Ein deutsches Requiem, ce sera à la Halle aux Grains de Toulouse, le samedi 15 octobre à 20h. Sous la direction du chef David Reiland, ce sont les musiciens de l’Orchestre national du Capitole et le Chœur de l’Opéra national du Capitole qui œuvre, formé par son Chef de Chœur Gabriel Bourgoin. Pour interpréter cet oratorio les deux solistes sont la soprano Sunhae Im et le baryton Edwin Crossley-Mercer.
David Reiland est directeur artistique et musical de l’Orchestre National de Metz Grand Est depuis 2018 et du Korean National Symphony Orchestra depuis 2021. Il parle couramment plusieurs langues dont le français, l’allemand, l’anglais et l’italien. Il est aussi actuellement directeur artistique et musical du Sinfonietta Lausanne, ainsi que Premier chef invité de l’Orchestre symphonique de Munich. Encore un chef qui ne chôme pas !! sans parler de son statut de chef invité ce qui lui permet d’être à la Halle, de diriger l’OnCT, et le Requiem allemand.
« Plutôt qu’Un Requiem Allemand j’aurais dû le titrer Requiem humain » dira Brahms en précisant ainsi tout le sens universel.
Le Requiem de Johannes Brahms, définitif, comporte sept mouvements. Seul, le V est pour chœur et voix de soprano. Le III et le VI sont pour chœur et voix de baryton. Il a été composé non sur des paroles latines, mais sur des paroles allemandes, d’où son nom de Requiem allemand.
Achevé en 1868, année où il ajoute un dernier mouvement, il est le fruit d’une longue période de maturation commencée en 1857, début d’un voyage spirituel pour cet être, ni athée, ni agnostique, voyage qui se poursuivra tout au long de sa vie, parsemée d’œuvres en rapport. Alors que le Requiem latin est une prière pour la paix des défunts que menacent les terreurs du Jugement Dernier, les paroles choisies par Brahms, dans les versets de la traduction de la Bible par Martin Luther, sont destinées aux vivants : la fin de l’existence terrestre, loin d’être redoutée, apporte la paix et la délivrance de toutes peines et soucis. Sur une durée de 75 minutes environ, son œuvre s’adresse à l’humanité entière, à tous les croyants, sans distinction ni de race, ni de religion.
Par suite du choix fait par Brahms, dans les Saintes Écritures, d’épisodes se rapportant à la Vie, la Mort et l’Éternité, il a été forcément amené à faire passer à travers cette composition semi-religieuse un souffle romantique et printanier, évoquant le souvenir de ses plus beaux lieder. A côté de pensées empreintes de tristesse s’épanouissent des hymnes d’espérance, de triomphe. Brahms a tiré le plus heureux parti de ces contrastes.
Brahms n’a rien à voir avec cette Mort baroque et superbe contre laquelle lutte l’homme dans sa terreur sacrée du jugement. La mort ne vient pas, elle est déjà là, tapie en nous, c’est elle qui « ose soudain rire en nous quand nous nous croyons au milieu de la vie » (Rainer Maria Rilke). Dans cette conception, il n’y a pas de combat, de fuite dans l’amour – et Brahms n’était pas porté vers l’amour mais vers la charité -, « aussi la mort devient quasiment douce et fraternelle et l’angoisse ne peut se résoudre que dans une sorte de consolation maternelle comme une voix de soprano séchant toutes les larmes et apaisant l’enfant affolé que nous ne cessons d’être. »
« Comme un homme que console sa mère ainsi je vous consolerai ».
Cet extrait du texte du cinquième mouvement pourrait définir l’esprit tout entier voulu par Brahms dans son Requiem Allemand. « On n’écrit véritablement qu’entre cicatrices et sanglots » dit Jean-Michel Maulpoix et ainsi a dû composer le plus souvent Johannes Brahms. La mort est d’ailleurs une compagne familière pour Brahms et elle serpente en toute liberté dans son œuvre faisant quasiment partie du paysage, immuable et proche. « La mort, c’est la fraîche nuit. La vie, c’est le jour accablant » (Heinrich Heine), et ceci depuis les premiers lieder jusqu’aux chants ultimes des Quatre Chants Sérieux écrits dans l’urgence noire des textes de l’Ecclésiaste près de vingt ans plus tard mais avec la même conviction solitaire.
« J’ai estimé les morts qui sont morts plus heureux que les vivants qui sont encore en vie».
Avant d’oser affronter les profondeurs du Requiem et ses propres abîmes, Brahms s’était longuement préparé. Il sait manier les masses chorales car il a assuré le poste de chef des chœurs aussi bien à Dortmund, dès l’âge de 24 ans, qu’à Hambourg et bientôt à Vienne. Il a composé pour ce type de formation plus d’une quarantaine de pièces. Psychologiquement, il est aussi prêt.
Très tôt, il aura assumé ce statut d’orphelin au monde avant que la double perte de Schumann et de sa propre mère l’ancre vraiment dans la chair de cet état. La perte d’ailleurs de sa mère l’aurait, paraît-il, fortement motivé pour le dernier mouvement, rajouté.
Le Requiem est une œuvre grave au croisement des heures ultimes et c’est un trentenaire qui l’écrit. Qui aurait cru, à part ses proches, que ce jeune pianiste de trente ans avait le souffle et la spiritualité nécessaire pour affronter non seulement l’immensité de l’œuvre mais aussi incidemment toute l’histoire de la musique ? Timide oui, mais audacieux comme le disait Clara Schumann. La défiance de Brahms devant la vie ou du moins ses complications, le refus de s’attacher ailleurs qu’en amitié et sa vénération des choses simples, tout cela va se retrouver dans son regard sur le monde. Son rapport avec sa mère, être bon et fruste, plus âgée de dix-sept ans que son mari, sera celui du dévouement et de l’adoration.
Orchestre national du Capitole