Les Banshees d’Inisherin, un film de Martin McDonagh
Nous connaissons ce réalisateur britannique depuis le multiprimé, à juste titre, Three Bilboards en 2017. Il nous livre aujourd’hui une réflexion incroyable sur le sentiment d’amitié au moment où celle-ci se déchire. Il place son histoire (Meilleur scénario Mostra de Venise 2022) dans les années 20 du siècle dernier, sur une petite île imaginaire à l’ouest de l’Irlande, un pays déjà meurtri par la guerre civile. Deux compères de toujours, Padraic (Colin Farrell, Coupe Volpi du Meilleur acteur pour ce rôle Mostra de Venise 2022) et Colm (Brendan Gleeson, simplement monumental) vivent une crise relationnelle. En effet, sans que le scénario l’explicite vraiment, Colm ne veut plus de l’amitié de Padraic, une amitié qu’il juge envahissante. Trop envahissante pour lui qui veut prendre le temps de la réflexion pour composer de la musique. Padraic ne comprend pas et va tenter de forcer la porte de son ami. Ce dernier lui donne un ultimatum assez bizarre vu qu’il est violoniste. Padraic n’y croit pas et s’arcboute sur leur lien passé. Il a tort…
Alors que rôde sur l’ile une banshee, personnage légendaire de la mythologie irlandaise censée annoncer la mort, une véritable course à l’abîme démarre pour les deux hommes au milieu d’une nature dont on sent bien la puissance tutélaire. Cette fable sur l’amitié perdue est d’une noirceur redoutable, même si quelques éclairs peuvent faire timidement sourire. Si tous les seconds rôles sont d’une authenticité aveuglante, en particulier l’émouvant Dominic de Barry Keoghan, reconnaissons que le film est porté par un duo d’acteurs époustouflants de sincérité. Et quel plaisir de retrouver Colin Farrell au mieux de son talent avec certainement le meilleur rôle de sa carrière. Il est bouleversant, tout à la fois perdu, hésitant, pour finalement sombrer dans une autre personnalité… Il y a beaucoup à dire sur le thème infini de l’amitié. Un autre film à l’affiche aujourd’hui, Nostalgia, se charge d’un autre commentaire sur le sujet. Mais pour l’heure, le film de Martin McDonagh nous plonge dans les contrées les plus arides de ce sentiment.
Une œuvre somptueuse !