Trois mille ans à t’attendre, un film de George Miller
En 2015, George Miller, ce réalisateur australien nous avait littéralement cloués sur notre fauteuil avec Mad Max Fury Road. Nous l’attendions impatiemment pour une suite annoncée. Sauf que George Miller décide de faire une pause post-apocalyptique et nous entraîne dans un film déroutant mais fascinant qui flirte sérieusement avec…Les Mille et Une Nuits !
Alithea, quinqua britannique bon teint, est narratologue de profession. La voilà à Istanbul pour une conférence sur sa spécialité. Flânant dans le Grand Bazar, elle fait l’acquisition fortuite d’un vieux flacon de verre. De retour dans le somptueux hôtel qui l’héberge, elle se met immédiatement en devoir de redonner un certain éclat à l’objet. Surprise, un génie s’en échappe, un djinn. Libéré de sa prison de verre, il lui offre la réalisation de trois vœux. Coutumière de ce genre de propositions au travers des différents mythes et légendes qui font le quotidien de son savoir, Alithea refuse. Au grand dam du djinn qui voyait là l’occasion de retrouver définitivement sa liberté. Entre les deux personnages va s’établir une relation qui, de la courtoisie à la discussion philosophique s’inclinera petit à petit vers des échanges d’un autre genre… Avant cela, le djinn lui aura raconté sa vie, lui faisant part de ses rencontres avec la Reine de Saba, Salomon, Soliman le Magnifique et bien d’autres. Tout cela illustré à l’écran dans une mise en scène stupéfiante de kitsch totalement bluffant et parfaitement assumé. Mais le scénario, inspiré du roman de A.S. Byatt publié en 1994, va bien plus loin que les péripéties amoureuses et rocambolesques du malheureux génie. C’est l’occasion pour le cinéaste d’une jubilatoire dissertation au sujet des contes, légendes et mythes nourrissant notre imaginaire et percutant la réalité scientifique.
Dans le film de George Miller, deux comédiens extraordinaires se partagent ce récit. Tilda Swinton, Alithea en proie à une solitude dont elle pensait s’en être fait un rempart, et Idris Elba, djinn oscillant entre entité redoutable et jeune homme au regard d’enfant. A eux deux, ils tracent en fait le portrait magique du cinéma, celui qui nous fait dériver avec délice sur les eaux vaporeuses de l’imagination. Aladin ou la Lampe merveilleuse revisité, certes, mais pas spécialement à destination des plus jeunes.