C’est la quarante-troisième édition de ce Festival, Piano aux Jacobins, rendez-vous incontournable du monde pianistique en fin d’été et ce, bien au-delà des frontières de l’Occitanie. Voilà plus de quarante ans que ce Festival fait vibrer les briques du cloître toulousain. Encore une édition qui s’annonce, comme autrefois, une grande fête du piano et de la musique avec ses moments d’exception pour chacun des rendez-vous. Et la meilleure façon de se relever, artistes et public, du cataclysme subi tout récemment.
La forte identité du Festival est reconnue depuis bien des années. Cela ne l’empêche pas de la conforter encore et toujours, en rassemblant un éventail de jeunes talents en devenir, autour d’artistes dont les atouts les ont déjà placés au faîte de leur carrière. Des musiciens qui sont venus et reviennent et reviennent encore, d’une fidélité indéfectible au Festival, captivés par le lieu et par, disons-le, le charisme et l’empathie des créateurs du Festival, toujours présents. Les, Nelson Goerner, Bertrand Chamayou, sans oublier les, Christian Zacharias, Joaquin Achucarro sont régulièrement des compagnons de route et nous deviennent si familiers. Le public est conquis d’avance.
Quelques mots sur le lieu lui-même, ce Couvent des Jacobins, érigé dès 1229 et achevé vers 1350. Véritable joyau de l’art gothique languedocien, l’église des Jacobins est un monument exceptionnel empreint d’une profonde harmonie. On la traverse pour accéder au grand cloître où l’on peut prendre place, dans les galeries qui le délimitent, mais aussi dans la salle capitulaire. C’est dans sa petite chapelle que le piano attend l’artiste qui, lui-même, gère peut-être son trac dans la Chapelle Saint-Antonin attenante. La beauté de l’ensemble le doit à une formidable restauration au cours du siècle précédent et plus particulièrement vers 1950.
Du 9 au 30 septembre, ce sont seize artistes de générations et de sensibilités différentes qui participent à cet éventail aussi large et diversifié que possible de l’univers du piano. Le Festival ouvre le vendredi 9 avec le Premier Prix 2021 du fameux concours Clara Haskil décerné donc à la pianiste japonaise Yumeka Nakagawa qui succède à ce niveau à un certain Adam Laloum. Souhaitons à la lauréate la même brillante carrière que poursuit ce pianiste, cher au cœur des toulousains. Son programme pour ce récital va de Schubert à Liszt en passant par la redoutable Sonate op. 1 d’Alban Berg. Elle retrouve lors de ce Festival, le Président du jury du dit concours à savoir Christian Zacharias dont la renommée en tant que pianiste n’est plus à faire. Il est aussi un chef reconnu, avouant très humblement que « le piano ne lui suffit plus… » ! mais c’est ou fut encore un directeur de festival, un musicologue, un écrivain ou encore un producteur. L’artiste est bien l’un de ces hommes, intègre et charismatique, aux talents multiples. C’est un fidèle parmi les fidèles du Festival, il est présent le mercredi 14 avec Schubert et Tchaïkovski.
La veille, mardi 13, c’est une pianiste venue de Géorgie, Salome Jordiana, formée aux Etats-Unis, qui se distingue déjà par, le nombre de Premier Prix glanés dans de nombreux concours, son activité débordante, l’étendue de son répertoire et toute la détermination mise dans chacune des partitions que l’on retrouve dans son programme, de Rameau à la Sonate n° 3 de Brahms, qui n’est pas une petite affaire.
Dans la programmation des artistes, on rencontre toujours au moins un pianiste qui propose un véritable kaléidoscope d’œuvres connues et d’autres plus confidentielles. Le “coupable“ pour ce cru 2022 s’appelle Finghin Collins, pianiste irlandais qui prend plaisir à vagabonder dans d’innombrables partitions et fait son choix qui va, pour ce crue, de Josef Haydn à Amy Beach. C’est pour le vendredi 16. La liste des œuvres me paraît tout à fait réjouissante, et peut exciter notre curiosité.
Le jour précédent, soit le jeudi 15, la pianiste Nathalia Milstein ne fuit pas les difficultés et se lance dans un programme coriace, très exigeant puisqu’on se doit d’énumérer qu’il commence par la Suite bergamasque de Debussy, suivi de Prélude, Choral et Fugue de César Frank. Pas de répit avec les 6 pièces, op. 19 de Tchaïkovski et aucun repos ou si peu avant de clore avec la redoutable D 760 de Franz Schubert, j’ai nommé la Fantaisie « Wanderer ». On sait qu’elle fut à très bonne école avec un certain Nelson Goerner, qui ne fut pas la seule bonne fée qui a pu se pencher, auprès d’elle, sur le clavier. Jeune, elle accumule les prix lors de concours, et poursuit déjà une brillante carrière.
Dans le cadre du Palazzetto Bru Zane, Salle de concert de musique romantique française à Venise, le cloître accueille le mercredi 21 une pianiste singulière, Marie Vermeulin dont le programme est consacré à trois compositrices françaises méconnues, je l’avoue, à savoir : Virginie Morel dans ses Huit études mélodiques, Charlotte Sohy dans Sonate et Mel Bonis dans Femmes de légende. Les curieux se déplaceront en masse et pourraient être agréablement surpris au-delà de la découverte.
« J’ai passé toute ma vie à la recherche de ce son qui fait que le piano suggère et rappelle le chant », confie Joaquín Achùcarro, une légende du piano espagnol. La liste des phalanges avec lesquelles il a collaboré impressionne, tout comme la richesse d’un répertoire très attaché au romantisme et à la première moitié du XXe siècle. Il nous le prouve avec ce programme qui vous attend le jeudi 22, allant de Mozart à Rachmaninov en passant par Chopin, Liszt et Scriabine.
Avec Josu de Solaun le vendredi 23 et Marc-André Hamelin le lundi 26, vous n’échapperez pas aux 3B. Soit, le premier nommé, c’est avec un récital tout Brahms qu’il se présente au Cloître dont les 4 Ballades suivi des 4 Pièces pour piano puis la Sonate op. 1 et pour clore les Variations sur un thème original. Quant au second, ce seront deux sonates de Beethoven, la n°3 et le monument, la n°29, l’illustrissime « Hammerklavier », les deux précédées de la Sonate n°2 de Jean-Sébastien Bach, baptisée « Württemberg ».
Le mardi 27 à 20h, Stephen Hough nous attend avec Chopin, Scriabine, Debussy, Partita, une de ses compositions et Liszt avec le Sonnet 123 de Petrarque suivi de l’“impensable“ Après une lecture de Dante, œuvres tirées du recueil Deuxième année : Italie. Stephen Hough un pianiste virtuose flamboyant au parcours de vie impressionnant, qui trouve le temps de lire, beaucoup, écrire, peindre, composer et jouer au piano des partitions renommées mais aussi, d’autres plus, confidentielles.
Pour Bertrand Chamayou, ce sera, tous à la Halle aux Grains le jeudi 29. Avec un programme comme il les aime. Wagner, Liszt, Messiaen et re-Liszt !!! Et quelles partitions : énumération inutile. On y sera tout comme on était à Cordes-sur ciel pour un récital-découverte pour moi, il y a quelques années. Il devait “friser“ alors les 17 ans, non ?
De ces générations mêlées et de ces musiques, tout autant, classique, contemporaine, baroque, le jazz est bien là, aussi. Le samedi 10, ce sera Paul Lay dans un programme ayant comme pivot Beethoven avec Variations et Improvisations et le samedi 24, Baptiste Trotignon, en toute liberté. Un concert un peu exceptionnel puisque c’est un trio qui est attendu le samedi 17 à 20h au Metronum, le Rémi Panossian Trio dans une carte Blanche Jazz.
Le dimanche 25, vous irez jusqu’à la salle Altigone – Saint-Orens où vous attend à 16h, la jeune pianiste Aline Piboule dans un programme original intitulé : Autour du « Tombeau de Couperin de Maurice Ravel ».
Enfin, est-il besoin de présenter Nelson Goerner, un fidèle parmi les fidèles du Festival, un pianiste qui fait l’unanimité aussi bien par son talent dans le jeu pianistique, par les programmes offerts que par sa personnalité, son affabilité, sa disponibilité. On lui en voudrait un peu si le programme de ce vendredi 30, date de clôture, ne présentait pas un peu de Chopin. Ouf ! sauvé. Nous n’aurons pas une mais les quatre ballades du polonais épris de France. Pour suivre, d’Albeniz, les Cahier III et IV d’Iberia dans lesquels le virtuose argentin fera, à n’en pas douter, merveille. Un récital incontournable.
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