Né à Toulouse dans une famille espagnole issue de l’immigration qui habitait le quartier St Cyprien, très insalubre à l’époque se souvient-il, mais cœur espagnol de Toulouse, puis le faubourg Bonnefoy, Santiago Mendieta a grandi dans une ambiance hispanisante, avec dans l’oreille une langue maternelle bien vivante et des liens très forts avec l’Espagne.
Sa mère venait de Lugo en Galice, son père de la province de Guadalajara en Castille-La Manche. Celui-ci, très engagé, accueillait chez eux dans les années 1960 anciens guérilleros et jeunes travailleurs pour des repas du dimanche très arrosés au son du paso-doble et du flamenco; ce manœuvre et maçon devenu chef de chantier souhaitait revenir en Espagne et s’installer à Saragosse, malgré la dictature toujours active de Franco, mais la madre s’y est opposée, « se souvenant d’un ami syndicaliste emprisonné et torturé qui regardait avec nostalgie les enfants ».
Espagnol de naissance naturalisé à 11-12 ans, Santiago Mendieta a donc toujours eu l’Espagne chevillée au cœur, ce qui lui a servi dans son métier de journaliste, en particulier à Pyrénées Magazine.
Il est par ailleurs passionné par les animaux, la nature, et les science de la nature depuis l’âge de 9-10 ans où son père lui a offert Terre opération survie de Lucien Mathieu, mais a finalement bifurqué vers le journalisme: ayant tenté et réussi un seul concours d’entrée, celui de l’ESJ Lille, l’École Supérieure de Journalisme, il a vécu dans cette ville une des périodes les plus heureuses de sa vie.
Après quelques détours par Radio France Pays Basque, FR3 Limoges, La Dépêche du Midi, Milan Presse, et surtout l’édition tarnaise de La Dépêche du Midi à Albi , avec certaine latitude sur la Culture, où il affirme son profil: spécialiste des Pyrénées et de son versant espagnol et de la Méditerranée, « ses deux jambes » comme il dit, ne supporte toujours pas la détérioration de la nature.
Auteur de documentaires télévisés et de guides, il a signé par exemple le texte de Pyrénées aragonaises, montagnes des hommes (photographies d’Étienne Follet, Glénat, 2001). Il a aussi écrit, entre autres, aux éditions Glénat, le très beau livre La photographie à l’assaut des Pyrénées. Hispaniste passionné, il a également traduit de l’espagnol le roman Nanga Parbat de David Torres Ruiz, lauréat du prix Desnivel de la montagne et de l’aventure.
Comme auteur et écrivain, il a signé une vingtaine de livres dont, des recueils de récits, des ouvrages portant sur l’environnement, les Pyrénées, la Méditerranée, l’Espagne, en particulier sur l’Aragon, l’histoire, le patrimoine, la randonnée ou même des guides pratiques, ainsi qu’un roman historique L’Or de Canfranc (éd. Privat).
Il portait en lui depuis longtemps une appétence pour la Mare Nostrum, d’où a germé l’idée d’une revue sur la Méditerranée et ses différents rivages et donc visages, qui semblait n’intéresser personne à l’époque.
Depuis 2012, il dirige et édite la revue annuelle Gibraltar, Un Pont entre deux Mondes (1), qui offre reportages, récits et fictions autour des mondes méditerranéens, axée sur le réel, entre littérature et journalisme, avec des contributeurs ponctuels.
Devenu éditeur par nécessité, bénéficiant de l’audience de l’émission Carnets de Campagne Philippe Bertrand, subventionné par l’Aide à l’Édition de la Région Occitanie et du Centre National du Livre, la revue suscite beaucoup d’intérêt depuis 11 années avec environ 2000 à 3000 lecteurs avec les abonnés en bibliothèques.
Chaque numéro, disponible en librairies, à Ombres Blanches par exemple, fait l’objet d’une présentation animée avec ses auteurs à l’Instituto Cervantes de Toulouse (2), – à l’emplacement de la Casa de España pour la différencier du Centro español créé par l’État franquiste, avant qu’elle ne soit délocalisée avenue des Minimes (3) -, où il se souvient « de ces dimanches après-midis qui sentaient le calamar grillé et la cigarette brune ».
Ayant la satisfaction d’avoir de très nombreux retours bien au-delà de l’Occitanie, tant que l’envie lui tient au cœur, il continue, même s’il lui faut raviver cette motivation chaque année: il commence à rêver du prochain numéro de novembre 2023, le 12e,.
Par ailleurs, très marqué par le livre de Mika Etchebéhère (1902-1992), Ma guerre d’Espagne à moi (4), il a entre temps trouvé le temps d’écrire Histoires retrouvées de la guerre d’Espagne, un ouvrage passionnant et édifiant dont je me suis fait l’écho sur Culture 31 (5), et dont le second volume est en gestation. Tumultueuse mémoire en effet que celle de la guerre d’Espagne. Santiago Mendieta la ravive à travers vingt récits d’histoires connues et moins connues, entrant dans l’intimité des personnages qu’elles mettent en scène. Sa préface est claire: « Près de huit décennies après la fin de la guerre d’Espagne, les passions sont loin d’être éteintes outre-Pyrénées. Les écueils, incompréhensions et désaccords demeurent entre héritiers de cette mémoire qui se partage encore entre « vainqueurs » et « vaincus ». »
Et il anime aussi deux Ateliers Regards décalés sur la Guerre d’Espagne et Méditerranée à l’ISAE SupAéro, l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace.
Inutile de dire que c’est un homme occupé.
Santiago Mendieta a accepté de se prêter au Questionnaire de toutes les couleurs à la Prévert que je lui ai proposé.
Santiago Mendieta, quelle est la couleur que vous préférez ?
Selon les jours, le vert synonyme de nature et de résilience écologique à mes yeux. Le rouge et le noir comme couleur de la révolte et de changements sociétaux nécessaires.
La fleur que vous préférez ?
La ramonde des Pyrénées, une fleur héritée alors de périodes plus chaudes et qui a survécu aux périodes glaciaires.
L’oiseau que vous préférez ?
Le gypaète barbu
Votre auteur préféré ?
Longtemps Gabriel Garcia Marquez
Votre peintre préféré ?
Goya, les peintres italiens.
Votre poète préféré ?
Federico Garcia Lorca
Votre chanson française préférée ?
Etat des lieux ou Le cœur du monde de Bernard Lavilliers, Le coq et la pendule de Claude Nougaro
Votre chanson espagnole préférée ?
Un paso doble, Suspiro de España en version musicale
Quel est votre héros de fiction préféré ?
J’ai un faible pour Pepe Carvalho, personnage créé par manuel Vasquez Montalban
Votre héroïne dans l’Histoire ?
Dolores Ibarruri, la Pasionaria, la dirigeante communiste espagnole avec ses forces comme ses errements. J’ai aussi un faible pour Greta Thunberg comme lanceuse d’alerte sur notre inaction sur le climat.
Votre héros dans l’Histoire ?
Juan Negrin, même si son rôle est méconnu et souvent décrié par ceux qui ne le connaissent pas. Il aurait pu être un Churchill espagnol, mais les rapports de force n’étaient pas en sa faveur.
Le personnage historique que vous admirez le plus ?
Jean Moulin
Le personnage historique que vous détestez par-dessus tout ?
Hitler, Staline, Poutine dans une moindre échelle criminelle, tous les assassins et criminels de l’histoire.
La réforme que vous appréciez le plus ?
L’abolition de la peine de mort en France en 1981.
La qualité que vous préférez chez les femmes ?
Leur douceur, leur résilience.
Et chez les hommes ?
La patience.
Dans quel pays aimeriez-vous vivre, si vous ne viviez pas en France ?
L’imaginaire me va bien.
Qu’appréciez-vous le plus chez un ami ?
La fidélité, la compréhension.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Perdre un enfant.
Votre plat et votre boisson préférée ?
Risotto et rhum Matusalem bien frappé
Quel est votre rêve le plus agréable ?
Cela ne se raconte pas.
Quelle est votre devise, si vous en avez une ?
Cela pourrait être : « Persévère dans ton travail d’écriture »
Quelle est votre occupation préférée quand vous n’êtes pas aux commandes de Gibraltar ?
Randonner en pleine nature, loin des villes
Quel est votre compositeur préféré ?
Mozart, Ennio Morricone.
Quels styles de musiques appréciez-vous ?
Musiques de films, opéras.
Quel est, d’après vous, le rôle de la Culture dans notre monde ?
Essentiel mais il est souvent absent là où les choses vont mal dans le monde.
Que peut-elle apporter à nos concitoyens ?
En finir avec l’ignorance et l’intolérance mais on en est loin hélas.
Pouvez-vous nous citer un de vos poèmes préférés ?
Andaluces de Jaén de Miguel Hernandez ou Est-ce ainsi que les hommes vivent ? de Louis Aragon
Santiago Mendieta n’a pas fini d’explorer l’Espagne de son cœur au gré de ses odyssées méditerranéennes.
Comme dans la chanson de Lluis LLach sur le poème de Miguel Martí i Pol:
Un pont de mer bleue…
Qui réveille la rumeur de tous les temps
et nous apprenne le comportement oublié des rebelles…
Un pont de mer bleue pour nous sentir côte à côte
qui fraternise des peaux et des vies différentes…
un pont d’espoir
et l’ancien phare de notre futur…
Pour en savoir plus :
1) Gibraltar, Un pont entre deux mondes https://www.gibraltar-revue.com
Dans le dernier numéro, le 11e, superbe encore une fois, Santiago Mendieta a publié l’article de Julie Imbert, une jeune journaliste belle et talentueuse sur l’Arménie, Réparer les vivants, mettant en lumière les morts et les mutilés traumatisés de cette guerre oubliée. Elle évoque la start-up ArmBionics du franco-arménien Manvel Grigoryan que l’Amicale des Arméniens de Midi-Pyrénées soutient et a soutenu par des expositions d’œuvres d’art plastique vendues au bénéfice de cette association en partenariat avec la Galerie 21 et l’Âne bleu, ce dont je me suis fait l’écho sur Culture 31.
Outre 5 fictions noires en Méditerranée et le reportage mentionné ci-dessus, ce superbe numéro que je vous recommande en offre d’autres passionnants et richement illustrés sur l’Algérie, l’autre rive du rugby, le périple de Doce, le vautour percnoptère entre Aragon et Mauritanie, ou l’heure du vermouth de retour en Espagne après un long exil etc.
2) Instituto Cervantes de Toulouse – 31 Rue des Chalets, 31000 Toulouse
3) Casa de España 85 Av. des Minimes, 31200 Toulouse
4) Ma guerre d’Espagne à moi de Mika Etchebéhère (1902-1992). C’est l’un des textes les plus forts sur la guerre d’Espagne, écrit par une internationaliste argentine francophile qui dirigea une colonne du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) en 1936-1937. On y croise des révolutionnaires antistaliniens, des anarcho-syndicalistes, des marxistes hétérodoxes, tous habité.es par la conviction d’imminents lendemains qui chantent. Ce livre porte la parole rare d’une femme au combat. A ses yeux, un chef-d’œuvre.
https://www.editionslibertalia.com
5) « Histoires retrouvées de la guerre d’Espagne » : l’Histoire dans sa chair vive