Toujours sous la férule de Michel Brun, l’Ensemble Baroque de Toulouse vous convie à un moment de légèreté en ces temps si troublés avec un programme intitulé Douce Folie et ce, en deux adresses, le vendredi 25 mars à 20h30 à l’Église Saint-Exupère et le lendemain à 17h à Portet-sur-Garonne en l’Église Saint-Martin.
Le programme tourne autour du thème des Folies dites d’Espagne mais aussi d’ailleurs, soit italiennes, françaises ou allemandes puis une dernière partie avec des folies entièrement françaises. Pour les premières, il est fait appel à des compositeurs comme Corelli, Geminiani, Lully, Vivaldi et Jean-Sébastien Bach.
Il se poursuit avec une suite imaginaire dite Le Triomphe d’Alcione dans lequel se retrouveront Marin Marais et Bernard-Aymable Dupuy. Pour le premier, qui n’a pas encore vu le film Tous les matins du monde retraçant la vie du célébrissime violiste, ou gambiste du temps de Louis XIV, un certain Marin Marais ? Quant au second, faisons un peu d’histoire un brin chauvine. Il est l’auteur, à 26 ans, de l’opéra-ballet Le Triomphe des arts, œuvre ambitieuse et spectaculaire du répertoire baroque régional. Composé en 1733, créé le 22 août de la même année, son auteur, musicien de premier plan, est Maître de chapelle à Saint-Sernin jusqu’en 1740 mais échouera pour la Cathédrale Saint-Etienne, et sera “embauché“ à la Cathédrale de Saint-Bertrand de Comminges en 1742. Il se marie à trente-sept ans et aura huit enfants ! Il reviendra à Saint-Sernin en 1745 pour y rester jusqu’en 1788, date de dissolution de la chapelle. Il repose dans le Cloître aujourd’hui disparu. Si d’aucun peut renseigner sur la situation alors du dit cloître ?
La Folie, également connue sous le nom de Follia, c’est bien l’un des thèmes musicaux européens parmi les plus anciens et les plus récurrents, thème tout simple devenu le plus grand « tube » de la musique baroque. Un succès phénoménal en un temps bien loin alors des moyens de com’ actuels, inspirant plus de cent cinquante compositeurs européens répertoriés depuis le XVIe siècle jusqu’aux XIXe et XXe siècles ! Mais c’est surtout aux XVIIè et XVIIIè siècles que cet air est repris par les plus grands noms de la musique durant cette période dite baroque. Baroque, un mot, rappelons-le, venant du portugais barocco, la perle irrégulière, et par extension tout ce qui est étrange, bizarre, hors des normes définies surtout en architecture….
L’origine précise d’un air populaire est en général très floue. Un air de bergers iberiques ? C’est dans la péninsule ibérique, probablement au Portugal au XVe siècle, qu’il apparaît avant de se répandre en Espagne. Gil Vincente (v1465-1537), père du théâtre portugais et musicien, est un des tous premiers à mentionner cet air, la Folia, amusement débridé de paysans chantant et dansant sur ce thème. Le recueil espagnol de chansons (Cancionero de Palacio) remontant aux rois catholiques à la fin du XVe siècle le reprend, ainsi que d’autres auteurs ibériques de la Renaissance. Un certain Sebastián de Covarrubias y Orozco le décrit ainsi en 1611 : « Il s’agit d’une danse portugaise, très bruyante, dans laquelle de nombreuses figures sont exécutées au son de tambourins et autres instruments. (…) Le bruit est si intense et le rythme si rapide que les danseurs semblent avoir perdu l’esprit, raison pour laquelle ils donnèrent à cette danse le nom de Folia.
Cette danse arrive dans les provinces de la “botte“ italienne à l’aube du XVIIe siècle et se répand rapidement dans toute l’Europe de l’Ouest. En 1604, Johannes (Giovanni) Kapsberger, d’origine allemande, né en Vénétie et établi à Rome, virtuose, compose pour le chitarrone (variante du luth) des variations sur le thème de la Folia.
Elle devient souvent plus lente, plus solennelle, comme une passacaille (qui tend aussi à se confondre avec une chaconne), elles-aussi d’origine espagnole, comprenant des variations. En même temps le thème évolue et il faut attendre Lully pour donner aux Folies leur forme définitive.
Laissons sur le côté les Îles britanniques où La Folia ne marque pas spécialement la sphère musicale et rejoignons les provinces italiennes où La Folia prend possession de la voix, et des esprits. Arcangelo Corelli, La Follia (1700), une des plus célèbres Folies, Alessandro Scarlatti, le père, Variazioni sulla Follia di Spagna (1723), Antonio Vivaldi, La Follia (1703), une des plus connues aussi, Francesco Geminiani(1687-1762), La Follia, sont présents ici. Et donc, l’Espagne avec Gaspar Sanz, Folias (v. 1675), Antonio Martin y Coll : Diferencias sobre las Folias (début XVIIIe siècle).
Même si l’exubérance est moins au rendez-vous, la Folia imprègne la musique germanique puisqu’on peut noter Johann Sebastian Bach, Folia (air Unser trefflicher) de la cantate BWV 212 Mer hahn en neue Oberkeet (Nous avons un nouveau gouverneur). La cantor de Leipzig a intégré cet air dans sa Cantate des Paysans (le titre originel de Bach est Cantate burlesque) datée de 1742. Après le père, le fils Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) avec : Douze variations sur les Folies d’Espagne.
C’est alors une véritable Europe occidentale de la musique !!
En savoir plus sur l’activité musicale de la période, cliquez ici.