L’Hôtel des ventes de Toulouse. 1000 m2. Imposant. Silencieux. Maître Marambat s’annonce avec un sourire éclatant. Chaussettes bleu Klein, boutons de manchettes assortis, veste prince de Galles, chemise rayée, cravate rayée différemment. Un dandy 2.0. Je l’attendais marteau au poing, sévère. L’outil restera sur le bureau de son office, près des catalogues et des Beaux Livres. Habitué à raconter les objets, il narre avec brio les différents aspects de son métier.
Bonjour, en quoi consiste vos journées ?
Notre métier est une « chasse aux trésors ». Pour capter des objets, nous faisons beaucoup d’expertises à l’hôtel des ventes et nous nous déplaçons également souvent chez les clients pour voir les objets , raison pour laquelle nous sommes physiquement présents avec mon associé Francois de Malafosse dans 3 villes Toulouse, Albi et Montauban . D’autre part, une fois que les vendeurs nous ont confié leurs biens, nous passons beaucoup de temps à l’organisation et la réalisation de la vente aux enchères . La communication est devenue essentielle, internet, réseaux sociaux, journaux spécialisés pour la mise en concurrence d’un maximum d’acheteurs et obtenir ainsi les enchères les plus élevées….
Avez-vous une spécialité ?
J’ai une spécialité en bijoux et pierres précieuses après avoir suivi une formation et un diplôme en gemmologie à Paris. Néanmoins, Le commissaire-priseur reste un généraliste du Marché de l’Art. Lorsqu’on rentre dans une maison, on doit avoir une idée sur tout, d’un coup d’œil circulaire : tableaux, les meubles, les bronzes, la faïence, les livres, les timbres, la numismatique, les bijoux….. nous devons éviter de passer à côté de quelque chose qui pourrait avoir une valeur commerciale. Par ailleurs, Les experts nous assistent dans leurs spécialités afin de nous fournir un complément de connaissances par exemple en Arts d’Asie, en numismatique, armes, livres….
Diriez-vous que votre métier est monotone ?
Absolument pas, c’est un métier protéiforme qui induit mobilité et sensibilité dans monde en perpétuel mouvement. On passe de l’expertise pure et simple à la communication, à la gestion d’une équipe. C’est un métier très concurrentiel où il faut être réactif et dynamique. La monotonie, c’est peut-être juste la lourdeur administrative qui prend parfois beaucoup de place et source d’inertie…..
Votre métier est-il une vocation ?
C’est un concours de circonstance. J’étais plutôt scientifique mais j’ai choisi des études de Droit en pensant devenir notaire mais sans grande conviction. Ma sœur qui faisait des études d’histoire de l’art à la Sorbonne et à l’École du Louvre m’a influencé dans mon choix de poursuivre en ce sens pour devenir commissaire-priseur. Mes parents ont suscité mon éveil, mon père était passionné de littérature et ma mère a toujours aimé mélanger l’éclectisme des objets et des époques.
Quelles sont les qualités les plus utiles pour être commissaire-priseur ? Faut-il un talent particulier ?
C’est un métier qui requiert rigueur, psychologie, curiosité, ouverture sur le monde et ses cultures. Je crois aussi beaucoup à la valeur du travail. La dimension commerciale est prépondérante. La négociation est un peu le nerf de la guerre dans ce métier très concurrentiel. Il y a aussi l’empathie envers nos clients car nous intervenons dans des moments parfois conflictuels, successions, divorces partages de famille, divorce….on doit établir une relation de confiance puisque nous jouons souvent un rôle de juge de paix.
Et la qualité de showman de ce métier ? La dimension de spectacle ?
On se doit d’être un bon vendeur, donner du rythme à la vente, susciter l’adhésion des enchérisseurs présents en salle, derrière leurs ordinateurs, leurs téléphones pour espérer faire grimper les enchères…. mais la vente n’est pas un saut dans le vide, il y a tout un travail préalable grâce aux ordres d’achat que l’on reçoit et qui nous nous donne avant la vente le «pouls du marché» !
Quels sont les aspects du métier que vous aimez le moins ?
Nous travaillons sur un temps court, quelques semaines pour organiser et réaliser des ventes de plusieurs centaines d’objets qui vont être dispersés en quelques heures….une enchère dure en moyenne une minute ! On éprouve parfois un sentiment de frustration de ne pas avoir passé plus de temps pour se pencher sur un sujet et communiquer sur la dimension artistique des œuvres . On se doit d’être précis dans nos descriptions car on engage notre responsabilité, proactif et faire la meilleure publicité en vue de mettre en concurrence le plus d’acheteurs possibles : tel est notre crédo !
La Part du numérique dans votre travail ?
L’internet a été une révolution dans notre profession en nous permettant de nous déployer dans un monde globalisé. Cela a permis a notre maison de ventes de réaliser plusieurs enchères millionnaires au cours de ces 10 derniers années . L’impact du numérique, c’est plus d’agilité, mais aussi une perte de convivialité avec de moins en moins d’acheteurs en salle puisque les ventes sont désormais toutes dématérialisées. Cependant, l’expertise d’un objet de visu est indispensable. Impossible d’expertiser sérieusement et d’évaluer un bijou au travers d’un écran même si c’est plus facile pour un tableau !
Êtes-vous amené à voyager pour votre travail ?
Nous avons une compétence nationale, ce qui nous amène a travailler ponctuellement dans différentes villes de l’hexagone, Paris notamment, mais l’essentiel de notre activité est régionale. Exceptionnellement, je me suis rendu en Asie pour les sceaux impériaux que nous avons vendus dans les années 2010 mais c’est assez marginal…
Une belle surprise ?
Certains objets peuvent faire basculer votre année… ce fut le cas lors des ventes des 3 sceaux impériaux adjugés à plusieurs millions dans les années 2010 . Le 3ème sceau impérial chinois que j’ai découvert était une surprise très exaltante, sa matière le jade – d’une qualité exceptionnelle – la provenance impériale que nous avons pu démontrer. J’ai travaillé dans le secret, j’ai enquêté, nous avons réuni avec l’expert Pierre Ansas des indices concordants et beaucoup communiqué ce qui a fait le succès de la vente puisqu’il a été adjugé plus de 6 millions d’euros….
Un parcours idéal pour devenir commissaire-priseur ?
Il faut avoir des connaissances juridiques et artistiques solides doublées d’une expérience qui s’acquiert tout au long de sa vie professionnelle. C’est un métier qui requiert beaucoup d’humilité…. tant les disciplines sont nombreuses et complexes.
Si vous deviez changer de métier ?
Peut-être un métier ou la dimension humaine serait plus centrale. En effet, nous vendons surtout du rêve !!
Un artiste : Picasso
Un livre : A Rebours de Huysmans
Un film : Le Gatsby le Magnifique de 1974 ou Lost in Translation de Sofia Coppola
Une chanson : Kate Bush, la compilation « the Whole Story”
Un endroit : Le Dôme de La Grave, je vénère cette vue !
Toulouse c’est Rome en moins bien !
Les prochaines ventes sur : https://www.marambat-malafosse.com/
Maître Xavier Marambat
Commissaire-priseur & Expert près la Cour d’appel
Diplômé en gemmologie
Hotel des ventes de Toulouse
7 rue d’Astorg – 05 63 38 30 68
Entretien réalisé par Karine Satragno