis né à Paris, mais je n’ai pas commencé le son à Paris, j’étais à Saint-Laurent-de-la-Salanque ! C’est pour ça que s’il y a 10 ans on m’avait dit que je ferai la première partie de Josman, j’aurais rigolé pendant 10 minutes.
Donc, quand je dis « mettre lumière sur ma ville » ça concerne tous les projets qui sont intéressants. C’est aussi pour montrer aux autres qu’on n’est pas obligés de quitter le Sud pour faire quelque chose d’artistique, ou n’importe quel autre métier. Il y en a qui vont y aller pour monter de grosses structures parce qu’il y a plus de monde, mais il faut juste « éduquer », même si je n’aime pas ce terme. Ce n’est pas du tout la même mentalité ici et à Paris, et il faut trouver quelque chose qui va dans le sens de la mentalité des Toulousains.
Dans « Perle rare » tu confies cette fois « On est trois dans ma tête, donc même tout seul je m’amuse ». Quelles sont ces trois personnalités ?
Il n’y en a que deux qui ne sont pas confidentielles. Moi, WarEnd. Enchanté. Et John. John, on sait très peu de choses sur lui. C’est mon alter ego. Celui qui va se nourrir de toutes mes peurs, mes peines, ma rage. Ce qui m’évite de m’énerver ou d’avoir de la haine en permanence. Il est là pour mon bien, il me protège. À aucun moment il ne prend le dessus, j’ai toujours eu le contrôle sur tout. Quand je reçois une information qui peut être dérangeante pour moi, ça me permet d’arriver à l’assimiler. Alors je prends du recul sur la situation et je vais la gérer, peu importe le temps que ça prend. Et ensuite, j’accepte. Puis j’avance.
Sur l’origine et la naissance de John, pour l’instant, rien n’a été dévoilé. Il y a quelques indices dans certains des morceaux que j’ai pu faire, comme « Baltimore », qui est présent dans mon EP « Spécimen ». C’est prévu dans ma DA, je suis le seul à savoir ça. La troisième personne, je n’en parlerai pas.
La phrase « Là c’est dur d’être concentré » revient dans l’intro de pas mal de tes titres. Tu l’as également floquée sur les vêtements de ton merch. Pourquoi c’est dur d’être concentré ?
Ça fait partie de moi, j’ai beaucoup de mal à me concentrer en règle générale. Mais si je mets à fond dans quelque chose, je peux me concentrer et taffer. Je suis quand même souvent dissipé. Je peux vite perdre le fil d’une conversation ou même oublier des choses importantes.
La petite histoire de la phrase « Là c’est dur d’être concentré », c’est qu’un soir, il y a peut-être 4 ou 5 ans, j’étais en train de poser un texte au micro, et au bout de quatre fois, je bloque au même endroit sur un couplet, alors que j’ai le texte sous les yeux. Et en faisant le trajet du micro à l’ordinateur, je dis « Là c’est dur d’être concentré », sur un ton frustré. Au final, quand je l’ai entendu dans le son, j’ai trouvé ça génial, ça me ressemblait beaucoup. Du coup je l’ai gardé.
Ton blase est une invitation à la paix. Plutôt à la paix dans le monde ou à la paix intérieure ?
C’est rare que l’on me dise que mon blase est une invitation à la paix. Il y en a beaucoup qui pensent que ça va être la guerre justement, alors que traduit littéralement ça veut dire « la fin de la guerre ». Pour ce qui est de la paix dans le monde, je ne peux pas y prétendre un jour. Je ne suis pas le Messie qui va calmer les famines ou nettoyer les océans. J’aimerais énormément, parce que je suis très touché par la Nature. J’ai beaucoup de mal avec les humains en général. Et à petite échelle, on essaye tous de faire des choses. Mais aujourd’hui tout est une question d’argent, si tu en as tu vas pouvoir investir dans quelque chose et pouvoir aider. Ce que je trouve dommage c’est que, si t’es personne, tu ne peux pas aider les associations ou autre. Et encore, il y a tellement d’associations dont on ne sait pas ce qu’elles font des dons.
Donc, la paix dans le monde, j’aimerais énormément, mais je ne sais pas si c’est possible. Il est plus question d’apporter une sorte de paix intérieure à tous ceux qui m’écoutent. Il y en a beaucoup qui se trouvent différents et n’acceptent pas cette différence. Alors qu’en soi, c’est pas important l’avis des autres. Petite parenthèse, attention aux livres de développement personnel, à ne surtout pas lire au premier degré. J’en ai vu s’enterrer dans ça et changer carrément leur mentalité. Il faut juste récupérer les clés importantes dans les livres et s’aider de ses proches, avoir un entourage bien solide. Parce que, quand tu es tout seul et que tu te sens différent, il y a personne pour apaiser tes états d’âme.
Et toi, tu es bien entouré ?
Je suis très bien entouré. C’est ce qui a fait que j’ai pu m’assumer à 100% sur tout. Et concernant John, beaucoup ne savent pas si c’est du premier ou du second degré. Je les laisse penser ce qu’ils veulent. Moi je sais ce que je vis.
En 2017, tu as fait un voyage de 8 mois sur l’Atlantique en voilier. Qu’est ce que ça a déclenché chez toi ?
J’en ai retenu certaines leçons de vie. Ça m’a vraiment changé. J’ai récupéré des clés, j’ai lu énormément de livres. Il y en a un qui m’a particulièrement marqué : « L’Alchimiste » de Paolo Coelho. Une très bonne leçon de vie également. Et ce n’est même pas un livre de développement personnel. J’encourage énormément de personnes à le lire.
Quand sortiras-tu ton nouvel EP et que va-t-il nous raconter ?
Mon nouvel EP, qui s’appellera « Mutation », sortira le 3 février 2023. Donc une semaine après le concert au Connexion. Cet EP là, je le vois ni comme un EP, ni comme un album. Je le vois plus comme une transition. C’est quelque chose qui n’était pas prévu. Mais j’avais besoin de dire des choses qui sont en dehors de ma DA, c’est comme faire une pause cérébrale. Car c’est vrai que si on écoute tous mes EPs en partant de « Kuro », même si c’est vieux, on peut vite trop réfléchir. Moi, je veux marquer des pauses. Il y aura des morceaux qui seront un peu plus calmes même si les messages seront forts. On va notamment retrouver « Muse ». Ce sera donc une petite pause cérébrale pour tout le monde avant d’enchaîner sur la suite.
La suite, c’est l’album ?
Pour le moment, je ne sais pas encore s’il y aura un album. D’abord, on va continuer dans ce qu’on est en train de faire.
Propos recueillis par Inès Desnot
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