Dacquois de naissance, ce jeune Toulousain d’adoption de 29 ans s’est installé dans la Ville rose pour la plus grande partie de son parcours universitaire, parcours qui s’est achevé à l’Université d’Aix Marseille sur un Master 2 spécialisé dans l’Administration des entreprises culturelles. Et tout cela en poursuivant un cursus musical couronné par un diplôme de trombone au Conservatoire de Toulouse, instrument qu’il continue de pratiquer dans des formations de la région toulousaine.
Culture 31 : Quelle est votre fonction au sein d’Aïda et rappelez-nous ce que signifie ce sigle ?
Vincent Lauga : Il y a six ans, j’ai intégré Aïda, l’Association des Industriels et Entreprises Amis de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, pour un stage qui s’inscrivait dans mon parcours universitaire. Aujourd’hui, j’en suis le Délégué général en charge notamment du mécénat pour l’Orchestre et l’Opéra national du Capitole. Aïda est une association qui va fêter ses 35 ans d’existence en 2023. Elle a été créée par Michel Plasson, que l’on ne présente plus, et Claude Goumy, pdg alors de Matra Espace. Cette association a été parmi les premières à porter un projet de mécénat collectif d’entreprises associé à un orchestre symphonique en France. La mission première d’Aïda est de soutenir et d’accompagner le rayonnement national et international de l’Orchestre et de l’Opéra national du Capitole. Aujourd’hui elle compte entre 80 et 90 adhérents et des mécènes ponctuels pour le financement de certains projets du Capitole. Depuis quelques années, l’association a élargi son action avec l’Opéra et le Ballet du Capitole par un mécénat en faveur de grands projets artistiques et éducatifs ainsi que l’organisation de soirées prestigieuses pour les entreprises. L’objectif d’Aïda est également d’ouvrir l’accès à la musique au plus grand nombre notamment par le biais d’une saison musicale exclusive pour nos entreprises et par un programme récemment créé pour la jeunesse : le mécénat solidaire.
Quelles sont les ressources d’Aïda ?
VL : Le modèle économique est assez simple. Les ressources sont constituées exclusivement par les dons des entreprises mécènes. Ces entreprises adhèrent à l’association et deviennent ainsi mécènes d’un projet de l’Orchestre ou de l’Opéra national du Capitole. Une part de cette levée de fonds est fléchée sur les frais de fonctionnement de l’association, le reste est reversé à l’Orchestre / Opéra dans le cadre d’une convention avec Toulouse-Métropole. En résumé, 100% de financement privé, pas de ressources publiques et uniquement une levée de fonds auprès des entreprises.
Quel est le profil de vos mécènes ?
VL : Il est lié à l’activité économique de notre territoire et de ce fait nous suivons celle-ci dans toutes ses géométries d’évolution et de mutation. Aujourd’hui nous retrouvons l’écosystème de l’aéronautique et du spatial bien sûr, ce sont les « historiques », tout comme le BTP ou le secteur bancaire. Il est également important de préciser que nous avons également un grand nombre de TPE et PME membres de notre association. Donc un panel très large tant en termes de secteurs concernés que de dimensions. Sur certains projets, nous nous orientons également vers les fondations d’entreprises.
Comment définissez-vous un budget annuel et quel est son montant ?
VL : Le budget annuel de Aïda tourne autour de 500 000€. Notre objectif ensuite est de maitriser notre gestion interne afin de maximiser le mécénat et le soutien en faveur de l’Orchestre et de l’Opéra.
Quelles sont les actions de mécénat d’Aïda ?
VL : Il y a principalement deux types d’action. Les actions prospectives concernant la levée des fonds. C’est un sujet très technique et de plus en plus concurrentiel. Depuis quelques années, nous voyons apparaître de nouvelles causes dans le mécénat avec des acteurs spécialisés sur ce sujet. Ensuite la stratégie sur l’objet de notre financement. Historiquement, la mission d’Aïda était de contribuer au rayonnement de l’orchestre en intervenant sur trois grands axes : les tournées nationales et internationales / la discographie / la présence audiovisuelle (Radio Classique, Mezzo…) Notre objectif aujourd’hui est de contribuer et de soutenir le prestige artistique de l’Orchestre et de l’Opéra qui sont de merveilleux ambassadeurs culturels pour notre territoire. Notre offre permet de faire participer nos adhérents, leurs collaborateurs, clients et partenaires, à des évènements musicaux de très grande qualité. C’est en fait tout un écosystème qui s’est créé entre un tissu économique et un environnement culturel. Le succès d’Aïda repose sur ce concept. Aujourd’hui de nouveaux secteurs d’activité nous rejoignent : le tertiaire, le numérique, des cabinets d’architecte, etc. Nous ne devons jamais oublier que le mécénat est un écho des transformations de la société. Résultat, de nouvelles causes apparaissent et il nous appartient d’imaginer des engagements croisés. Par exemple accompagner des projets autour de l’éducation, de la jeunesse, des publics éloignés ou en situation de fragilité. Les entreprises s’engagent de plus en plus au travers de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises : ndlr) et nous devons les suivre sur ce terrain. Nos actions doivent être compatibles avec ce mouvement de fond et cette démarche citoyenne. Notre stratégie est donc de nous adapter à ces mouvements par des offres destinées aux entreprises locales mais aussi aux fondations d’entreprises. Nos propositions se répartissent ensuite en fonction des demandes mais s’orientent essentiellement vers des prestations évènementielles, des relations privilégiées avec les artistes et de la visibilité donnée en lien avec les projets soutenus.
La crise du Covid a-t-elle fait bouger les lignes ?
VL : Avec le recul que nous avons aujourd’hui, financièrement l’impact est assez maitrisé. Ce qui a changé, c’est la chronologie dans la prise de décision des entreprises et donc la durée des négociations. Le process dans les grandes entreprises a également évolué. Par le passé, le mécénat était souvent à la main d’une seule personne qui avait autorité sur l’engagement financier. Aujourd’hui, cette même décision de mécénat et d’engagement est parfois soumise à un contrôle éthique, juridique et budgétaire. Le mécénat devient de nos jours un sujet à part entière dans la stratégie de l’entreprise. Celle-ci s’associant à une cause, il en découle d’importants enjeux de visibilité et de communication. Des services dédiés au mécénat et à la RSE sont créés au sein des entreprises et orientent les engagements de la structure. Ces dernières s’engagent de plus en plus sur des causes globales comme l’environnement, la santé, l’éducation, causes qui ont également besoin de financement. La Culture à l’état pur n’est plus forcément une priorité.
Quelles sont les attentes de vos mécènes ?
VL : Nous devons répondre à leur demande et n’avons pas vraiment de formule standardisée. Il faut être créatif et savoir travailler sur mesure et à l’écoute. Le secteur bancaire n’a pas les mêmes attentes que le secteur industriel, les TPE et les multinationales non plus. Néanmoins, la première attente c’est l’événement, voir un concert, un opéra ou un ballet au plus près et dans des conditions privilégiées. Ensuite rencontrer des artistes est fondamental. C’est un luxe inouï du domaine du rêve. Ils sont l’essence même de la cause. Aïda sert à faciliter cette rencontre extraordinaire entre le mécène et l’artiste. Ensuite il y a les enjeux internes à l’entreprise. Comment cette dernière va pouvoir valoriser son mécénat en faisant participer des collaborateurs, des clients, des partenaires, des prospects ou autres. En interne cela peut permettre non seulement de créer une culture d’entreprise mais aussi de resserrer les liens entre les équipes en célébrant par exemple l’aboutissement d’un grand projet. En fait, il y a énormément de connexions entre l’excellence artistique et celle qui relève de l’entreprise. La Halle aux grains et le Théâtre du Capitole sont des lieux extraordinaires pour échanger dans un cadre moins austère qu’un bureau. Ne négligeons pas un champ très particulier qui est celui de l’appartenance à un club, une structure dans laquelle on partage les mêmes valeurs et volontés de s’impliquer pour une cause et un territoire.
Quels sont vos arguments pour faire entrer ou fidéliser un mécène ?
VL : Le prestige et l’excellence des acteurs que nous avons la chance d’accompagner : l’orchestre, l’opéra et le ballet. Il n’y a pas mieux en terme d’image. Ensuite il nous faut rendre possible les attentes de nos mécènes, tant en termes de demande que de calendrier. Aïda en la matière tient un rôle d’équilibriste. Ce dont il faut bien se rendre compte c’est que l‘importance du mécénat est une réalité relativement récente dans certaines structures qui auparavant le considéraient comme un surplus destiné au financement de projets complémentaires. Aujourd’hui le modèle économique de la Culture évolue notamment dans la répartition entre le financement public et le mécénat privé. Il reste de nombreuses pistes à explorer, je pense entre autres aux nouvelles pratiques telles que la numérisation de la levée de fonds, la mise en place de projets culturels croisés mais aussi les locations d’espaces, le marchandising … afin d’attirer de nouveaux acteurs.
Quelles ont été vos réalisations et comment ont-elles été choisies?
VL : Les orientations stratégiques d’Aïda sont fixées par notre Conseil d’Administration qui est exclusivement composé de membres de l’association. Les équipes artistiques représentées par Christophe Ghristi pour l’opéra, Kader Belarbi pour le ballet, Jean-Baptiste Fra pour l’orchestre et Claire Roserot de Melin en tant qu’Administratrice générale nous proposent des sujets. Il nous faut ensuite jauger de la capacité de levée de fonds pour tel ou tel projet et prendre en compte la chronologie possible. C’est ici la véritable expertise d’Aïda en tant que structure spécialisée dans le mécénat culturel. Comment transformer un très beau projet artistique en offre extrêmement attractive pour un mécène ? Il nous appartient alors de créer une émotion plutôt que de faire une démarche purement commerciale. Nous imaginons ensuite une offre de levée de fonds avec un argumentaire, une projection et des contreparties associées. N’oublions pas l’argument de la réduction fiscale liée aux dons faits à notre association. Il est fondamental d’être créatif afin de satisfaire le mécène et ainsi le fidéliser dans la durée. N’oublions pas non plus que la préservation des acquis dans le mécénat n’est jamais garantie. Une dernière chose, un mot fondamental dans notre métier, ne jamais oublier de dire « Merci ! » Peu importe le montant du don.
Quels sont vos projets ?
VL : Ils sont nombreux. D’abord poursuivre la transformation de l’association en véritable structure d’ingénierie professionnelle de mécénat. Nous devons nous adapter à des changements majeurs et être proactif. C’est un enjeu vital afin qu’Aïda continue d’accroitre ses ressources. Le renforcement de nos liens avec les équipes de l’Orchestre et de l’Opéra est essentiel pour poursuivre notre développement et répondre aux attentes légitimes de ces grandes institutions. Nous nous engageons également dans de nouveaux projets tels que le récent Festival de Toulouse dont la première édition a eu lieu à l’été 2022. L’objectif est finalement assez simple : répondre aux demandes des acteurs culturels tout en s’adaptant et anticipant les évolutions et transformations au sein des entreprises. C’est un sujet véritablement passionnant.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
> Association Aïda
> Brochure Aïda 2022 / 2023
> Orchestre national du Capitole
> Opéra national du Capitole
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