Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Comment résumer les 736 pages du nouveau roman de Michel Houellebecq ? Disons qu’Anéantir parle de la fin de toute chose : celle des existences comme celle des sociétés. Le roman débute en 2026 dans les entrailles de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) où l’on enquête sur d’étranges messages codés et des vidéos diffusés sur Internet. L’une des vidéos met en scène avec un réalisme troublant l’exécution par guillotine du ministre de l’Economie et des Finances : Bruno Juge. Or, ce dernier est donné favori pour succéder au président sortant après ses deux quinquennats dont le second a vu la situation économique de la France renouer avec de « nouvelles Trente Glorieuses ». De son côté, Paul Raison, conseiller et confident du ministre, doit faire face à la santé déclinante de son père, ancien de la DGSE, atteint d’un AVC avant de tomber dans le coma. Pendant ce temps, de gigantesques porte-conteneurs chinois sont envoyés par le fond au large des eaux espagnoles…
Il est temps de partir
Chronique familiale, thriller aux accents futuristes, histoire(s) d’amour, récit d’une campagne présidentielle ou d’un homme confronté à une maladie incurable : il y en a pour tous les goûts et pour tous les genres dans cette œuvre gigogne. A son habitude, Houellebecq se révèle un formidable portraitiste de la France contemporaine autant à travers des personnages peints avec un sens du détail saisissant que par la description de paysages. L’auteur de La Carte et le territoire brouille les pistes, passe avec brio de figures semblant sorties de Matrix ou de Hacker à la vie quotidienne dans un service médical EVC-EPR (état végétatif chronique-état pauci-relationnel). Autre prouesse : on ne lâche pas ces 700 pages puissamment addictives.
Anéantir nous montre un monde où la magie, le paganisme, l’ésotérisme, le nihilisme menacent de faire s’effondrer le système « dans un gigantesque collapsus » et de faire revenir notre société techno-marchande au paléolithique. Y aura-t-il des motifs de le regretter ? Paul n’en est pas convaincu et préfère céder à « l’enivrante tentation du départ vers un monde plus beau, où nos joies seraient complètes. » Comme le disait Sherlock Holmes au fidèle Watson : « il est temps de partir. »