Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein
Qui a dit que cinéma et propagande politique ne faisaient pas bon ménage ? Ainsi, quasiment toute l’œuvre du grand Sergueï Eisenstein – de La Grève à Alexandre Nevski en passant par Octobre (la seconde partie d’Ivan le terrible fut plus problématique) – est à la gloire de l’URSS stalinienne. Le film, sorti en 1925 et s’ouvrant par une citation de Lénine, relate la révolte de l’équipage du Potemkine en juin 1905 pendant la révolution qui sera présentée comme le prélude de celle d’octobre 1917. C’est d’abord une révolte « alimentaire » qui est à l’origine de la mutinerie des marins refusant de consommer la viande avariée que leur réserve les officiers. Les marins, dont le meneur est tué durant le soulèvement, débarquent à Odessa où ils communient avec les habitants, mais les soldats tsaristes vont réprimer férocement le mouvement.
Scène culte
Le massacre des civils sur le monumental escalier d’Odessa constitue le point culminant du Cuirassé Potemkine, composé de cinq parties, avec en particulier la scène du landau dévalant les marches qui deviendra l’une des plus célèbres de l’histoire du cinéma – maintes fois citée, copiée, parodiée… Les travellings, la dynamique et la construction des plans, l’art du montage d’Eisenstein révolutionnent le langage cinématographique de l’époque. Sa caméra sculpte littéralement les visages, le chaos et la violence – des soldats de la garde impériale semblant agir comme des robots à la charge des cosaques contre la foule – prennent une dimension épique.
Cette œuvre de commande du régime soviétique démontra à quel point les images – et au premier rang le cinéma – allaient devenir une arme, un outil politique et idéologique. L’Allemagne nazie s’en souviendra ainsi qu’Hollywood transformant, au-delà de la Seconde Guerre mondiale, l’usine à rêves et le divertissement en un instrument de domination. Près d’un siècle après sa création, Le Cuirassé Potemkine conserve toute sa puissance visuelle, son énergie, son lyrisme. Un film en forme de matrice, pour le meilleur et pour le pire.
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