Goliath, un film de Frédéric Tellier
Le troisième long métrage du réalisateur français Frédéric Tellier nous plonge au cœur des scandales sanitaires qui s’ourdissent au sein même de la Communauté européenne, à Bruxelles. Effrayant, pour le moins…
Prenant à revers l’épisode de l’affrontement entre le petit berger David et le géant philistin Goliath, dont nous connaissons l’heureuse fin…biblique, le dernier opus du réalisateur de SK1 enracine son scénario dans le combat de militants, ruraux pour la plupart, se démenant pour interdire les pesticides.
Trois personnages trustent cette histoire qui pourrait être vrai. France, une activiste anti pesticide, Patrick, un avocat des causes perdues, un peu sur la touche et revenu de tout, Mathias, quadra de luxe et lobbyiste de son état. Ce dernier est au service d’une multinationale agroalimentaire. Il a pour mission de faire voter une loi au Parlement européen concernant l’autorisation de l’utilisation d’un pesticide, ici la tétrazine, produit chimique qui pourrait tout aussi bien être le glyphosate. Dans cette fiction, l’utilisation de ce produit a déjà tué. Le mari de France est d’ailleurs en chimio… L’action nous transporte dans les coulisses du pouvoir, sous les ors des puissants : ministres, conseillers, industriels. C’est là que les manipulations les plus terrifiantes s’échafaudent en même temps que s’échangent les éléments de langage. Alors que les paysans réunissent, ou du moins tentent de réunir leurs dernières forces dans des salles de sport, un célèbre scientifique publie un livre prônant l’emploi des pesticides et se retrouve piégé par des journalistes dans un restaurant multi-étoilé en compagnie des lobbyistes bruxellois.
La fiction commence à se lézarder… Le dernier opus de Frédéric Tellier est un film militant qui ne se cache pas derrière son projecteur. Il assène ses vérités avec une violence rare : manifestations, immolation, maladie… Il ne fait pas l’économie de la fracture rurale, entre teneurs et adversaires des pesticides. Peu échappent au pilori, qu’ils soient dirigeants ou non, victimes ou pas. C’est un film agressif mais nécessaire. Admirablement construit, il met en scène des acteurs épatants même si… En effet, l’avocat est ici dévolu à Gilles Lellouche. Il devait être le lobbyiste mais a demandé un transfert de rôle. En fait ce n’est pas sûr que ce fut une bonne idée, tant l’acteur est ancré dans une mythologie cinématographique. Il semble même en difficulté sur les courtes scènes de plaidoirie. Elle devait être l’avocate, finalement Emmanuelle Bercot incarne France, l’activiste écolo, un rôle qui aurait dû échoir à Pierre Niney. Elle est plus vrai que vrai, mais cela n’étonnera personne. Du coup, complètement à contre-emploi, Pierre Niney se retrouve dans la peau d’un ignoble lobbyiste au service du capitalisme le plus destructeur. Cet acteur surdoué a lui aussi du mal à se glisser dans cette peau hors de toute morale. Ce jeu de chaise musicale, à vrai dire inexplicable, n’enlève que peu de choses à tout l’intérêt de ce film dressant un constat accablant des élites qui gèrent notre vie.
Frédéric Tellier – Bientôt L’Abbé Pierre
Le jeune Frédéric s’oriente tout d’abord vers des études de sport, puis bifurque vers le commerce et la publicité. Sa rencontre avec des cinéastes, dont Elie Chouraqui, va transformer son destin. Il laisse tout tomber et se lance dans le cinéma. D’abord assistant-réalisateur, puis réalisateur, il va se faire reconnaître par la profession et le public en 2013 avec son premier long : L’Affaire SK1, un film couronné de multiples récompenses. Cinq ans après il présente Sauver ou périr avec un Pierre Niney absolument inoubliable en grand brûlé. En 2023, il devrait nous offrir Les Onze vies de l’Abbé Pierre avec Benjamin Lavernhe. Pour l’heure, son Goliath fait déjà des vagues…