L’ouverture de la quarantième saison des Arts Renaissants vient de se faire en l’Auditorium Saint- Pierre-des-Cuisines devant un public particulièrement attentif, nombreux et chaleureux.
Au programme, l’exigeant exercice de la sonate représentée ici par trois chefs-d’œuvre signés Robert Schumann et Johannes Brahms.
La soirée débute …à l’inverse de ce qu’annonce le programme ! C’est donc celui qui est considéré par certains et au grand dam du compositeur lui-même, Johannes Brahms, comme le successeur de Ludwig van Beethoven, qui a l’honneur d’inaugurer ce récital avec rien moins que ses sonates n°1 et n°2 pour violon et piano. De la première, Clara Schumann, la bien-aimée inaccessible du compositeur, écrit en 1879, année de la composition et de la création, « J’aimerais que le dernier mouvement puisse m’accompagner dans l’autre monde ». Cette sonate dite « de la pluie », reprend dans son dernier mouvement donc, allegro molto moderato, un thème que Johannes Brahms a employé dans l’un des Huit lieder de l’opus 59 (le n°3 pour les amateurs) dans lequel il est question de nostalgiques souvenirs délicieusement humides dans la chaleur accablante de l’été … Cette sonate est considérée comme l’une des pièces maîtresses du répertoire romantique de musique de chambre. Suit la n°2 dans laquelle les amateurs d’art lyrique n’auront aucun mal en entendant ses trois premières notes de reconnaître un motif des Maîtres chanteurs wagnériens composé en 1868 et plus particulièrement les débuts d’un air de Walter. Clara Schumann, toujours elle, déclara à son sujet qu’aucune autre œuvre de Johannes Brahms ne l’avait autant ravie. Nous pouvons la comprendre aisément. Le changement dans l’ordre du programme décidé par les artistes de ce soir avait pour but de terminer, et non de commencer, ce concert par l’op 105 de Robert Schumann, en fait sa sonate pour violon et piano n°1. De manière assez surprenante, l’histoire nous dit que le compositeur n’appréciait pas du tout cette œuvre et qu’il espérait qu’en la matière sa seconde serait meilleure ! Fort heureusement il n’a pas détruit cette partition qui compte aujourd’hui parmi les plus jouées du répertoire.
En ce soir du 17 novembre 2022, deux artistes doivent communier, s’écouter, se compléter, dialoguer et s’accompagner sur le plateau de Saint Pierre des Cuisines. L’exercice est beaucoup plus que musical. Il est question ici de respirations, de regards. Ce sont la violoniste Sayaka Shoji, première japonaise à remporter le prestigieux concours Paganini, et le pianiste natif de la Ville rose, Adam Laloum, maintes fois acclamé sous tous les cieux toulousains. Si l’on peut reconnaitre, apprécier voire être impressionné par la virtuosité et le sens profond de la dynamique ainsi que le sens musical de cette musicienne venue du Pays du Soleil levant, force est aussi de constater l’absence chez elle « d’empathie musicale » pour son alter ego. Le dialogue semble lointain même si la mesure tombe juste. Le trait, très technique, paraît souvent étranger au discours. Devant son piano, Adam Laloum est tout le contraire. Souple, aérien, d’une légèreté de toucher voluptueuse, observant avec une attention que l’on imagine emplie de jubilation musicale sa partenaire, nous donnant à entendre un son d’un velours rare et d’une rondeur vertigineuse. C’est lui qui nous fait pénétrer l’âme romantique de ces sonates. Et tout cela avec un naturel, une élégance de la phrase, une générosité et une virtuosité qui nous comblent de bonheur. C’est certainement pour l’entendre à nouveau que le public a réclamé un bis. Ce sera un extrait de la Romance n° 2 pour violon et piano de Robert Schumann. Comme un moment de joie qui s’éternise…
A noter impérativement le prochain rendez-vous de cette saison des Arts Renaissants. Ce sera le 6 décembre en l’Eglise Saint-Jérôme de Toulouse à 20h. Au programme des concertos de Vivaldi par l’ensemble Gli Incogniti sous la direction de la violoniste Amandine Meyer.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse