6e édition de Musique en dialogue aux Carmélites
Pour la 6e édition de la saison de concerts qu’elle a fondée, Catherine Kauffmann-Saint-Martin, directrice artistique de Musique en dialogue aux Carmélites, a choisi de mettre à l’honneur les grands mécènes de la musique. On l’a un peu oublié aujourd’hui, à l’époque de « l’exception culturelle » et des subventions publiques, mais la création et la condition des artistes, la diffusion de leurs œuvres, ont longtemps dépendu de la générosité et de la protection des rois, princes, aristocrates, papes, archevêques et grands bourgeois amoureux des arts. Beaucoup de chefs d’oeuvre, souvent conçus pour répondre à des commandes, n’auraient sans doute jamais vu le jour sans les relations, parfois orageuses, qu’entretinrent nombre de compositeurs et mécènes. C’est cette histoire, à travers quelques exemples illustres et quatre concerts de prestige, que se propose de raconter la belle saison 2022 de Musique en dialogue aux Carmélites.
La Comtesse Lily Pastré, mécène marseillaise
Muza Rubackyté, piano / Olivier Bellamy, récitant
Dimanche 19 juin à 16h
Le concert d’ouverture rend hommage à la comtesse Lily Pastré, née Marie-Louise Double de Saint-Lambert en 1891 à Marseille, héritière des vermouths Noilly-Prat devenue comtesse par son mariage avec Jean André Hubert Pastré. Personnage d’un courage et d’une générosité rares, elle protège et accueille pendant l’Occupation des artistes juifs parmi lesquels Lily Laskine et Clara Haskil, faisant même opérer la seconde d’une tumeur au cerveau par un grand chirurgien venu de Paris. C’est aussi durant cette période qu’elle fonde l’association Pour que l’esprit vive afin de soutenir la création artistique avant d’être après-guerre l’une des instigatrices et mécènes du Festival d’Aix-en-Provence. L’Abbé Pierre et ses Compagnons d’Emmaüs lui doivent également beaucoup. Un autre Marseillais, le journaliste Olivier Bellamy, longtemps animateur de l’excellente émission Passion classique sur Radio classique, lui a consacré La folie Pastré, la comtesse, la musique et la guerre, biographie très fouillée dont il va lire des extraits lors du concert du 19 juin, entrecoupés de pièces de Mozart, Debussy, Scarlatti, Schubert, Liszt et Chopin jouées par la grande pianiste lituanienne Muza Rubackyté.
Information importante, une rencontre avec Olivier Bellamy est organisée à la librairie Ombres Blanches, samedi 18 juin à 15h30, pour une présentation-signature de son livre. D’autre part, Muza Rubackyté dédicacera son autobiographie Née sous un piano à l’issue du concert à la chapelle des Carmélites.
Célébration des 400 ans de la chapelle des Carmélites et Monsieur de La Popelinière, mécène de Rameau
Les Passions – Orchestre Baroque de Montauban, Clémence Garcia (soprano), Flavio Losco (violon), Sylvie Moquet (viole de gambe), Yasuko Uyama-Bouvard (clavecin), Jean-Marc Andrieu (direction et flûte à bec), François Castang (récitant), Jack Thomas (texte)
Samedi 2 juillet à 20h et dimanche 3 juillet à 16h
1ère partie : Célébration des 400 ans de la chapelle des Carmélites
Ce fait est peu connu des Toulousains mais ce sont Louis XIII et son épouse Anne d’Autriche qui posèrent la première pierre de la chapelle des Carmélites le 1er juillet 1622. Pour l’anecdote, le roi promit alors une somme de 25 000 livres destinée à financer la construction de l’édifice. Une promesse de Gascon bien que faite par un Bourbon, puisque personne dans la la ville rose ne verra jamais la couleur de l’argent royal. Fort heureusement, Guillaume de Rességuier, président des enquêtes du parlement de Toulouse, prit le relais en payant les travaux de ce qui deviendra un des joyaux du patrimoine de la cité. Cette histoire, de celles où la petite rejoint la grande, est contée au public du festival par François Castang, ancien producteur d’émissions sur France Musique, d’après un texte nourri des recherches de l’historien Jack Thomas. Elle est illustrée par des musiques de ballets, composées par Louis XIII lui-même (autre fait méconnu) et interprétées par l’Orchestre-Baroque de Montauban Les Passions, sous la direction de son fondateur, le flûtiste Jean-Marc Andrieu.
2e partie : Monsieur de La Popelinière, mécène de Rameau
Après une pause, la seconde partie du concert est dédiée à Alexandre Jean Joseph Le Riche de La Popelinière (1693-1762), fermier général sous Louis XV, collectionneur, écrivain, et mécène de Jean-Philippe Rameau dont les Passions de Montauban vont donner des pièces où s’expriment toute l’inventivité et le sens des couleurs du maître de la fin du baroque français. On rappellera que Thérèse, l’épouse de Le Riche de La Popelinière, fut l’élève et la protectrice du compositeur lors de la fameuse « querelle des Bouffons » qui opposa les défenseurs de la musique française, regroupés derrière Rameau, aux partisans de l’italianisation de l’opéra français menés par Jean-Jacques Rousseau. Pour ce concert, des textes des musicologues Philippe Beaussant, Sylvie Bouissou, Denise Launay sont également au programme, toujours lus par François Castang.
Tchaïkovski et la baronne Nadejda von Meck, mécène russe
Dimanche 24 juillet à 16h
Denis Pascal, piano / Marie-Christine Barrault, récitante
Après la comtesse Lily Pastré, une autre aristocrate, russe celle-ci même si son nom ne l’indique pas, est à l’honneur du concert du 24 juillet. La baronne Nadejda von Meck (1831-1894), riche veuve de Karl von Meck qui fit fortune dans le chemin de fer, entretint une correspondance longue et passionnée avec son compatriote Piotr Ilitch Tchaïkovski, lui écrivant un jour : « Votre musique me baigne d’extase ». Cet échange de lettres enflammées ne déboucha finalement que sur une relation platonique, le compositeur considérant Nadejda comme rien de plus qu’une amie, certes très chère. Une amitié indéfectible qui lui valut trente années durant une fort appréciable pension… jusqu’à ce que cette grande bourgeoise de la Russie tsariste apprenne l’homosexualité de son génie bien-aimé. S’estimant trahie, elle mit fin sur le champ à leur relation et à son aide financière. Reste une correspondance quasi unique dans l’histoire de la musique que va nous faire découvrir la grande comédienne et remarquable lectrice Marie-Christine Barrault, en duo avec le pianiste Denis Pascal, au fil des merveilleuses Saisons de Tchaïkovski et de quelques pièces dédiées par le compositeur à sa généreuse, exclusive et très jalouse mécène.
Winnaretta Singer, princesse de Polignac, mécène américaine
Dimanche 28 août à 16h
Françoise Masset, soprano / Anne Le Bozec, piano / Zazie Delem, récitante
Les femmes mécènes se taillent la part du lion dans cette programmation, et c’est justice eu égard au rôle qu’ont joué tant d’entre elles auprès des artistes de leur temps. Le dernier concert de la saison est un hommage à l’une des plus emblématiques de toutes, l’Américaine Winnareta Singer-Polignac, fille de l’inventeur de la machine à coudre dont elle reçut un héritage considérable au même titre que ses quatre sœurs. Elle devint l’épouse du prince Edmond de Polignac et s’installa à Paris où elle tint un salon très réputé. Les plus grands de l’époque s’y croisèrent, compositeurs, écrivains, danseurs et peintres. Ses préférés étaient les musiciens, notamment Ravel, Hahn, Fauré, Satie et Stravinsky. Ils lui dédieront de nombreuses pièces ou en composeront d’autres sur sa commande. La soprano Françoise Masset et la pianiste Anne Le Bozec proposent un florilège de ces œuvres (Fauré, Hahn, Polignac, Ravel, Poulenc, Vierne, Satie, Stravinsky, Milhaud, Auric, N. Boulanger) tandis que la comédienne Zazie Delem va éclairer le parcours de la grande mécène avec des extraits de la foisonnante biographie Winnaretta Singer-Polignac, princesse, mécène et musicienne que la musicologue Sylvia Kahan lui a consacrée.
Cette nouvelle saison de Musique en dialogues aux Carmélites, par sa thématique et les personnages et faits historiques qu’elle nous fait découvrir, est certainement la plus originale qu’ait présentée Catherine Kauffmann-Saint-Martin. Une véritable fête de la musique et de l’esprit pour laquelle il est recommandé de réserver ses places rapidement, la jauge de la chapelle des Carmélites étant limitée à 200 places.
N’oublions pas que le meilleur mécène des artistes, c’est encore le public…
Musique en dialogue aux Carmélites